Cyrille NOIRJEAN : La nouvelle économie psychique et ses coordonnées : 22/09/ 2015

2ème année "Etudes pratiques de psychopathologie" : La nouvelle économie psychique et ses coordonnées
Mardi 22 septembre 2015
Intervenant : Cyrille Noirjean
Discutant: Jean-Luc de Saint-Just

Transcription : Aurélie Hollard et Marie Laure Dumas, 

Jean Luc de Saint-Just
Deux mots d'introduction avant de laisser la parole à Cyrille Noirjean pour cette conférence inaugurale des études pratiques de psychopathologie deuxième année. Nous avons ici des étudiants de deuxième année qui après une première année consacrée essentiellement à élaborer des repérages concrets à la fois cliniques et topologiques de psychopathologique, engagent cette deuxième année organisée sous forme de conférences. Vous avez tous pu voir qu'il y avait 6 conférences qui visent à aborder les questions de psychopathologie contemporaine en proposant un pas supplémentaire, celui de prendre en compte la façon dont notre social et donc la subjectivité s'organisent aujourd'hui. A titre d'information, je vous invite à visionner la conférence inaugurale de Charles Melman sur le site de l'EPHEP. Vous trouverez le lien sur le site de l'ALI Lyon. Il situe très bien les fondements de la psychopathologie tels que nous les avons définis l'année dernière. Cela permettra de vérifier que nous sommes en phase sur cette lecture, mais aussi en quoi aujourd'hui les choses ne se présentent pas tout à fait de la même façon. Nous ne ferons pas le tour des questions, mais cela permettra d'ouvrir à un certain nombre de réflexions sur la façon dont la psychopathologie se présente à notre monde contemporain.
Deux petits points avant de commencer. Nous comptons sur vous pour faire savoir que ce sont des conférences qui sont ouvertes à ceux qui veulent suivre l'ensemble du cursus bien entendu, mais qui sont aussi ouvertes à ceux qui seraient intéressés ponctuellement par une conférence. Avec Cyrille Noirjean nous avons décidé d'inaugurer une nouvelle forme d'accueil de personnes qui viendraient ponctuellement à une conférence. Ceux qui sont inscrits aux enseignements bien entendu règlent leur inscription classiquement à l'ensemble des enseignements, mais ceux qui viendraient ponctuellement nous allons leur proposer, puisque nous avons quelques frais pour ces conférences vu que cela dure un peu plus tard et que cela génère pour nous quelques couts, et bien d'y participer s’ils le souhaitent à la hauteur de 10 Euros. C'était une pratique qui existait au moyen âge où lorsque quelqu'un déclamait une poésie, chacun donnait ce qu’il voulait. Ils ne faisaient pas la manche, Celui qui avait apprécié le poème pouvait lui laisser quelque chose, et ça va être un peu sous cette forme que l'on va procéder.
Pour ceux qui sont inscrits aux enseignements et qui suivent le cursus en deuxième année, on va leur demander à tout de rôle de bien vouloir retranscrire intégralement à partir d'un enregistrement, au moins une conférence. Donc j'en vois qui sont là, est ce qu'il y aurait une candidate pour retranscrire la conférence d'aujourd'hui. Oui ? D'accord, merci.
Bien, je passe la parole à Cyril Noirjean, psychanalyste à Lyon, membre fondateur de l'ALI Lyon, qui va nous parler de la nouvelle économie psychique et de ses coordonnées.

Cyrille Noirjean
Oui. Alors je vais me permettre aussi une annonce préliminaire…. c’est que je voulais porter à votre attention….c’est important pour ceux qui participent aux Etudes pratiques de psychopathologie et tous les autres qui suivent les enseignements aussi c’est que jeudi soir, nous organisons dans le local de l’ALI Lyon, 60 rue des Rancy, vers la part dieu, une soirée dite des cartels, le cartel étant un dispositif élaboré par Lacan pour essayer de formaliser la lecture en groupe de textes, de textes lacaniens, freudiens ou d’autres suiveurs, cette soirée est une soirée informative, Anne-Marie Dransard qui est une de nos collègues installée à Grenoble et Georges Dru à Lyon présenteront ce dispositif du cartel et je ne saurais que vous enjoindre de participer à cette soirée parce que…l’année dernière la première année de l’EPP nous l’avions finit sur la nécessité d’apprendre à lire et à écrire, en tout cas de s’inscrire dans un travail de groupe donc c’est quelque chose que… même si vous ne vous lancez pas tout de suite dans un cartel vous pouvez aller prendre un peu la température me semble t il…
On avait fait une affiche c'est à dire que j'avais rédigé un petit argument, et choisi une image, comme l'affiche on ne l'a pas beaucoup diffusé, je ne fais que commenter mon argument, je ne vais pas vous le lire mais vous dire un peu ce que je racontais dans l’argument. La photographie étant une image de la radio télévision suisse, heu pardon Belge… qui était un moment de mi temps d'un match opposant le pays de Galles et l'équipe Royale de Bruxelles, mi temps dans laquelle Stromae avait animé et il avait chanté trois de ses tubes de l'époque, ça devait être en 2013 à savoir" papa où t’es" et deux autres chansons dont j'ai oublié le titre et je me m'étais servi pour le début de l'argument de cette espèce de continuum "où t’es papa… papaoutè" et de cette phrase assez amusante en tout cas "tout le monde sait comment on fait des bébés, personne ne sait comment on fait des papas".
Et je rappelais que justement le succès phénoménal de cette chanson populaire, et certains collègues qui travaillent en institution ont pu témoigner du succès de cette chanson auprès des enfants et des adolescents mais pas que, raisonnait particulièrement avec les demandes que nous rencontrons dans la clinique actuelle, qu'elles viennent ces demandes des futurs pères, ou de pères, de leur progéniture, ou des mères ou des futures mères et qu'à la suite de Charles Melman on pouvait assurément dire que l'on était passé du régime du père ennuyeux à celui du super bien plus rigolo, et que ce passage n'est pas sans effet sur la construction subjective bien entendu, mais sur la vie collective.
Et je posais la question de savoir si nous pouvions avoir quelques repérages dès lors accueillir dans la clinique qui est la nôtre et dans le lien social les deux voies induites par cette mutation, c'est-à-dire soit le resserrement autour d'un un qui assurerait l'harmonie d'un groupe désignant ainsi un étranger, l'actualité est riche d’illustrations où bien c'était la première voie, ou bien l'envahissement des jouissances, et comment dans tout ça, permettre au désir de trouver une place.
Alors, j'aimerais essayer d'être relativement bref pour que nous puissions avoir un temps pour la discussion, et qu'en effet cette année 2 des Etudes pratiques de psychopathologie pose la question de la psychopathologie de la nouvelle économie psychique.
Je vous ferais remarquer aussi que la manière dont on va parler dans ces différentes conférences, je vais essayer ce soir simplement de vous donner quelques bases, quelques pistes qui vous permettront d'aborder les autres, je m'inscris bêtement dans une soirée inaugurale, donc de vous donner quelques matières à réflexions, quelques outils pour aborder la suite, mais que cet enseignement nous l'avons voulu ouvert, et le lieu même dans lequel nous prenons la parole n'est pas sans, je dirais amusement, puisque nous allons traiter de la nouvelle économie psychique dans le conservatoire national des arts et des métiers, et qu'une lecture un peu rapide viendrait faire s'entrechoquer le conservatoire et la nouvelle économie psychique, conservatoire créé dans un idéal républicain, idéal d'un un partagé, commun à tous, et qui dirigerait tout le monde derrière lequel chaque sujet pouvait se ranger. Idéal que vous savez vacillant plus que vacillant et cela sera vraisemblablement ce qui sera discuté tout au long de cette année. Le fait que cette société, que notre société ne se soutient plus de la référence à un idéal, et je vais vous proposer tout de suite une piste de lecture de cet enseignement au sein du CNAM, dont la devise est inscrite sur le site internet du CNAM, dont la devise est Omnes docet ubique et que je vous propose de traduire, je fais exprès de ne pas vous l'écrire puisque cela vous met immédiatement dans un continuum qui n'est pas très loin de celui de lalangue que je vous propose de traduire donc "à chacun il enseigne partout", et vous entendez immédiatement puisqu'il s'agit d'une devise que ce il, il est impersonnel comme le " il pleut" et du coup le sujet il est à aller chercher plutôt du côté de chacun et dans un espace particulier qui est partout, partout, ça veut dire que c'est un espace que l'on imagine sans rupture, continu.
Bon, je voulais m'amuser à ce petit jeu là que j’ai trouvé tout à fait par hasard, ça raisonnera, tout ça s'éclairera pour vous à la fin de mon exposé… manière de m'inscrire moi aussi dans le continuum. Mais ce préambule et ce petit jeu qui sert à indiquer quand même, que cet enseignement se place du côté de la technique, que ça relève à la fois de l'art et à la fois du métier et la technique qui nous permettra d'aborder les questions posées, les questions que nous allons poser c'est ce que l'on disait à la fin de l'année passée, c'est qu'il s'agit de faire une lecture, et à partir de cette lecture de proposer une écriture particulière j'insiste sur le particulier, et tout simplement notre travail ici à tout à chacun c'est d'apprendre à lire et écrire, et j'insiste aussi sur ces deux versants puisque trop souvent aujourd’hui dans la clinique on laisse à croire aux cliniciens qu'il suffirait qu'ils sachent lire et à cocher quelques cases et que cela fonctionnerait comme ca, et donc on ferait l'économie d'une lecture, c'est-à-dire l'économie d'une interprétation. Alors justement ce petit détour, ces petits détours, parce que la nouvelle économie psychique c'est une proposition, c'est une lecture, et une proposition d'écriture, une lecture de quoi? et bien, à la fois de ce qui se passe dans le lien social, dans la société, dans la vie d'aujourd'hui, et de ce que cela a pu produire dans la construction subjective, lecture à partir de la clinique, de la clinique psychanalytique et psychiatrique je dirais révéler au grand public en 2002, cela fait plus d'une dizaine d'années, par Charles Melman dans un livre d'entretiens qu'il a réalisé avec Jean Pierre Lebrun, c'est paru chez Denoël, et c'est paru en poche, ce qui veut dire que ça circule quand même un livre qui parait en poche, je peux vous assurer qu'un livre qui parait en poche, c'est un livre qui s'est très bien vendu dans son édition originale, donc ça veut dire ça a circulé, et que ses idées ne sont pas le fait simplement de quelques privilégiés. Et si c'est paru en 2002 c'est aussi que ceux sont des idées qui sont issus de travaux de longue haleine, et je vais essayer de vous faire entendre au cour de cette soirée qu'elle s'inscrit cette nouvelle économie psychique dans la suite des derniers travaux de Lacan, non pas pour dire que la psychanalyse est prémonitoire ou qu'elle a un effet divinatoire mais simplement pour insister aussi sur cette question récurrente chez Charles Melman , à L'ALI en tout cas, de savoir si nous pourrions collectivement prendre acte de ce qui s'écrit. De cette nouvelle économie psychique, chaque mot est important et le premier, nouvelle n'est pas sans poser quelques problèmes…
Quoi de neuf sous le soleil j'aurais envie de vous dire, et c'est justement la question du soleil, vous savez que c'était un dieu le soleil chez les Egyptiens, le dieu RÂ qui est présent en images et en inscriptions dans à peu près tous les temples et toutes les tombes évidement…
et que les Egyptiens rendaient un culte important et très populaire à ce dieu, après tout et c'est pas plus bête qu'un autre et en tout cas concernant la civilisation Egyptienne ça assurait des structures sociales particulièrement solides pendant plusieurs millénaires ça assurait une écriture, c'est pas rien, une civilisation et des œuvres qui si au départ elles étaient cultuelles, si elles étaient rituelles ont traversé les âges pour arriver jusqu'à nous et qui perdurent aujourd'hui comme bijoux de la culture, ça assurait ce dieu, au moins une inscription phallique et les temples Egyptiens si vous les avez vu au moins en reproduction désignent particulièrement ce qu'il en est de la verticalité, même si certaines colonnes sont un peu…branlantes, excusez moi… ils étaient déjà debout il y 3500 millions d'années à Louxor et Karnak.
Alors cette nouvelle économie psychique, est ce que cela veut dire que nous sommes structurellement différents, nouveaux de nos ancêtres ? Vous percevez bien que l'amour du un a fondamentalement la même structure, que ce un, que ce soit le soleil, le diable, dieu, ou la république puisque j'ai fait référence à ce un unifiant sur lequel s'est appuyé le CNAM, que cet amour du un il prescrit aussi immédiatement quelque chose, c'est la haine de tout sujet qui ne se soumettrait pas au même un…. Bon pour ça, je pourrais aller chercher des dizaines exemples dans la vie contemporaine, je vais vous en citer un autre, puisque nous travaillons aussi avec Jean Luc sur cette question là, c'est le marquis de Sade qui a été révolutionnaire, ce grand libertin noble il a été révolutionnaire, il a même été président de la section des Piques en 1793/95 et il croyait à la république, il y croyait tellement fort qu'il y croyait comme en dieu et il a proposé lui président de la section des Piques que l'on rende un culte à la république sur les hôtels de la religion déchue avec encens etc.…. bon, vous imaginez qu'il n'était pas tout à fait dans les mêmes dispositions d'adoration du un de la république, que ses compatriotes révolutionnaires et du coup il s'est retrouvé dans un asile, dans une prison asilaire pour les nobles dont j'ai oublié le nom. Donc, le changement du un ne rebat pas les cartes de la circulation j'ai envie de dire ça comme ça, la nouveauté, si nouvelle économie psychique il y a, elle n'est pas à chercher de ce côté là. Et je fais une petite parenthèse tout de suite, qui est importante pour parvenir à comprendre cette proposition, qu'il ne s'agit pas là de prendre un Un pour essayer d'élaborer quelque chose autour de cette nouvelle économie psychique, qu'il ne s'agit pas de prendre un Un qui viendrait prendre la place d'un Un qui a vacillé, d'un Un que l'on a foutu en l'air, le roi contre la république… il faut avoir à l'esprit que la constitution des groupes, de ces groupes là, se fait sur l'expulsion d'au moins un, il faut en désigner un que l'on fout dehors et qui vient souder le groupe, c'est logique c'est qu'il n'y a pas de un sans l'autre, tous les clichés de la langue française, j'en citerai deux ou trois ce soir, pas un sans l'autre, c'est pour qu'il y en est un Un, pour que le un existe il faut immédiatement irrémédiablement j'ai envie de dire, désigner la catégorie de l'autre et pour être bien serré contre soi, le plus simple c'est de désigner celui qu'on va foutre dehors, il n'y a pas besoin d'aller chercher dans les trucs très violents, c'est pas seulement de l'intégrisme cet amour du un. Je pourrais vous prendre l'exemple d'une jeune adolescente qui m'est relativement proche sinon très proche qui vient d'entrer en 4ème, et quel groupe merveilleux que la classe, et qui tout de suite au bout de 2 /3 jours, et ben le groupe a réussi à désigner celui ou celle, je dois dire que je ne me souvient plus, qu'il fallait extraire celui ou celle qui s'est mis dans cette position là en faisant des bruits de bouche une sorte de brouhaha permanent pendant les cours, auquel bien évidement, les profs n'ont pas répondu parce qu'il sont pas tout à fait bêtes les profs, donc ils savent aussi jouer de ça, et donc qui est-ce qui a désigné comme étant l'objet à exclure, celui à exclure du groupe et bien, c'est ses petits congénères et cette jeune fille est rentrée de l'école en disant « Ho.. là là il ou elle est insupportable il faut absolument qu'on le change de classe », et du coup ça a soudé la classe, ils s'entendent, alors qu'ils ne se connaissaient pas puisque dans ce passage en 4ème tout le monde a été mélangé, tout d'un coup ça prend forme, voyez, on n'a pas besoin d'aller chercher un intégrisme virulent. Mais c'est important…enfin j'ai pris cet exemple à dessein dire-ai-je c'est important de savoir que d'avoir proche que c'est amour du un on y tombe assez facilement, y a quelque chose de rassurant, je reviendrais là dessus.
Alors qu'est ce qui est supposé nouveau ? C'est l'économie, qu'est que c'est l'économie? L'économie c'est ce qui administre ce qui s'alimente par la production et la consommation. Cette nouvelle économie psychique que propose Charles Melman, elle s'inscrit tout à fait dans quelque chose de freudien, vous savez que Freud a eu recours a la métaphore du capitalisme pour désigner ce qu'il en est du désir inconscient dans le rêve, le désir inconscient c'est celui qui capitalise, et bien traditionnellement le modèle pour que ça fonctionne ce dispositif là, c'est qu'il y en a un qui vient occuper la place de celui qui confisque les productions en administrant la consommation et les échanges, ça met une structure, ça met en place une structure, y en a un qui va dire, qui va régler comment on échange les objets, comment on les produits qui a droit à quoi, ça met en place une structure qu'on nomme traditionnellement pyramidale d'où mon exemple Egyptien, c'est-à-dire tendu entièrement vers le sommet, et je vous ferais remarquer justement que le sommet d'une pyramide il est pas particulièrement facile à trouver, à localiser, que le sommet il est simplement désigné c'est la pointe qui indique le sommet, que le sommet il existe il ex-iste, il est hors de la pyramide, en tout cas une telle structure elle règle, elle définit les rapports entre les individus dans un corps social, c'est-à-dire à l'intérieur d'un discours spécifique, et qu'elle a un effet cette structure que je vais nommer prescripteur dans la construction subjective, ça assure a chacun une place, et du coup c'est clair, si vous êtes esclave vous savez que vous êtes esclave et finalement vous n’avez pas trop de question à vous poser. Ça donne une tenue et entendez le au sens propre, vous savez que plus proche de nous c'est-à-dire tout le 19ème siècle a produit un nombre de manuels de savoir vivre assez impressionnant, c'est-à-dire qu'est ce qu'on peut faire et qu'est ce qu'il ne faut pas faire? une veuve est censée porter le deuil de son mari au moins un an et ça se porte la première année en noir et sans bijoux, on ne fume pas dans la rue, et on ne boit certainement pas dans la rue, vous voyez à quel point aujourd'hui cette tenue là n'est pas opératoire ou opérante, et au sens figuré ça donne une tenue à un sujet puisque pris dans ses carcans il est immédiatement dans un rapport à la limite, et à son franchissement et l'histoire de la culture s'écrit justement de ces franchissements. J'ai un certain goût - ceux qui me connaissent sont habitués - à choisir des exemples dans l'histoire de l'art. Edouard Manet au salon de 1865 je crois, va présenter son grand tableau qui s'appelle Olympia, qu'est ce que c'est l'Olympia, c'est une prostituée, c'est une prostituée et il a le malheur sur son tableau d'indiquer assez clairement que c'est une prostituée et de surcroit on voit un type avec un bouquet de fleurs qui arrive, vous imaginez bien qu'un type qui arrive chez une prostituée avec un bouquet de fleurs ça n'est pas son mari, et que Manet en plus fait un tableau en rune éférence extrêmement classique et connu qui est la Vénus d’Urbino du Titien, quand même, faire une copie de la Vénus d’Urbino avec une prostituée parfaitement repérée, ça a un effet immédiat c'est qu'il y a un scandale et je peux vous raconter ça aussi il y aura un visiteur du salon qui va planter son parapluie dans la toile, puisque je suis parti sur des anecdotes graveleuses, c'est assez amusant…
Bref, j'en reviens à celui qui peut venir occuper cette place de maîtrise des productions par l'administration de la consommation, et des échanges, vous entendez, ce n'est pas une maîtrise à proprement parler des productions, c'est une maîtrise de la consommation et des échanges. C'est qu'il y a un petit décalage et que cette maîtrise elle va se porter sur les objets dont je dirais qu'ils sont essentiels à la survie de l'espèce, et les premiers objets qui sont touchés par cette maîtrise, ce sont bien évidemment les femmes, et la structure sociale que je suis en train de vous décrire, régit, va régir, a régi l'échange des femmes très clairement, une femme prend le nom de son mari, elle quitte une famille celle de son père pour aller dans celle de son mari et c'est pas pour…on pourrait en parler plus tard, c'est pas si ringard que ça, moi j'ai assisté à des mariages où le père de la mariée disait" jeune époux je suis très heureux de te donner ma fille" moi j'étais plutôt un esprit libéral, je trouvais cela quand même un peu forcené, c'est pas chez des gens particulièrement archaïques et donc ça a pour effet une structure sociale de cette rigueur là de cette rigidité là. Pardon je zappe quelque chose c'est que, pourquoi il faut administrer l'échange des femmes, parce que c'est elles qui ont la charge de la production, de la reproduction évidement. Et bien, certaines, certaines vont résister et celles qui vont résister on va les nommer des hystériques, et les modalités de leur résistances tiennent, vont tenir dans la révolution d'un dispositif à savoir que celui qui est là en place de maître, le roi, le chef, il n'est pas là le maître absolu, c'est qu'il applique une loi qui le dépasse. Le roi, Pharaon ce sont les représentants de dieu sur terre et le roi de France était sur le trône par la volonté de dieu, donc l'hystérique elle applique le cliché qu'il vaut mieux s'adresser à dieu plutôt qu'à ses saints, et bien à la fin du 19ème siècle il y a quelqu'un, Freud qui va les écouter et qui va donner du crédit à leur parole et en les soutenant dans cette voie, en soutenant cette voix ça passe aussi par le corps, il les a engagées à ne pas se soumettre toute à la loi du maître que vous avez bien entendu reconnu pour être la loi du père ; mes collègues pourront réagir, je fais des raccourcis parce que j'aimerais avancer, encore qu’on a un peu de temps…
Et bien, cela n'a pas été sans effet sur le lien social, et donc sur la construction subjective.
Jean Luc de St Just parlera le 24 novembre, je crois du père humilié de Paul Claudel, le père humilié c'est 1915 ça fait un siècle et pourtant on s'étonne toujours de quoi, du fait que cette instance que j'essaye de vous décrire qui a structuré et dominé le lien social et la subjectivité, que cette instance elle a commencé de vaciller, mais qu'elle avait commencé à vaciller en 1915, si ça trainait dans la culture que pour aujourd'hui en être à ce que Melman dit, c'est ce que je vous ai cité dans l'argument c'est que l'on est passé du régime du père ennuyeux à celui du père super bien plus rigolo… avant d'en venir à ce père super, à ce père formidable, formidable, vous allez m'accuser, me taxer de stromaemanie mais je vous ferais remarquer que Stromae c’est maestro, le maître à l'envers, en verlan, donc ce qui est intéressant chez Stromae c'est qu'il vous le dit que le père il est renversé, comme le petit père des peuples vous savez Staline, ces statues que l'on a foutu par terre…. avant d'en venir à ce père rigolo, à ce papoutè ; c'est pour insister que si ça se passe partout « ubique » ça ne veux pas dire que ça se passe n'importe où, ce que l'on est en train de décrire là, c'est dans l'ensemble des êtres parlants dans l'ensemble des parlêtres, alors ceux qui ont participer aux études pratiques de psychopatho de l'année dernière ont les idées claires sur ce qui spécifie le parlêtre; c'est qu'il est parlé avant d'être parlant, on a appelé ça la primauté du signifiant ça veut dire que le petit homme il arrive dans un continuum, et j'évoquais la semaine dernière les démonstrations de Marie-Christine Laznik qui s'adresse en mamané dans cette langue primordiale elle a des bébés avec lesquelles elle n'a pas de langage en partage et avec qui elle s'adresse et avec qui elle arrive à capter l'attention mais pour sortir de cette espèce de bruit somme toute fort agréable qu'est le mamamé il faut qu'une découpe se fasse, il faut découper des unités signifiantes, maman ou papa, pour commencer c'est suffisant. J'évoquais la semaine dernière mais du coup je vais le rappeler parce que je suis pas sûr que tout le monde l'ait déjà entendu l'histoire de ce bébé plongé, de ce très jeune enfant plongé au cours d'un voyage à l'étranger dans une langue étrangère, plongé dans une langue étrangère au cours d'un voyage touristique qui du coup n'avait plus aucun repère et hurlait au grand damne des autres voyageurs dans l'autobus jusqu'au moment où dans la voix de la guide il a pu découpé simplement maman et que cette unité a suffit à le rassurer et à calmer ses pleurs. Avec toujours cette conséquence que le langage du coup n'est pas un outil séparé du corps mais c'est une structure dans laquelle le sujet vient se loger, et le sujet vient se loger dans cette chaîne signifiante avec la texture particulière du signifiant dont Jean-Luc de Saint Just rappelait la semaine dernière qu'il est différent de lui-même en vous donnant cet exemple il vous disait: si je vous dit SANS qu'est ce que vous entendez ? Est-ce que vous entendez S-A-N-G ? Est-ce que vous entendez S-A-N-S? Est-ce que vous entendez C-E-N-T ? Où est ce que vous entendez S'EN et que ça ne peut prendre sens et signification que dans un rapport de voisinage, donc dans la nouvelle économie psychique ce qui est modifié je vais vous le dire comme çà et je ne suis pas sûr de l'expliciter après mais quand même, c'est labitat de la langue et je l'écris comme un continuum, on pourrait en faire une soirée complète ça fait référence à pleins de choses qui trainent chez Lacan mais qu'importe, qu'elles soient présentes à votre esprit où pas, cela indique quelque chose et ce qui disparait c'est l'érotisation de la limite dans la nouvelle économie psychique, la question n'est pas du coté de la jouissance à faire ce qui ne se fait pas, à aller au delà, à subvertir, à transgresser la prescription, on est pas du tout la dedans on est dans d'autres modalités.
Roland Barthes, j'ai écrit ça avec l'idée que tout le monde savait qui était Roland Barthes, mais c'est peut être pas évident du tout. Vous avez une idée de qui est Roland Barthes? Non? Moi, quand j'étais étudiant tout le monde lisait Roland Barthes donc je suis parti du principe que...
JLSJ: Bartès on voit, mais Barthes?
CN: Ah c'est pour ça que Roland Barthes m'est venu mais…parce qu'il y a un stade de foot et que je résiste, je dénie un intérêt au football… Roland Barthes est un penseur français qui est mort au tout début des années 80 et qui est un penseur structuraliste proche de Lacan, de ce que Lacan a pu poser, et de Philippe Sollers, Julie Kristeva etc.… d'ailleurs je vous conseille de lire un texte de Roland Barthes paru juste avant sa mort en 1980 ou 79 qui s'appelle « La chambre claire » qui parle de la photographie et de ce qui dans la photographie vient poindre, vient faire point du côté du spectateur, vient happer le spectateur et dans les marges du texte il indique ses références à Lacan. Je pensais à un texte en effet que l'on lisait tous quand j'étais jeune, plus jeune, qui est « Les fragments du discours amoureux » et Barthes dit à propos de l'érotique de l'érotisation, qu'est ce qui est érotique, c'est ce qui baille, c’est la jupe qui se soulève et fait apparaitre la cheville. J'ai fait exprès de prendre cet exemple, c'est pour vous titiller un peu ! Ce sont les vers de Tartuffe "couvrez ce sein que je ne saurais voir par de pareils objets les âmes me sont blessées et cela fait venir de coupable pensées" Couvrez ce sein que je ne saurais voir… vous imaginez bien que la personne à qui s'adresse cette phrase n'est pas tous seins dehors, puisque nous sommes chez Molière, mais le sein désigne le sillon, l'entredeux des mamelles et c'est de ça qu'il s'agit de couvrir cet entre-deux seins qu'il faut couvrir pour bien désigner que c'est là qu'il y a quelque chose à voir. Aujourd'hui nous sommes assez loin de ces modalités me semble-t-il dans notre société, où même justement où j'étais sur cette thématique où même les provocations de la Cicciolina, vous vous souvenez de la Cicciolina, l'ex femme de Jeff Koons, députée italienne qui avait trouvé le moyen de faire scandale en portant en permanence une robe bustier bleue, et quand elle voulait manifester sa joie, une quelconque autre émotion, levait les bras et ce qui avait pour effet de faire sortir sa poitrine du bustier évidemment, et même ses provocations là de la Cicciolina nous semble sans grande saveur dans le monde d'aujourd'hui.
Mais ce n'était pas déjà la même modalité que Tartuffe, où je vous disais qu'il s'agissait de voiler pour indiquer là où il y aurait à voir, la Cicciolina il s'agissait de lever le voile, de lever le voile sur l'objet habituellement ravit au regard. Objet qui était, je vais dire ça comme ça, remis à sa place rapidement malgré tout.
Aujourd'hui il n'est pas question ni d'apercevoir ni de dessiner un cadre pour permettre l'apparition, l'objet est montré d'emblée dans sa crudité, avec une prescription nouvelle que cet objet montré, présenté on peut le posséder, on doit le posséder, on peut le posséder je vais plutôt dire comme ça, on peut en jouir avec cet écart donc, qu'on passe de quelque chose qui est de l'ordre de la représentation qui vient à la fois masquer pour désigner qu'il y a quelque chose à voir à la présentation, c'est dire qu'on montre ce qu'il y a….dispositif contemporain qui joue, qui rejoue à plein ou que rejoue à plein plutôt le monde marchand, nous sommes entourés d'objets tout un chacun toujours nouveaux, toujours prometteurs d'une nouvelle satisfaction, et bien entendu d'un bien être, et puisque ces objets je peux en changer je peux en jouir, je peux en jouir et en changer, quel besoin d'aller à la rencontre d'une altérité qui viendrait faire arrêt à ma propre jouissance, à mon propre plaisir pour le coup, c'est très clairement énoncé dans les cures d'aujourd'hui…. Il est assez fréquent que quelqu'un puisse venir témoigner de ses difficultés dans une vie de couple, qui n'est même pas une vie en commun sous le même toit mais une vie de couple, d'un couple qu'on va dire moderne, que la difficulté là, c'est que dans cette vie en couple il y a quelque chose qui vient faire arrêt et qui m'enlève mon petit plaisir personnel, c’est assez fréquent les exemples," j'étais bien tranquille tout seul et puis j'avais prévu de retrouver ma copine et il faut que j'y aille et en même temps j'ai pas envie," et qu'est ce que je fais? j'y vais ou j'y vais pas? est ce qu'il y a quelque chose qui vient faire arrêt ou pas?
La logique donc n'est plus celle d'une jouissance qui serait la bonne, celle qu'il faut, face à une autre qui serait mauvaise, celle qu'il ne faut pas, l'autre il n'y a pas de jouissances prescrites aujourd'hui, toutes les jouissances se valent, au moins c'est ce que l'on veut faire croire; et donc on est plus du tout dans ce dispositif que je vous ai décris d'un Un qui tient par un autre, il n'y pas besoin d'une existence une… Et d'une certaine manière chacun peut aller chercher ce qui ferait point d'appui pour lui et donc on se retrouve avec une multiplicité d'existences… et ça, ça un effet visible, palpable dans la vie de tous les jours, qui est particulièrement marqué je trouve dans les publicités. Cet effet, c'est l'indistinction entre les grandes catégories que je dirais classiques d'homme et de femmes, la catégorie d'objet, l'objet, la catégorie d'objet plutôt, qui était jusqu'alors réservée aux femmes s'est déplacé et s'est étendu aux deux sexes, j'ai pas besoin de vous donner d'exemples sur les publicités, c'est dommage le métro à Lyon n'a pas de grandes affiches publicitaires comme à Paris, c'est moins prégnant mais vous avez pu voir que dans les publicités, l'homme est présenté comme un objet au même titre que çà l'était pour la femme jusque quelques années auparavant et vous pouvez songer à ce que cela induit du côté de la tenue vestimentaire, y a qu'à se balader dans le métro et voir, et voir que, que quoi ? Comment je vais vous dire ça? le raffinement tout féminin qu'une grande partie de la gente masculine s'impose, se fait un devoir de mettre en œuvre dans son habillement, il y a même eu des catégories sociales il y a quelques années, supplantés par les hipsters dorénavant les métrosexuels, dont on ne parle plus beaucoup, mais c'était intéressant ça venait bien dire, car en plus c'était une catégorie, je ne sais pas si elle était spécifiée dans la mode mais en tout cas spécifiée dans la sociologie, qui venait bien dire quelque chose de cette indistinction.
Ca je vous le dis comme ça, et en vous le disant comme ça j'évacue quelque chose que je vais juste vaguement effleurer qu'on peut considérer que la catégorie de l'un, elle est du côté de ce que l'on a nommé les hommes et la catégorie de l'autre elle est du coté de ce qui a été nommé les femmes, d'abord l'homme et puis les femmes, que ça va bien au-delà de quelque chose qui est simplement biologique et tout à chacun peut venir s'identifier à l'une ou l'autre place, indépendamment de son sexe biologique et de ses orientations sexuelles.
Donc la différence des sexes s'inscrit de manière nouvelle et on pourrait quasiment parler d'une tentative d'équivalence. L'interrogation de Stromae que je rappelai tout à l'heure « tout le monde sait comment on fait des bébés, personne sait comment on fait des papas » en ce sens là est une question nouvelle, c'est ça la nouvelle économie psychique tout bêtement, c'est que cette question là puisse se poser, vous imaginez dans une société qui prescrit ce que doit être un père, pas un papa, un père, la question va se poser cette question là elle ne se pose pas, et vous entendez qu’on change de registre, que ce que prescrivait la société…..quand une société prescrivait le père, elle prescrivait quelque chose une fonction symbolique, c'est de l'ordre du symbolique, c'est une fonction, c'est de l'ordre d'une place occupée ou pas, que le papa c'est tout à fait différent, on se retrouve là je vous le dis comme çà dans un enchevêtrement imaginaire et réel, c'est-à-dire qu'on est dans le jeu d'un rapport de l'un à un petit autre, de un plus un, qui vont essayer de tricoter ça, autour de ce qui est justement absent, de ce qui fait défaut dans la relation… alors je vais vous redire tous ce que je viens de vous dire en une phrase et différemment : c'est qu'on aurait pu appeler ça, j'aurais pu appeler ce topo, d'une certaine manière de la jouissance phallique à la jouissance Autre…. qu'est ce que c'est que la jouissance phallique ? C'était la jouissance qui était prescrite, qu'elle était limitée c'est-à-dire qu'elle avait une fin. Qu'est ce que c'est que la jouissance Autre? c'est une jouissance qui d'une certaine manière n'est pas limité, ne trouve pas d'arrêt, c'est ce que j'évoquais tout a l'heure, cet analysant qui disait "j'étais super bien tout seul et il a fallut que j'y aille " dans quoi il était à ce moment là, alors vous allez me dire c'est soft, mais on peut l’étendre à un grand nombre de pathologies contemporaines qu'on rabat du coté des addictions… avec ce souci, c'est pour ça aussi que j'ai fait ce long préambule, que si l'usage modéré ou pas de drogues, d'alcool, la prostitution, vous savez qu'aujourd'hui la prostitution est un lot relativement commun d'un grand nombre de jeunes femmes qui par ailleurs peuvent avoir une vie de famille tout à fait normale, être mariée, avoir des enfants et qui parallèlement, souvent dans le secret, vont se prostituer ? Ces pratiques, cette consommation de la drogue, dans la clinique disons des jeunes adultes des 20-25 ans, l'usage des drogues de tout genre pas seulement du hachich tout ce qui se trouve sur le marché à savoir : MDA, GHB… enfin toutes ces lettres là que je ne sais pas déplier, souvent du reste alliée à des expériences sexuelles de tous ordres, elles ne sont à aucun moment vécues ces expériences là et cette consommation comme transgressive, et si la lecture de la clinique, pour les sujets chez qui il n'est pas question de transgression et l'effet du côté de la transgression ça ne fonctionne pas, donc faut bien entendre qu'on est dans une autre logique. Je vous donnerai à la fin une piste de la manière dont on peut soutenir ces sujets qui peuvent être happés dans quelque chose d'illimité…. alors cette logique là que je vous est décrite, cette nouvelle économie psychique, qui n'est pas celle de l'exclusion, elle permet tout aussi bien que l'amour du un se maintienne, et que du coup sur le plan social ça produit d'une manière imparable ce qu'on voit aujourd'hui, ça produit le retour à un un qui va être d'autant plus violent et d'autant plus vindicatif que…. l'illimité de l'autre jouissance qui lui fait face, ce un il le perçoit comme un danger, comme un danger qui va le submerger … alors je vous ai parlé comme ça, de la jouissance phallique, de la jouissance autre, j'ai parlé de l'objet en ne disant pas qu'il s'agissait quand même de l'objet petit a et vous savez que Lacan a proposé une troisième jouissance qui est celle du sens…. et alors, est ce que cette nouvelle économie psychique elle permettrait d'inventer quelque chose de nouveau, justement ? Vous avez perçu que, dans un discours social, traditionnel, dans une structure subjective traditionnelle, classique ce qui permet de se tenir c'est la dissymétrie des positions, la dissymétrie de l'un et de l'autre, la dissymétrie du sujet et de l'objet et que un sujet a à être sujet et un autre vient se loger dans cette place qu'est l'objet….
Si la lecture que Charles Melman fait est juste, à savoir que les sujets pourraient s'inscrire justement dans des positions qui ne seraient pas dissymétriques fondamentalement, ce qui pourrait s'inventer et c’est ce que Melman propose dans un texte, il le dit comme ça, et je vous le reprendrai, c'est qu'un homme et une femme puissent se rencontrer autour d’un même objet. Çà ne vient pas de nulle part chez Melman cette histoire qu'un homme et une femme puissent se rencontrer autour d'un même objet, parce que cette manière de lien social, ces sujets que l'on dit contemporains souvent, Lacan avait déjà proposé une écriture pour en rendre compte, une écriture mathématique qui s'appelle la topologie et qui convient particulièrement puisque ce dont il s'agit c'est une écriture…. pardon que la topologie c'est la science du continu comme l'inconscient, ça mime la structure de l'inconscient qui est continue, je vous ai fait cette blague sur la langue mamamé, sur ce qui est à découper…
Donc la topologie c'est une science du continu et qui a une figure particulière à laquelle Lacan va s'atteler qui est le nœud borroméen, le nœud borroméen il a un avantage, je vais vous en donner une définition, le nœud borroméen c'est un peu comme les 3 mousquetaires sauf qu'ils sont vraiment trois, c'est pas un sans les autres, et pas l'un sans l'autre. Un nœud borroméen c'est trois anneaux noués ensemble de telle manière que si on en coupe un les deux autres sont libres, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas noués deux à deux, je vais vous le dire comme ça sans le dessiner pour que vous puissiez vous l'imaginer justement, ça a un rapport à l'image…..ce qui vient nouer deux des consistances c'est le troisième qui vient les tenir, et donc ça a l'avantage le nœud borroméen d'être suffisamment complexe que l'on arrête pas de se prendre les pattes dedans et que c'est quasi inimaginable, même quand on a l'habitude de travailler avec…

Est-ce que c'est plus claire ou pas? Est ce que vous voyez que le noir il est en dessous du vert et au dessus du rouge et si vous essayez de tirer le noir avec vos mains il va rester coincé en dessous du vert y a pas de possibilité de le bouger (….)
Donc cela a un avantage le nœud borroméen, et c’est pour cela que c’était très bien que je vous le dessine en noir d’abord, c’est que vous voyez qu’il n’y en a pas un qui est prépondérant sur les autres, qu’ils ont tous la même place d’une certaine manière, pour bien les différencier, c’est la couleur. Je peux vous dire avec la couleur ou en les nommant, ou je peux vous dire le rouge il est en dessous du noir et au dessus du vert. Le noir il est au dessus du rouge et en dessous du vert, et le vert il est au dessus du noir et en dessous du rouge. Et d’une certaine manière, les uns par rapport aux autres, ils sont tous au dessus de l’un et en dessous de l’autre, donc que ce soit l’un ou l’autre, il n’y a pas de différence. Et ca rend bien compte quand même de ce que j’ai essayé, de cette manière de parler du nœud borroméen, cela vous indique quand même quelque chose du côté de ce que j’ai essayé de vous raconter là. Il n’y a rien qui vient faire, il n’y a rien qui est prépondérant, qui vient … il n’y a pas un qui noue les autres ensemble, je vais le dire comme cela. En tout cas dans ce dessin là. Et donc, vous savez peut-être que Lacan s’est servi du nœud borroméen pour donner une écriture de la manière dont nous entrons dans la langue, dont nous habitons le monde. Et que, en gros c’est ce qui se passe pour tout un chacun d’entre nous, dès que l’on parle, on fait des nœuds borroméens sans s’en rendre compte et donc, en parlant on vient essayer de désigner quelque chose, qui appartient au monde, qui appartient au monde justement. Que nos mots viennent rater la chose, c’est à dire au fur et à mesure que je vous dis « table », c’est ce que je vous disais la semaine dernière, vous allez avoir une image de table, et que le mot, l’image et la chose, vont venir se nouer ensemble pour faire quelque chose qui tient. Et donc Lacan se sert de cette écriture particulière pour désigner notre manière d’habiter la langue. Et ce qui est intéressant justement, c’est qu’il va placer ce que je vous ai appelé l’objet, tout au long de mon blabla et que l’on peut désigner aussi d’objet petit a, c’est à dire de ce qui cause le désir et qui fait que tout un chacun continue de courir. Il va le placer là au centre, au centre de ce nœud qui est un espace particulier, puisque c’est le seul espace qui est coincé, si vous tirez chacun des ronds, ca va faire un point, c’est ce qui fait que ca tient, c’est ce qui fait que ça tient noué. Et ce que je vous ai indiqué du côté des jouissances, Lacan les place sur ce nœud d’une manière assez simple. On va commencer par le sens puisque c’est ce qui est le plus facile, c’est ce qui est à l’endroit du recouvrement du symbolique et de l’imaginaire. Parce que ce qui fait sens, c’est aussi ce qui fait image avec des mots. Je vous dis les choses de manière très simple, elles seraient à travailler et à affiner beaucoup, mais cela permet de faire entendre quelque chose. Là, il va placer la jouissance phallique, celle dont j’ai dit qu’elle avait une limite, à l’entrecroisement, au point de recouvrement du réel et du symbolique. Pourquoi elle est symbolique la jouissance phallique ? Parce que c’est celle qui est prescrite par le père, c’est celle qui est désignée par la loi du père. Et ici, le troisième c’est ça, je vais mettre la jouissance Autre, donc à l’endroit du recouvrement du réel et de l’imaginaire. Cette jouissance Autre, vous voyez qu’elle est hors le champ du symbolique. Qu’elle est hors langage, c’est bien pour cela que c’est très compliqué pour un sujet de venir en parler et d’avoir à en dire quelque chose. C’est quand même chez des adultes et des ados qui ne peuvent rien en dire. Et dont on peut accueillir comme une bonne voie vers la guérison, tout d’un coup sur des passages à l’acte qui restent hors langage, dont on ne peut rien dire, dont le sujet lui-même ne peut rien dire, que tout d’un coup il puisse venir les nommer. Avec des mots qui ne sont pas forcément les siens, de surcroît, qui sont ceux des médecins, mais que lui, que un sujet peut venir en dire quelque chose. Cette jouissance autre, elle est entièrement prise dans l’imaginaire et dans le réel, elle est du côté du corps, et hors symbolique. Et donc la proposition que je vous ferai, alors j’avais noté ça et je ne l’ai pas lu, je ne l’ai pas dit, c’est que je vous fais une proposition de lecture moi aussi. Une lecture de la nouvelle économie psychique 15 ans après le livre que Melman a publié et du fait du travail qui a cours, qui sont en cours à l’ALI. Donc si vous allez voir, si vous allez lire, ce que je vous conseille, « L’homme sans gravité », ce que propose Melman dans « L’homme sans gravité », ce que dit Melman est quand même très différent de ce que je viens de vous énoncer, mais Melman lui-même a bougé depuis 15 ans. Et donc, qu’est-ce qu’on pourrait proposer à un sujet pris dans cette nouvelle économie psychique, et bien peut-être qu’on pourrait lui proposer de la même manière qu’un homme et une femme puissent se rencontrer autour d’un même objet, c’est à dire de tourner autour de cet objet qui cause son désir, et d’avoir accès aux trois jouissances et non pas de rester enfermé dans une seule. Et que ce serait peut-être cela qui permettrait justement, comment je l’écrivais, qui permettrait justement au désir de trouver une place et de ne pas être, comment dire cela, évacué, du fait d’une absorption de la jouissance Autre…
Je crois que je vais m’arrêter là, si cela vous suffit.

JLSJ

Merci Cyrille, nous allons avoir du temps pour la discussion et pour rependre peut-être un certain nombre de points. Je vais utiliser ma place de discutant pour revenir sur deux ou trois petites choses que tu as amenées.
Cyrille nous disait tout à l’heure que la clinique, ce n’était pas qu’une lecture, c’était aussi une écriture, je vais donner juste un petit exemple, rapporté par Charles Melman quand il était jeune interne. Il se promenait dans les couloirs, il ne savait pas trop quoi faire, comment aborder ces patients qui souffraient de maladie psychique. Et puis il y a un professeur de psychiatrie qui lui dit, mais « est-ce que vous savez faire une observation ? » Il dit qu’il ne savait pas. Il l’a emmené avec lui à un entretien avec une patiente, si j’ai bien saisi ce qu’il disait, la consigne était « écrivez tout ce qui sera dit ». Et il a rempli des pages et des pages et des pages, et je peux vous assurer que lorsque un autre grand patron qui s’appelle Marce Czermak, faisait travailler les internes qui venaient se former auprès de lui, les faisait travailler autour du fait clinique, et bien ils en ont gratté du papier et j’ai vu même Marcel Czermak renvoyer des copies à des internes en disant que c’était n’importe quoi : c’est-à-dire que c’était pas bien écrit. Ce que je veux faire entendre par là, c’est que pour qu’il y ait une lecture, il faut l’écrire. Il n’y a pas d’autre moyen de pouvoir repérer ce qu’il en est d’une lecture clinique que de l’écrire. C’est une façon d’illustrer ce que Cyrille disait tout à l’heure.
Alors je fais le lien avec quelque chose qui est souvent considéré comme rebutant, et on pourrait presque dire structurellement : la topologie. Cyrille a parlé du nœud borroméen, mais cela me semble très important de redire qu’écrire un nœud borroméen, quand on fait un travail clinique, c’est la même chose que d’écrire tous les propos du patient. C’est exactement la même chose, mais autrement, parce que si vous écrivez au mot à mot tout ce que le patient a dit : est-ce que cela vous permet pour autant d’en dégager une lecture ? Ce n’est pas évident. Et donc ce qu’essaie d’inventer Lacan, c’est une autre façon d’écrire la clinique, qui permettrait effectivement de repérer dans le dire du patient la dimension du symbolique, de l’imaginaire et du réel, qui ne se donnent pas comme cela à lire d’emblée. Est-ce que le symbolique dans son dire chevauche l’imaginaire ?
Cyrille avec beaucoup d’illustrations, y compris beaucoup d’illustrations sociales, dont on pourrait d’ailleurs se poser la question de savoir, mais pourquoi un changement social cela amènerait une nouvelle économie psychique ? Et bien pour reprendre les propos de Charles Melman, c’est tout simplement parce que l’intime, ça a été un grand travail des débuts du travail de Freud, l’intime du psychisme de chacun est en continuité avec le discours social. C’est à dire, qu’il n’y a pas de frontière entre le dedans et le dehors. Et alors Lacan, va essayer de l’écrire de différentes façons et entre autre, je ne sais pas si c’est le premier, mais un des premiers objets topologiques, cela va être de l’écrire avec une bande de Moebius. Vous voyez, je n’avais pas préparé avant, ça c’est une bande, vous voyez, et puis si je la referme comme cela, vous avez deux faces, une face extérieure et une face intérieure, et vous avez deux bords. On est d’accord ? Sauf que la structure du langage n’est pas organisée comme cela. Cette bande biface c’est la structure du signe, la structure du langage elle est organisée par une structure qui est comme cela. C’est à dire, c’est la même chose que la bande que j’ai fait tout à l’heure, mais avec un quart de tour, vous essaierez si vous ne connaissez pas cette figure topologique, et lorsque vous mettez votre doigt sur un bord, vous faites le tour et vous vous retrouvez de l’autre côté. C’est à dire que c’est organisé par une continuité. Il n’y a absolument aucune frontière entre les deux, il n’y a pas de frontière entre l’extérieur et l’intérieur. C’est notre structure d’être de langage qui produit cet effet. Alors, il me semble qu’on pourrait reformuler la même chose que ce qu’évoquait Cyrille tout à l’heure, par le fait que cette même structure… c’est pourquoi Charles Melman n’a pas dit la nouvelle structure psychique ? Parce que la structure du «parlêtre» elle n’a pas changé, hier on parlait, aujourd’hui on continue à parler, on a toujours cette même structure sauf que, elle va venir s’organiser, comme l’a très bien dit Cyrille, par le fait que soit on considère que ce qui nous organise c’est la limite. C’est à dire que même si il y a une continuité il y a quand même deux bords, c’est à dire que si vous faites le tour vous êtes de l’autre côté, mais il y a quand même deux bords. Vous êtes d’accord avec cela ? Ce qui délimite, ce qui fait limite entre les deux, c’est une limite, c’est à dire le bord là pour le coup il y a deux faces, mais il y a le bord de la bande qui est mis en continuité. Donc si vous vous organisez avec la limite, si vous vous organisez socialement, psychiquement, si vous êtes organisé par la limite. Et bien vous avez l’un d’un côté et l’autre de l’autre, séparé par une limite, d’accord et ce que vous ne voyez pas ou ce qui vous échappe, c’est qu’en fait c’est la même face. Alors c’est dit un peu rapidement, mais on pourrait dire que pendant des millénaires, les rapports entre les hommes et les femmes, puisque c’est l’exemple que tu donnais, mais on pourrait donner d’autres exemples, étaient organisés par le fait que le point de vue qui était donné sur la structure, c’est un point de vue. Ce point de vue c’est que d’un côté il y avait l’un, on va dire les hommes, et d’un côté il y avait l’autre, les femmes et qu’ils étaient séparés par une limite, méconnaissant totalement bien entendu que c’était tout à fait en continuité et que cela relevait de la même structure. Le point de vue qui est privilégié aujourd’hui, c’est celui de la continuité. Méconnaissant que si on met tout en continuité, cela n’empêche pas qu’il y a quand même une limite, il y a quand même deux faces et que donc il ne peut pas y avoir… que ce n’est pas semblable parce que c’est soit sur une face ou sur l’autre. Donc, nous avons affaire à cet effet, que dans sa conférence inaugurale Charles Melman rappelait, d’une psychopathologie qui pendant très longtemps s’est organisée autour d’une psychopathologie de la limite, c’est à dire que bien entendu quand on était de ce côté là on trouvait que c’était tout à fait injuste et que, c’était beaucoup mieux du côté de l’autre et éventuellement vice versa. Et que cette limite quand même elle nous cassait les pieds et qu’il fallait essayer de s’en affranchir. Je vous ferai remarquer qu’un de ceux qui a dit qu’il fallait s’affranchir de cette limite, c’est un type qui s’appelait Sigmund Freud : il faut qu’on s’affranchisse des limites et des interdits qui viennent contraindre la vie sexuelle et que cela ira beaucoup mieux après. La suite ne lui a pas vraiment donné raison sur ce sujet. Pendant très longtemps, tu parlais des hystéries tout à l’heure et de l’Egypte, les premiers écrits médicaux sur l’hystérie datent de 4500 avant JC, où les médecins égyptiens étaient déjà confrontés à l’hystérie et proposaient un certain nombre de traitements. On peut dire que pendant des millénaires la prescription n’a pas changé. Et que toutes ces pathologies, sont des pathologies organisées par cette limite. C’est les pathologies de la limite, l’hystérie, la névrose obsessionnelle, la psychose, ce sont des pathologies qui s’organisent tout à fait différemment, mais qui sont des pathologies de la limite. Charles Melman dit que ce sont des pathologies de contestation de la limite. Contestation de ce qui fait bord, on ne voit pas pourquoi on serait limité par ce bord-là quand même.
Ce qui se présente aujourd’hui, j’essaie de reprendre ce que tu as dit, mais de façon presque plus ramassée, c’est qu’on a changé de point de vue et que le point de vue il est maintenant centré sur le continu. Si vous vous promenez le long de la bande, vous ne voyez pas où il y a une limite, vous continuez à tourner vous passez de l’un à l’autre, et donc on se retrouve devant une psychopathologie qui n’est plus une psychopathologie de la limite, mais une psychopathologie de l’effacement de la limite, de la limite en tant que limite symbolique. Je peux donner une autre illustration de la façon dont notre social organise l’espace et le déplacement des corps. J’avais été, il y a maintenant quelques années, sollicité pour commenter un documentaire par des gens qui participaient à un de mes séminaires en Bretagne. Ils m’ont dit qu’il fallait absolument que je vienne donner lecture d’un documentaire qu’un réalisateur avait fait sur les ronds points. Je ne voyais pas pourquoi un psychanalyste… Vous savez que les ronds points maintenant c’est vraiment le truc qu’on essaye de mettre en place partout pour fluidifier la circulation. Cela organise notre social, nos déplacements, les rencontres. Je regarde ce documentaire et vraiment j’étais très septique sur le fait de pouvoir en dire quelque chose. Ce qui m’est apparu tout à fait lumineux, c’est le cas de le dire, c’est ce que ça venait écrire sur le sol. Cela m’est apparu lumineux parce que beaucoup de rond point il les a filmés de dessus, souvent on ne les voit pas parce qu’on a une vision basse, mais filmé de dessus, ça m’a semblé vraiment totalement lumineux. C’est que les ronds points finalement venaient écrire sur le sol, l’organisation de notre social aujourd’hui, qui est organisé par quoi ? Et bien qui est organisé par une façon d’effacer toute limite, puisque dans un rond point ça circule et qu’il n’y a pas de point d’arrêt. Avant on était organisé par des feux rouges et des stops. Il pouvait y avoir une jouissance dans cette affaire qui était la jouissance de les griller ou de les respecter scrupuleusement… La jouissance du feu rouge, bon c’était interdit il fallait s’arrêter, ou du stop. Bon, il n’y a personne j’y vais quand même, mais vous voyez bien que c’est une organisation du croisement des corps, et des personnes et des gens organisée sur la limite, les feux rouges et les stops. Il faut s’arrêter pour laisser passer les autres et bien entendu qui n’a pas râlé contre le nombre de feux rouges qu’il peut y avoir à Lyon et d’être obligé de s’arrêter tous les 200 m, en plus il y a les bouchons. Enfin bon, qu’on est pressé, qu’on n’arrive pas à l’heure à la salle où il y a la conférence. Le rond point vient organiser quelque chose d’un déplacement des corps où il y a un effacement de cette limite avec en plus quelque chose d’assez extraordinaire, c’est ce que Lacan met au milieu dans le nœud borroméen comme l’a bien écrit Cyrille, l’objet a, l’objet cause de désir. Ce réalisateur faisait remarquer qu’assez souvent, les ronds points étaient organisés comme des seins au milieu avec un espèce de mamelon et puis souvent un petit truc au dessus pour venir faire décoration, des plantes, et il faisait remarquer d’ailleurs qu’il y avait dans certaines communes un investissement financier très important de la part des communes pour venir mettre en valeur le rond point comme quelque chose qui venait présenter la commune. Alors en Bretagne vous avez des bateaux, des bateaux de pêcheurs, puis il y a des fois des sculptures comme si c’était vraiment là que se fixait quelque chose. C’est intéressant parce que c’est un endroit inaccessible, vous ne pouvez que tourner autour. Alors j’ai trouvé cela assez extraordinaire et vous savez qu’aujourd’hui, effectivement comme le rappelait Cyrille tout à l’heure, que la psychopathologie se présente différemment. Alors ça veut pas dire qu’il n’y a pas encore bien entendu une psychopathologie de la limite, parce que pour autant vous voyez bien que ce que je montrais tout à l’heure, que c’est un point de vue, c’est un point de vue qui méconnait l’ensemble de la structure. C’est qu’il y a quand même un bord, il y a quand même une limite. Mais que nous avons maintenant en masse des pathologies qui sont des pathologies de l’addiction, dont pour la plupart de ces pathologies de l’addiction, il s’agit justement d’essayer d’éviter les lois du langage ; c’est à dire d’éviter de se rencontrer, de se causer, que ce soit les jeux vidéos, ou la toxicomanie, ou autre … Bien entendu, c’est quelque chose qui vient éviter autant que faire se peut d’avoir à se confronter à l’effet du langage, à ce qui nous constitue en tant que parlêtre. Et puis vous en avez une autre qui est très répandue, sur laquelle Roland Chémama a écrit un ouvrage qu’il a appelé justement « La grande névrose contemporaine », ce sont les dépressions. La dépression, c’est une pathologie de l’absence de limite. Ce truc qui ne s’arrête jamais, avec lequel on va s’arranger d’ailleurs, avec du Pharmacon, assez fréquemment. Vous avez des gens comme ça qui prennent des antidépresseurs pendant des années, des années, et dont il s’agit absolument de ne pas en sortir. Donc voilà, je voulais juste reprendre ces quelques points brièvement parce que je trouvais que tu faisais très bien entendre ce déplacement qui, vous voyez bien, qui est vraiment un déplacement d’économie. La structure reste tout à fait la même. C’est un changement de point de vue, un changement de focale, mais qui n’est pas sans conséquence, un sur le lien social, puisque cela en change les coordonnées, qu’on soit dans le discontinu, qu’on privilégie le discontinu ou qu’on privilégie le continu, cela ne donne pas les mêmes effets, et sur la psychopathologie avec le problème que cela pose aujourd’hui, l’exemple de Cyrille était très parlant. C’est à dire que tout, tout de suite apparaît comme une contrainte, comme un abus de pouvoir absolument insupportable. Un couple, un jeune homme, la copine, il va se sentir obligé d’aller la voir, avec cette question pour lui, est-ce que je vais la voir parce que j’ai envie, ou parce que je suis obligé ? Et qui m’oblige ? Question qui ne pouvait pas se poser quand il y avait quelque chose d’une prescription, d’un code social qui faisait que j’allais la voir parce que c’est convenu, parce qu’il y a une convention. Charles Melman parle de cela, de la disparition de cette convention, ce qui fait que tout un tas de choses comme cela dans le quotidien font problème. Comment je dois me comporter sans le référent qui venait dicter mon comportement. Entendez bien, il ne s’agit pas de dire que c’était mieux ou moins bien, ça vient poser d’autres problèmes et donc du coup vient poser la question de comment résoudre ces problèmes dans la psychopathologie contemporaine. C’est à dire, comment faire entendre que même si on se met sur le registre du continu, et ben il y a quand même une limite qui est structurellement incontournable, dans le fait même de parler. Les lois de la parole, font qu’on ne peut pas se parler sans une dissymétrie des places, c’est à dire il y en a au moins un qui parle et un qui écoute et que du coup rien que cela, ça instaure une dissymétrie des places. Donc dès que vous parlez, même si vous êtes dans un continu, dès que vous parlez il y a deux faces. Vous avez beau dire si on est dans le continu, on est égaux, on est dans l’égalité la plus parfaite, mais si vous parlez vous n’êtes plus dans l’égalité. Il y a d’emblée deux faces qui se présentent. Alors comment je fais avec cela ? Bon voilà.
Est-ce que vous avez des questions ou des remarques ?

Question :
Je vais poser une question, je ne sais pas si elle n’est pas un peu bizarre ma question, mais on parle beaucoup de communication dans le privé, en tout cas dans le dialogue social et on n’est plus dans la relation avec l’autre. Est-ce que (inaudible) …
On communique de façon efficiente, mais on n’arrive plus à rencontrer l’autre dans le travail. Est-ce qu’on est plus dans la question du (inaudible) ou de l’effacement des limites ?

JLSJ

Je trouve que la formulation de votre question est parfaitement illustrante. C’est à dire que vous avez tout à fait raison, l’impératif de « Comme Unication », c’est exactement un impératif de continu : c’est à dire qu’il n’y aurait pas de discontinuité entre l’émetteur et le récepteur. Il faudrait que l’information soit tout à fait… comment on dit aujourd’hui, transparente c’est ça ? Transparente entre les différents membres d’une entreprise, et voilà … On voit les limites de ce genre de choses au quotidien, dans les entreprises justement et quand vous évoquez la dimension de la rencontre, vous avez dit très justement la rencontre de l’autre, donc ça vient inscrire quoi ? Ca vient inscrire qu’il y a quelque chose à franchir, puisque ce qu’il va falloir rencontrer est autre. En même temps on est sur la même bande, la même face en tant qu’être humain, mais qu’il va falloir rencontrer quelqu’un d’autre, et donc faire avec. Ce n’est pas pour autant l’étranger. L’étranger serait celui qui serait sur une autre face. Si vous faites une bande biface, que Charles Melman utilise par exemple pour la psychose, en faisant remarquer que pour le psychotique, l’autre justement, c’est celui qui est derrière le mur mitoyen : c’est à dire de l’autre côté là et qu’il est un pur étranger. Autrement dit, qu’il ne sait pas du tout ce qu’il lui veut, mais sûrement du mal. Et qu’il n’y a pas là, on n’est plus sur la même face que lorsque vous faites le quart de tour. Je trouve que c’est une façon, vous voyez, une façon de lire la clinique. Effectivement le psychotique, cet autre il ne le rencontre jamais. Rencontre dans le sens où il y aurait un échange… Il est toujours présent par contre. Mais effectivement il y a cette dimension de l’autre en tant qu’altérité que l’idéologie de la communication méconnait totalement.

CN
La communication pose que le langage est un outil, et que quand on se parle on se comprend. Si c’était le cas...

JLSJ

D’ailleurs vous avez tout compris de ce qu’on vous a dit…
Alors est-ce que vous avez quelques questions, quelques remarques sur ce que vous n’avez pas compris ou de ce que vous pourriez objecter d’ailleurs à ce qu’on a présenté ? Ce n’est de notre part qu’une tentative de lecture.

Question :
De vos explications, j’ai l’impression que du coup soit on est dans la limite, soit dans l’effacement, comme si on ne pouvait pas être dans les deux à la fois. Enfin je ne sais pas puisque la figure montre bien les deux à la fois, mais comme si on ne pouvait pas conceptualiser la synthèse des deux. En fait, soit l’un, soit l’autre.

JLSJ

Un élément que je n’ai pas évoqué et qui va reprendre ce qu’a dit Cyrille… était les dernières recherches de Lacan. Cette structure, soit qu’elle privilégie une lecture du continu ou qu’elle privilégie une lecture de discontinu, qu’est-ce que les deux positions ont en commun ? Il y a une face qui est celle du continu, mais il y a en même temps deux faces, le continu n’efface pas le discontinu. Mais qu’est-ce qu’il y a en commun dans cette structure ?........
Réponse :
La rencontre des deux, la rencontre du continu et du discontinu

JLSJ

Le trou ! Il y a un trou central et que les deux tournent autour du même trou. Vous voyez c’est une façon pour moi de vous dire : que vous preniez les choses par le nœud borroméen comme ça ou avec une bande de Moebius, c’est pour vous faire sentir que c’est à chaque fois une tentative de la part de Lacan, de voir ce qu’on pourrait inventer, trouver, d’autres modalités d’écriture parce que c’est une modalité d’écriture pour que les rapports entre les uns et les autres… Puisque le langage lui-même organise les choses en un et autre, est-ce que d’écrire les rapports entre les uns et les autres autrement cela pourrait avoir des conséquences qui nous évitent les impasses classiques dans lesquelles on tombe ? Qui sont lesquelles ? Qui sont soit la guerre entre les uns et les autres, c’est à dire la revendication de ce que l’autre a et de ce que je n’ai pas, je le dis un peu rapidement, mais c’est quelque chose de cet ordre là. Ou la continuité sans aucune distinction, Lacan dira a un moment donné dans les années 70, il se posera la question, il dira :est-ce que cette continuité est un progrès ? Ce n’est pas sûr. Ce n’est pas sûr, il se posait la question et assez rapidement il s’est rendu compte que ce n’était pas du tout un progrès. Un progrès dans le sens où ça améliorerait les rapports entre les hommes et les femmes, ou cela améliorerait le lien social. Voilà, j’en parlerai au mois de novembre plus en détail, mais la fonction paternelle tout le monde a pris acte que cela avait disparu. Est-ce que cela va mieux ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Est-ce que dans les familles, les couples, maintenant que la prescription … oui tu penses que cela va mieux ? Oui cela va beaucoup mieux … Bon est-ce que cela s’est apaisé dans les relations entre les hommes et les femmes, dans les couples ? Vous voyez ? On peut difficilement soutenir ça. C’était un espoir de Freud, il pensait lui que cela permettrait de soulager puisque c’était organisé comme le disait Cyrille par la prescription paternelle. Bon on va virer la prescription qui nous embête, qui nous empêche, et cela va aller beaucoup mieux. Puis on s’est rendu compte que non, pourquoi, parce que cette prescription elle n’était pas culturelle comme on essaie de nous le faire entendre aujourd’hui. Elle venait représenter un élément structurel. C’est qu’il y a un bord et ce bord là vous avez beau faire ce que vous voulez, vous ne pouvez pas l’effacer à partir du moment où vous parlez. La méconnaissance de cette affaire-là, vous voyez bien que pendant longtemps on a totalement méconnu que homme et femme étaient sur la même bande : c’est à dire qu’ils étaient pris dans la même structure. Et aujourd’hui, on méconnait que sur cette même bande il y a deux faces, donc on passe d’une méconnaissance à une autre méconnaissance. Et alors la question de Lacan c’est est-ce qu’on pourrait essayer éventuellement de faire en sorte d’organiser quelque chose dans le lien social qui permettrait qu’on ne méconnaisse pas la structure de ce qui nous conditionne ? Voilà c’est comme ça, on est fait comme ça. Point ! Qu’on ne le méconnaisse pas, et qu’on ne méconnaisse pas que ce que l’on partage en commun : c’est un trou ! Il y a un manque, un vide au milieu. Les chinois appellent cela le vide médian, entre le yin et le yang. C’est pas mal, c’est pas mal dit. D’ailleurs le yin et le yang, on pourrait presque l’écrire comme cela je pense. Puisqu’on l’a en commun, est-ce que ce n’est pas quelque chose qui pourrait nous relier ? Je n’ai pas la réponse, mais c’est par ce biais là que cette recherche venait se créer. Alors, je ne veux pas tout dévoiler maintenant, j’en parlerai la prochaine fois, mais vous voyez bien que ces difficultés, qui sont rencontrées aujourd’hui par exemple dans les institutions qui accueillent des enfants, ou il y a des difficultés très importantes. Comment des professionnels pendant des années ont été tentés par « il faut remettre du père ». Sauf que cela ne fonctionne pas, car ce n’est pas le papa bien sûr. C’est la fonction et que la fonction elle n’est plus là. Qu’est-ce que vous voulez mettre ? Il y a cette idée de revenir, j’ai presque envie de dire, au modèle ancien. Ce n’est pas tant que ce soit ringard, c’est surtout que c’est inefficient. Vous en avez, comme Cyrille le rappelait, sur le registre politique qui aimerait bien revenir à la tyrannie paternelle, ce serait chouette surtout si c’est une femme.

CN
Moyennant quoi, le papa elle le dégomme.

JLSJ

Moyennant quoi oui…
Vous voyez en même temps le défi qui est passionnant, comment à partir du repérage de cette nouvelle économie psychique, pouvoir trouver des modalités de pratiques, du praticable qui permettraient de sortir des impasses, de cette nouvelle économie psychique, sans avoir à vouloir revenir à un schéma, à un autre point de vue qui était tout aussi problématique. Est-ce qu’on ne pourrait pas inventer quelque chose d’autre ? C’est un peu le défi, la question et le défi qu’on essaiera de soutenir dans ces conférences cette année.

Question :
J’ai juste une question, je me demandais si cette nouvelle économie psychique elle n’est pas (inaudible)

JLSJ

Ah ça c’est sûr !

Question :
… même sur l’éthique psychanalytique, soutenir la parole du patient, l’utilisation de l’équivoque, toutes ces choses-là …

JLSJ

J’aurai envie de vous dire cela va plus loin, cela a un impact sur le fait que ça peut très bien arriver que la psychanalyse disparaisse de notre culture.

Question :
Moi je pensais à ce qu’à dit Roland Chemama, je trouvais que c’était une ouverture intéressante en disant qu’il y avait besoin d’un changement de posture, peut être plus interventionniste, c’est le mot interventionniste qui me vient, ce n’est pas le mot qu’il avait utilisé, mais c’est un peu ça, il s’approchait un peu de ce que proposait Winnicott, enfin je ne sais pas ce que cela peut évoquer …

JLSJ

Ecoutez c’est ce que j’ai essayé de dire, il y a à inventer, et dans la clinique analytique il y a aussi à inventer. Mais ça aussi, j’avais entendu votre question sur un autre registre, c’est que bien entendu, puisque la psychanalyse met en évidence les lois de la parole et donc cette question de la dissymétrie des places, vous voyez bien qu’elle n’est du coup plus la bien venue sur la scène sociale, si tant est qu’elle ne l’ai jamais été, puisque la scène sociale s’organise sur le continu. Et que en tant qu’analyste on fait entendre quoi ? On fait entendre que dans ce continu il y a du discontinu. Alors c’est politiquement très incorrect. Puisque bien entendu cela vient faire tâche. Cela ne vient pas faire trou, cela vient faire tâche.
Bien, écoutez on reprendra tout ceci le 24 novembre, on est obligé de s’arrêter là puisqu’on a une heure très précise il faut qu’on évacue les lieux. En vous remerciant de votre attention. Et à bientôt…