Annick HUBERT-BARTHELEMY : LES FAUSSES CONTREVERSES AUTOUR DE L’AUTISME AU XXI SIECLE : 26 Juin 2016

Annick HUBERT-BARTHELEMY, Lyon le 26 Juin 2016

Introduction de Jean-Luc de Saint-Just : 

On a grand plaisir ce soir, à accueillir Annick Hubert-Bathelèmy  pour nous parler des fausses controverses autour de l’autisme au XXIème siècle. Il se trouve que quand on a fait l’affiche avec Cyrille, c’était assez cocasse parce qu’on avait laissé passer une faute : on avait écrit les < contres versent ? >,  je trouvais que c’était pas mal, ça pouvait être intéressant éventuellement de le dire comme ça. On a corrigé quand même. Mais je tenais à le signaler car pour des psychanalystes les fautes et les erreurs sont toujours riches d’enseignements. Nous allons parler ce soir de l’autisme, c’est un thème que nous avons voulu inscrire dans le programme des enseignements avec Cyrille.

L’autisme, ce terme crée en 1911 par Eugène BLEULER, qui décrivait un des états de la schizophrénie, et vous savez à quel point cette première lecture, cette première conception c’est retrouvée déformée et multipliée et aujourd’hui prend diverses formes et on compte beaucoup sur l’intervention d’A-HB pour nous éclairer un petit peu sur ces controverses, ces polémiques qui déchainent souvent beaucoup de passion, et surtout, la passion de l’ignorance. Donc espérons qu’après son intervention, on sera un peu plus éclairé, merci. A-HB qui est psychanalyste, docteur en psychologie, et qui travaille depuis 10 ans sur cette question.

Madame Annick Hubert-Barthélémy :

Comme le titre est, « études pratiques de psychopathologie », j’ai choisi de reste au plus près de l’expérience, telle que je l’ai menée, telle que je l’ai vécue, et ce qu’elle a éclairé de nouveau. Je rappelle qu’aujourd’hui, il n’ait pas évident pour un psychanalyste de s’occuper d’autisme, évidemment. Alors je dis autisme, plutôt qu’enfant autiste ou enfant TED ou enfant porteur de TSA, parce qu’autisme, au fond, ça regroupe un petit peu l’idée que j’en aie. Je dirai que depuis mars 2006, j’ai mis au point un dispositif, que l’on appelle, atelier classe, et qui permet aux enfants autistes, sans langage, j’insiste là-dessus, sans langage, c'est-à-dire, considérés déficients, qui leur permet d’apprendre à lire, à écrire, et à parler, dans cet ordre-là. Ce dispositif depuis 2013, s’est développé, dans le cadre d’une recherche biomédicale sur 3 ans, dont le promoteur est la Croix-Rouge Française, et qui concerne 75 enfants.

Je vais essayer de vous développer, un petit peu, comment j’en suis arrivé à être étonnée, et puis, au bout d’un moment, à dépasser certaines choses, ce que je n’envisageais pas au départ. Alors, je les ai dépassées aussi parce que les conjonctures actuelles sont très exigeantes, je dirai que j’ai changé de discours, j’ai abandonné des concepts, j’ai fais des actions, parce que, dans un premier temps, c’était le seul moyen de continuer cette recherche, et au fond, cette façon de résister m’a amené sur des ouvertures qui n’étaient pas prévues.

Les ateliers classes, je les appelle comme cela, parce que c’est le mot atelier qui compte, et classe, c’est simplement un support, ce n’est pas un support simple, mais simplement un support pour des autistes sans langage, porteur de TAS.

 Il s’agit d’une modalité de prise en charge intégrative.

Qu’est-ce-que ça veut dire intégrative ?  C’est-à-dire que plusieurs référentiels théoriques fonctionnent ensemble dans un même lieu : thérapeutique, la référence étant le sujet en psychanalyse, même si je n’ai plus vraiment le droit de le dire comme ça, pédagogique et éducative. Ces trois référentiels sont mis ensemble, ce qui au départ, en 2006, en septembre 2007 plus exactement, c’était encore… il y avait comme un interdit de penser ces trois référentiels ensemble. Donc d’interdits de penser en interdits de penser, finalement, des ouvertures sont apparues comme j’espère pouvoir le montrer.

Je rappelle la problématique des enfants porteurs de TSA : troubles du spectre autistique, selon le DSM-5, échelle de diagnostique américaine, juste celui… le DMS-5 de 2013. On ne peut utiliser aujourd’hui, dans aucun dossier, aucun dossier donné à l’ARS, aucun dossier fourni par les spécialistes dans les CRA, on n’a plus le droit d’utiliser d’échelles françaises, on a juste le droit d’utiliser le DSM5 et la CIM 10 qui est l’échelle de cotation universelle promue par l’OMS. Toutes les autres échelles sont interdites, et aucun dossier n’est recevable avec une autre échelle de cotation. Je me suis habitué au DSM-5, et au fond, dans le DSM-5, il y a des choses intéressantes. L’autisme, vous savez, est défini par une addition de symptômes, et au bout d’un moment, par continuum, l’addition de symptômes fait que l’on donne le nom, psychopathologique, au résultat trouvé. En ce qui concerne les enfants autistes, on parle des déficits persistant de la communication, de l’incapacité à développer et à maintenir des relations sociales appropriées. On parle aussi des comportements restreints, répétitifs, type stéréotypies et autres, et des comportements sensoriels inhabituels, c’est-à-dire que les enfants sentent beaucoup les choses, utilisent beaucoup leur langue, leur bouche, etc., on a parfois, une désintrication des pulsions, ils entendent des choses alors qu’ils vous regardent, alors que leur écoute se passe à deux étages plus bas, etc., c’est à peu près ça qui est dit.  

Cette description-là ne va pas si mal que cela. Les enfants choisis, qui ont été choisis dans le premier atelier- classes, qui s’est passé à Bourg en Bresse, dans l’hôpital de jour du Docteur BRISSET, puis dans la recherche biomédicale, et maintenant après la recherche pour certains, en fait présentent des critères plus précis, et d’ailleurs ils ne font l’objet d’aucune recherche. Je ne suis pas venue en concurrence avec la méthode ABA, la méthode TEACCH, etc. Aucune concurrence parce que ces enfants ne fréquentent quasiment jamais l’école, sauf un peu en maternelle, et comme ils ne parlent pas, ils sont considérés comme déficients et ce qu’ils sont n’intéressent en fait personne. C’est important de comprendre ça. Ce sont des enfants sans langage, donc déficients qu’est-ce que ça veut dire pour les enfants que j’ai choisi dans le premier atelier classe et surtout dans les 11 ateliers classes de la recherche, plus 2 autres qui existent hors recherche ?

             Qu’est-ce-que ça veut dire déficient ?  Cela veut dire 2 ans et demi d’âge développemental, et encore, sur les 75 enfants de la recherche biomédicale, certains n’ont que 18 mois d’âge développemental. Ceux-là n’intéressent vraiment personne et au KBC2 qui est un des tests de QI, ils ont 45 de QI, donc ceux-là, on les laissait dans leur coin. Ils ont parfois des troubles associés, c’est-à-dire des maladies dégénératives, du style, rétrécissement du champ visuel, dégénération métabolique, ceux-là non plus ne font jamais l’objet d’une recherche ou quoi que ce soit. Ils présentent souvent de forts troubles du comportement. Parce qu’ils sont autistes de Kanner, diagnostiqués dès la naissance ou à 2 ans etc. Parce qu’on m’a dit au début :  c’est facile, mais non ce n’est pas facile parce que ceux-là n’intéressent personne. Pourtant, en y regardant de près, à mon sens, ils justifient les critères du DSM-5 en ce qui concerne les enfants porteurs du TSA, parce que le dernier critère, que j‘aime beaucoup, dit que « les difficultés de ces enfants ne peuvent pas être expliquées par des déficiences intellectuelles ou par un grave retard de développement ».

               Cela ne peut pas être expliqué par ça, donc, c’est une petite révolution quand même, par rapport à ce qu’on a l’habitude de citer en psychanalyse, en psychologie. Et ce dernier critère, le cinquième du DSM-5 m’a servi de guide, ou de justification, aujourd’hui pour proposer à ces enfants une intensification des apprentissages scolaires, alors que personne n’avait pensé à le faire. Pour deux choses : deux buts, dans le but d’autonomisation, bien sur, et dans le but de communication. C’est-à-dire, mon idée étant que, les apprentissages scolaires donnés …  Au sens large apprentissages scolaires bien sûr, on va voir ça dans le détail… Les apprentissages scolaires donnés d’emblée à ces enfants leur permettent de communiquer plus vite. Au bout d’un an, il y a une différence de communication, entre les enfants qui sont dans l’atelier classe, et les enfants qui n’y sont pas.Qu’est-ce que ça veut dire en claire, et au-delà d’entre les lignes ? Cela veut dire que, donner d’abord des méthodes de communication de type PECS, même si on les utilise, PECS numéro 1, PECS deuxième, troisième, quatrième niveau, donner des choses du type ABA ne donnent pas à ces enfants un gain de communication. C’est autre chose qui leur a permis de communiquer, en situation autre, et spontanément, dans la relation à l’adulte, et autre… Alors ça, c’est quant même assez intéressant du point de vu de la querelle actuelle. Je ne m’y situe pas avec ces enfants là, je ne suis pas dans cette querelle.

Alors, le premier atelier classe ouvre la porte à des critères nouveaux, je dirai, c’est la période qui a été de 20016 à 2011, période où j’ai à peu près expérimenté le dispositif. J’ai eu, comme ça… je ne connaissais pas ces enfants… je suis allée voir une institutrice grâce à l’intermédiaire de mon amie Françoise Crozat, ici dans la salle, et qui m’a montré son enseignement, dans sa classe de l’hôpital de jour. Je suis allée la voir, j’étais enseignante et elle était d’accord pour discuter avec moi, et, bon, je ne les connaissais pas du tout ces enfants. J’avais le droit de me promener, comme ça, à l’hôpital de jour. J’avais travaillé pendant 10 ans sur l’échec scolaire en fait, soit comme psy, soit comme professeur, et, en les voyant jouer par terre, je les ai vu dans une « forme d’échec scolaire ». J’ai mis six ans à démontrer ça, et encore quatre ans, à démontrer qu’un enseignement particulier, comme le braille pour les aveugles, ou la langue des signes pour les sourds, pouvait faire naître un sujet Bon cette intuition… Beaucoup de mes amis m’en veulent parce que « je suis arrivée les mains dans les poches », me disent-ils, « t’as eu un regard que l’on n’a pas eu ». Je ne connaissais pas ces enfants… Je me suis enfilé 60 ans de théorie sur l’autisme, ça m’a pris quelques étés.

Je vais vous en parler rapidement de la mise en place du dispositif. C’est deux heures et demie, quatre fois par semaine. Les enfants sont dans une salle, qui ressemble à une salle de classe. Quatre fois deux heures et demie par semaine, et l’équipe a une réunion hebdomadaire où sont consignées les évolutions des enfants, les observations du comportement, leur travail avec telle ou telle personne, enfin, tout est analysé. Cela parait un peu fou parce que, à ces enfants, on n’avait jamais rien demandé et tout d’un coup on les met dans une boîte et on leur demande d’être actifs 4 fois 2 heures et demi. Les plus petits, c’est plutôt 2 heures.

J’ai fini par donner un nom à ça, je l’ai appelé, la force de l’évidence. Quelque chose qui m’a dépassé depuis le départ, qui dépasse les gens qui s’engagent avec moi, et qui fait qu’il y a une espèce de succès de ce dispositif, cela nous dépasse complètement en fait. La force de l’évidence, c’est d’abord que mettre ces enfants-là dans une classe conçue pour eux, et bien, ils le vivent comme s’ils avaient été depuis toujours dans ce dispositif. C’est ça qui nous a particulièrement frappé. On les amène quelques fois avant le premier jour, on leur fait visiter, on les installe dans la classe, à Bourg en Bresse ou autre, on commence à faire fonctionner les choses, et c’est comme s’ils avaient toujours été là. Cela a été très étonnant. Alors, il est très contenant ce dispositif, je vais vous expliquer pourquoi. Il est très ritualisé aussi, alors ils ne sont pas perdus. Ceux-qui sont un peu hyperactifs savent ce qui va venir avant, ce qui est avant, ce qui est après, alors tout cela rassure. Quant même, il y a des enfants qui se sont mis à parler, de la recherche, une fois dans le dispositif. Ils ont montré qu’ils savaient parler, ils ne l’avaient dit à personne. Il y a donc quelque chose, comme ça, qui m’étonne toujours.

 Je dirai que c’est une boîte chargée de sens. Les enfants ont une place prévue pour eux. Avec le dos au mur, comme tous les enfants en difficulté psychique, il vaut mieux qu’ils aient le dos au mur parce que les moments paranoïaques, quelque chose comme ça, peuvent rassurer… c’est quelque chose d’assez classique. Cette place est à eux, ils ont leur photo, un casier mobile, ils ont une table avec une chaise en face d’eux, pour que l’adulte puisse s’assoir. Il y a comme ça 3 à 5 enfants par classe. puis, il y a, dans ces salles trois lieux de regroupement où, quand les institutions sont un peu plus à l’aise, un lieu de regroupement par salle pour que les enfants se regardent les uns et les autres. Ces lieux de regroupement sont assez intéressants puisque c’est le seul dispositif qui travaille la question du groupe. D’habitude, un pour un pour les enfants autistes c’est quelque chose de classique, mais la notion de groupe est quelque chose qui n’est pas travaillée en fait. Elle est travaillée avec un AVS ou un éducateur, à l’école, pour ceux qui peuvent entrer dans le système scolaire, mais elle n’est pas travaillée dans les dispositifs en alternance avec des moments individuels.

Il y a des regroupements. Le groupe du matin, ça ressemble beaucoup à l’école, il y a des comptines, la météo, les présents, les absents, et puis, il y a la collation, en milieu de matinée, et enfin, il y a le groupe du départ ; on chante, on se dit au revoir, bref, des choses comme ça. Ce qui est intéressant, c’est que la ritualisation y est poussée. Poussée, c’est-à-dire que contrairement à ce qu’on dit, on a accentué du côté de la ritualisation des enfants autistes. Pourquoi ? Parce que c’est ça qui leur a permis toujours, de communiquer. Et, très finement, mettre leur nom chez les absents, alors on se dit au début, « tiens ! », il s’est trompé. Et bien non, il ne s’est pas trompé, parce que si on la remet là chez les présents, et bien, il la reprend, il la remet chez les absents. Il y a des activités qu’ils n’aiment pas, bon, ils mettent tout de suite, l’étiquette de l’activité dans leur casier. Chaque enfant retire son étiquette du tableau derrière lui pour mettre sur la table. L’activité finie, il la met dans une boîte. Il y a beaucoup de manipulations comme ça, c’est volontaire. Et bien ! on s’aperçoit, tout d’un coup, pour l’activité qu’il n’aime pas, l’image est déjà dans la boîte, ou bien l’image a tout d’un coup disparu de son schéma…. Des choses qui font que les enfants sont très vite acteurs…. Et parler aussi, par exemple, d’un enfant qu’on a remis systématiquement à Bourg en Bresse parce que, avec la rentrée des classes, on était un peu sourd d’oreille on va dire. On l’a remis pour une troisième fois dans le groupe, il a dit « accueil », d’un air de dire, « bon ça va comme ça, j’ai dit « accueil ! », je ne veux pas être là.

C’est intéressant de voir que cette ritualisation leur permet de s’exprimer. Alors, après, pourquoi un atelier classe ? Pour développer ce que j’ai appelé, en empruntant un peu à Malval, d’ailleurs, l’objet de la connaissance. C’est une forme d’apprentissage, scolaire, à partir d’une forme d’activité proposée par chaque adulte à un enfant, sachant que, la réussite de l’activité n’est pas le but. Ce qui est le but, c’est amener l’enfant à s’intéresser… à faire quelque chose avec l’adulte en face, y compris surtout prendre du plaisir, rigoler etc. La bonne réponse n’est pas à chercher, ce n’est pas un modèle adaptatif. Il n’y a pas de bonnes réponses, il y a une réponse, c’est celle de l’enfant. Généralement les enfants donnent… Vous leur demandez : « donne- moi le cheval », bon et bien il va donner tous les autres animaux et le cheval en dernier en rigolant tout doucement, ça, pour nous, c’est une réponse. Il n’y a pas de bonnes et de mauvaises réponses, ce n’est pas un modèle adaptatif, ça, c’est très important de le savoir. Il n’y a pas d’autres réponses, on fait le pari que ces réponses veulent dire quelque chose. Cela c’est Bergès, avec qui, j’ai eu la chance de venir assister à ses entretiens avec les familles à Saint-Anne, c’est lui qui m’a appris ce pari, mis d’emblée, que l’on doit faire sur l’enfant.

J’ai imaginé ces activités, d’abord, les mathématiques-logique, installer une entrée dans l’abstraction, le comptage, le raisonnement. Ces enfants autistes là, parce qu’il y a plusieurs formes d’autismes, sont plutôt doués dans le classement, dans le raisonnement. Ils sont nuls en quantité du nombre, le 3, ils ne savent pas se le représenter. Bon, il parait qu’il y a des ingénieurs des ponts et chaussées qui n’ont jamais eu la… comment on appelle ça… la conservation du nombre, ils ne l’ont jamais eu, ils ont construit des ponts quand même, contrairement à ce que pensent certains enseignants.

Après le deuxième ensemble d’activités correspond à la lecture, au vocabulaire, à l’expression orale. Toujours autour du plaisir d’être avec l’autre, et comme le dirait Graciela Crespin: une fois qu’ils ont pris du plaisir avec l’autre, ils sont « cuits », ils ne peuvent pas retourner en arrière : C’est le but. L’objet a un rôle dans cette dyade, il est là en position tiers, on peut s’appuyer sur lui, il doit pouvoir être manipulé par l’enfant.

On utilise beaucoup sur cet ensemble, la mise en narration. La mise en narration, c’est-à-dire, le sens d’une histoire, le sens d’une situation. Les enfants autistes n’aiment pas la mise en narration. Ce qui les intéresse dans un film, ça va être la même séquence, la même musique, les mots dit qui se répètent dans une situation adaptée. L’histoire, c’est quelque chose dans la quelle ils rentrent assez tard. Cette mise en narration prend tout son sens avec l’image, comme point pivot de la représentation cognitive effective. Ils ont des difficultés d’imaginaire, de représentation, de structure de la pensée et c’est pourquoi ils lisent avant de parler. C’était l’astuce qu’il fallait comprendre, elle avait été induite aussi par Bergès, je l’ai développé à grande échelle. La révolution qu’apporte le langage oral au niveau de la structure psychique n’a pas pu se faire, et la phrase écrite leur permet d’avoir une structure pour penser, voilà. Une structure dans laquelle c’est la phrase ou le mot qui leur permet de penser. Tous ne sont pas pareils, bien sûr, j’insiste beaucoup. 

Le troisième ensemble, c’est graphisme, comptines et chansons, à partir de la trace et du son. Il s’agit de favoriser l’émergence de l’image du corps nécessaire pour introduire le langage. L’émergence du langage oral, même imparfait, est le but visé. C’est-à-dire que quand j’ai ouvert ce dispositif ; évidemment j’ai paru un peu bizarre, j’ai souhaité qu’ils parlent. Pour moi, on voit bien aujourd’hui que les sourds, même s’ils n’entendent pas, la lecture labiale leur a permis, vraiment, même avec les difficultés, les dépressions, les suicides que l’on connait, tout ça, ils ont pu se mettre au milieu des autres. Bon, j’ai fait ce pari qui est un peu fou du langage oral.

En fait, j’ai voulu installer des images mentales, pour permettre des liens et des compréhensions. Parce que les liens, c’est quelque chose de très compliqué pour ce type d’enfants : il n’y en pas, il faut les constituer, ils doivent les constituer eux-mêmes parce qu’ils n’apprennent pas des autres, Il n’y a pas d’apprentissage vicariant ; nous devons les aider à faire du lien, avec du matériel et avec nos réactions. Et à partir de là, j’ai eu le sentiment qu’ils pouvaient parler, et alors ils sont très gentils, parce que, pour la plupart, ils parlent. Certains sont pratiquement locuteurs, même certains dont on pensait qu’ils ne parleraient pas, à des niveaux différents, et avec plus ou moins de temps. C’est-à-dire pour certains, il faut deux ans et demi, trois ans pour émettre un mot, mais ils finissent par prononcer quelques mots. D’autres entrent dans le langage de façon plus rapide, peut-être qu’ils parlaient avant mais… Ils n’ont pas révélé tous leurs mystères, il ne faut pas croire….

L’équipe, comment je l’ai conçu ? Je l’ai conçu avec un professeur des écoles. Alors, dans chaque dispositif, et là, je crois que c’est un vrai luxe du dispositif, parce que on a un professeur des écoles pour 3, 4, 5 enfants qui vient donner la progression pédagogique, qui est là, et qui travaille avec d’autres qui viennent lui apprendre comment on travaille avec ces enfants d’un point de vue clinique. C’est-à-dire que j’ai vraiment multiplié les référentiels, il y a des psychologues, des orthophonistes, dans ces ateliers, on verra pourquoi après. J’y tiens beaucoup car tous ont affrimé que le travail en équipe leur avait appris beaucoup. Souvent les professeurs des écoles ont peur de ces enfants, parce que parfois ils sont violents, ils ne les connaissent pas. Et là, avec des cliniciens autour d’eux, et bien, ils ont appris à rentrer en contact avec ces enfants.

           Je dirai que, la première année, je dirai que la pédagogie se trouve au service de la clinique. Parce que la première année c’est vraiment la structuration des repères du comportement, et donc les enfants. Les cliniciens sont en quelque sorte au premier plan. La deuxième année, et surtout, la troisième année, quand les enfants ont montré leurs capacités d’apprendre, parce qu’ils la montrent, assez relativement rapidement…. Le problème, c’est qu’une capacité d’apprendre n’a jamais fait, une envie d’apprendre et que reste le problème de l’envie d’apprendre, qui met à peu prèsQui se développe à peu près entre la deuxième et la troisième année. Tout d’un coup, l’enfant réalise que ce qu’il apprend l’aide vraiment beaucoup, lui permet de comprendre, de mettre son nom dans une liste pour aller à la promenade, plutôt que rester à l’atelier cuisine. Lui même montre beaucoup d’efficacité, et à ce moment là, il s’en fiche de la collation, il s’en fiche du temps qui passe, il se met comme ça, à ma grande stupeur, il se met vraiment, à vouloir apprendre, à aller plus vite, à faire des choses, c’est très étonnant. Alors ceux-là, ce n’est pas la majorité pour l’instant, mais, c’est extrêmement surprenant de voir que, tout d’un coup, ils sont non seulement dans la communication, non seulement ils montrent qu’ils sont capables d’apprendre, mais ils ont compris à quoi ça allait leur servir. Comme une espèce de maturité qui tombe, comme ça, qui me surprend beaucoup, et que j’anticipe un peu pour la fin, et qui ramène la clinique, du coup, au devant de la scène. C’est-à-dire, j’ai fais le détour, et en fait, la clinique revient quand il y a, évidement, cette envie d’apprentissage.

Alors, les premiers résultats : l’aisance des enfants. Les enfants qui fréquentent un atelier classe ont de plus en plus dans l’aisance avec des adultes. Les premiers résultats, c’est-à-dire, les premiers résultats de l’hôpital de Bourg en Bresse, ont été très intéressants parce que l’objet de la connaissance ici, qui vient faire tiers, permet à ces enfants de faire un bricolage symbolique installant une intersubjectivité en passant, comme ça, par quelque chose de tiers…. Je dirai ça comme ça. Aussi, ce qu’ils ont montré, entrainant une intuition qui s’est imposée, qui a été vérifié après par les IRMF deux ans après ma thèse, c’est qu’il y a bien deux pôles dans l’origine de la pensée :  un pôle perception -sensorimoteur, et un pôle, cognition-mémoire. C’est chez ces enfants, le pôle cognition-mémoire n’est pas trop endommagé. On peut passer par là pour relancer, évidemment, ce qui est proprement humain, la perception sensorielle. Cette intuition que j’ai eu, je sais qu’aujourd’hui le professeur FRANCK au Vinatier, a eu la même intuition avec de jeunes schizophrènes, et qui, de la même façon, leur pôle cognition-mémoire n’est pas endommagé, et il repasse par là pour, dans des ateliers d’habilités sociales.

La place du langage en référence. J’avais eu la chance de faire trois ans de linguistique et il m’était resté en mémoire la controverse PIAGET-CHOMSKY ou les deux chercheurs, bien que n’étant pas d’accord, les deux s’entendaient sur une chose, c’est qu’il y avait un pôle au niveau du système nerveux central préexistant pour le langage, pour la lecture, pour la compréhension, et que ce pôle se nourrissait de l’environnement, c’est-à-dire, il préexistait, il ne naissait pas du sensoriel. Ce pôle, ils l’ont nommé SO. Alors aujourd’hui, dans la littérature anglo-saxonne on cite toujours Piaget-Chomsky, mais, les personnes qui ont développé cela l’ont surtout fait aux Etats-Unis.

Je dirai que la recherche biomédicale a fixé les approfondissements et corroboré les hypothèses et, avec son ampleur, elle a permis l’ouverture de nouvelles portes. 75 enfants dont j’ai dû accepter la randomisation, c’est-à-dire que 37 enfants sur 75 n’ont pas eu de dispositif d’atelier classe. J’ai été obligée de l’accepter dans les controverses actuelles et sur le fait que rien n’est devenu crédible sans randomisation. Puisqu’on reproche à la psychanalyse de pas savoir évaluer ses pratiques, et que je suis quand même psychanalyste ….. de toutes façons, et je suis de toute façon répertoriée comme tel….

Voilà, ces 11 institutions ont été formées par moi-même, et en tant qu’investigateur principal j’assure le travail de terrain, c’est-à-dire que je vais, une fois toutes les cinq semaines sur place, regarder comment évoluent les enfants. Je continue à former les gens à cette pratique clinique particulière, et surtout ce que les enfants essaient de nous montrer de leur démarche si singulière que ce soit dans leur comportement et dans leur façon d’apprendre et… on avance comme ça. Alors, pourquoi je tiens tellement à cette formation de terrain ? Parce qu’à l’hôpital de jour de Bourg en Bresse, on m’avait fait le reproche qu’une fois partie, après ma thèse, il ne resterait plus rien pour eux. Alors, j’ai fait en sorte que je puisse partir et que ça continue, que les gens s’approprie cette formation. Effectivement c’est réussi. L’atelier de Bourg en Bresse fonctionne toujours, vous pouvez le visiter, il suffit de demander au Docteur Brisset. Ils se sont orientés vers des enfants jeunes, 4 ans, 6 ans, et, ils ont la chance que la première maîtresse de l’atelier classe soit dans une école privée, c’est particulier, et les enfants réintègrent, après deux ans d’atelier classe, réintègrent le système scolaire. Enfin, ils l’intègrent, puisque certains n’y sont jamais allés. C’est une belle réussite pour cet atelier qui a été ouvert en 2007. On est en 2016 et 9 ans après il est dynamique et fonctionne toujours avec des gens qui ont trouvé leurs propres problématiques.

L’autre chance que j’aie eu, c’est que le laboratoire de Pitié Salpêtrière et Paris VI, en particulier le service du professeur David COHEN s’est intéressé à mon travail et s’est offert de traiter de la validation des résultats. C’est-à-dire que je forme les gens, je suis les études cliniques, je suis les enfants, ainsi que tous les tests, les observations, tout ce qui est rentré dans la base de données. Un ingénieur de recherche crée des logiciels pour traiter les évolutions des tests. Un neuropsychologue Antoine Tanet fait une thèse sur les résultats de cette recherche.

L’objectif principal de cette recherche est d’évaluer l’efficacité d’une approche pédagogique pour enfants porteurs de TED-TSA dans le cas d’une prise en charge intégrative en structure sanitaire et médicosociale. Alors vous avez vu que c’est d’un style très épuré. C’est comme ça, c’est très épuré, c’est dévolu à un modèle pédagogique, pourquoi pas, c’est comme ça que le dispositif a pu survivre, mais, l’objectif reste toujours le même. Alors pourquoi… je pense que ces enfants ont toujours besoin que ce soit dans une institution. Ils ont besoin de soins à côté ; de musique, de salle de snoezelen (démarche multi sensorielle), ils ont besoin d’équitation, ils ont besoin de poterie, ils ont besoin de travail psychothérapeutique, parce que sinon, cela ne marche pas. Parce que, aussi, pendant un an et demi j’ai observé à Paris la classe ABA du docteur Milcent (introductrice de la ABA en France), classe installée dans une école, où les enfants étaient pendant 7 heures à l’école et où ce n’était pas terrible quand même et où l’adaptation était vraiment le critère défini, ces enfants restaient violents. Mon dispositif ne peut exister que dans une institution de soins.   

Alors, cette recherche évaluera les effets de ce modèle pédagogique dans l’acquisition des compétences du cycle 1. Contrairement aux autres méthodes, ce dispositif ne s’autoévalue pas, les évaluations sont extérieures. Il y a l’évaluation scolaire, qui est une des données principales et les évaluations du PEP3. Ce sont les deux variables majeures, plus l’ADI, l’ADIR, le KDCII. C’est ce que je reproche à beaucoup de méthodes cognitivo-comportementales, c’est qu’elles évaluent les personnes, elles n’évaluent pas les enfants. Nous n’évaluons pas les personnes, ça c’est mon travail, mais on évalue les enfants, j’y tiens beaucoup. Elle permettra aussi, cette recherche, c’est écrit dans le protocole, l’HAS l’a admis, c’est officiel depuis 2013. Elle permettra d’évaluer la pertinence de l’hypothèse du passage par le cognitif pour relacer la construction de l’enfant, en s’appuyant sur les apprentissages scolaires en tant que médiation, et en tant que supports de communication.

J’avais inventé deux concepts, si vous le voulez bien : subjectivité et subjectivation. Ce n’est plus recevable… Mais cela ne fait rien, après la recherche, je les ressortirai…. Subjectivation que j’avais emprunté d’ailleurs à un psychanalyste qui avait été longtemps à Strasbourg, Serge Lesourd terme qu’il avait utilisé, lorsqu’il avait travaillé sur l’évolution actuelle des quatre discours.

Bon, alors le changement d’échelle, vous imaginez, je pars d’un petit atelier classe, à Bourg en Bresse, pas loin de chez moi, dans le milieu lyonnais, comme ça, tranquille, et tout d’un coup, 75 enfants, 36 dans l’atelier classe, 11 équipes à formées. J’ai mis au point la formation et cette formation est homologuée. Les personnes qui l’ont reçue, qui ont travaillés dans ces ateliers classes trouvent du travail ailleurs avec cette formation. Une formation théorique d’une semaine, qui part d’idées générales, la position théorique de l’atelier classe, pourquoi je me situe comme ça, et enfin, où, par atelier, les gens apprennent la compréhension pratique du fonctionnement, la ritualisation et l’étude de l’évolution des comportements des enfants, l’installation de l’objet de la connaissance….

A la fin de la semaine les équipes peuvent installer leur atelier classe dans leur institution, et ça marche. En moins d’un an, toutes les institutions ont été opérationnelles. Et après, l’installation du dispositif un mois après, j’effectue une visite de fonctionnement, et puis j’y retourne à peu près régulièrement, un peu plus rapidement en cas de difficultés des enfants.

Alors, pourquoi une aussi grande échelle, j’ai toujours un peu de mal à le dire, je me sens un peu dépassée: c’est la plus grande recherche sur l’autisme jamais faite en Europe. J’ai mis au point ce que j’ai appelé une supervision technique, c’est-à-dire que je continue la formation sur le terrain, mais cette fois, j’écoute les équipes, j’écoute les gens avec leur pratique, leur remarques. Dans le dispositif, ils n’ont pas besoin d’oublier les formations qu’ils ont reçues, simplement, ils changent de regard. Mais leur formation de départ est extrêmement utile, indispensable, cette formation clinique, du transfert etc.

Je dirai que les équipes deviennent, au bout de trois ans, autonomes. Je m’en suis aperçue parce que j’avais de moins en moins de choses à noter. Je les regarde, je les trouve très bien, ils ont posé les questions, trouvé les réponses, voilà, ça peut s’arrêter là. Je suis quand même très contente de ça. D’autres choses sont apparues, comme le dépassement des hypothèses, comme des nouveaux apports théoriques car 38 enfants, 11 équipes, ça fait beaucoup de monde, d’autres regards, des enfants extrêmement différents…Je dirai aujourd’hui, que ces enfants sont autodidactes. Les adultes sont en position d’apprenants, et on ne sait pas par où va passer le cheminement intellectuel des enfants, c’est toujours une surprise, ils arrivent et ils amènent quelque chose. C’est vraiment le côté autodidacte qui m’apparait aujourd’hui le plus central. Tous les enfants ont progressé, par rapport à eux-mêmes.

A part de cette boite à références multiples, non seulement les enfants ont montré leurs capacités à apprendre, et pour certain le désir d’apprentissage, mais au bout d’un temps relativement long, ils ont montré aussi des questionnements, des mises en scènes de leur origine, de leur propre pensée, ils ont ramené la clinique dans l’espace.

            D’autres ateliers classe ont, depuis, été constitués hors recherche, avec beaucoup de liberté, pas de « protocole ». On suit beaucoup mieux les enfants. Les enfants sont choisis… Partent de moins loin. Au lieu d’avoir un âge développemental de 21, 24 mois, ils ont plutôt un âge développemental de 3 ans, ce n’est pas beaucoup plus, mais ça change énormément, parce qu’entre deux ans et demi et trois ans, l’enfant réalise énormément d’acquisitions :  la permanence de l’objet….

              L’Education Nationale, depuis 2005, doit accueillir tous les enfants, cela parce que la France est entrée dans le mouvement de l’Ecole Nouvelle, que l’enfant est au centre du dispositif, c'est-à-dire, bien qu’on nous ne le dise pas, que le modèle élitiste français, comme le modèle élitiste suisse aujourd’hui, sont dépassé, parce que l’enfant est au centre du dispositif, c'est-à-dire que les enseignants s’adaptent à l’enfant. Ils ne cherchent pas à lui faire faire Polytechnique dès la dernière année de maternelle, ils s’adaptent à l’enfant tel qu’il est, avec ses besoins.

Hors, cette loi de 2005 a été terrible pour ces enfants autistes mutiques elle ne leur sert à rien, ils ne peuvent pas exister dans un groupe, ils ne peuvent pas être dans une classe, ils ne parlent pas, ils ont des troubles du comportement. L’Education Nationale est à la recherche d’une solution ce qui explique qu’au niveau local, le dispositif de l’atelier-classe est largement reconnu par les inspections académiques mais rien au niveau national.

Ce qui est apparu aussi dans l’évolution de la recherche, c’est la collaboration avec les méthodes cognitivo-comportementales. Qu’est- ce que je veux dire par là ? C'est-à-dire qu’au début, dans les ateliers classe, très peu de personnes étaient formées aux méthodes TTEACCH, aux méthodes ABA et aux méthodes de communication PECS. Aujourd’hui, on en trouve beaucoup, parce que c’est la nouvelle formation que reçoivent les psychologues, les orthophonistes etc. Et ces personnes, au lieu de s’insurger contre ce modèle de psychanalytiques, bien au contraire s’y sont mis, elles ont trouvé des différences, me les ont expliquées, des choses très intéressantes, par exemple, ils ont trouvé que, dans ce dispositif, les enfants perdaient leur rigidité, ils devenaient bêtement ordinaires et que, surtout, ce n’étaient pas les mêmes enfants des associations de parents favorables à ABA.

Les gens se bousculent pour venir travailler à l’atelier classe, pour rencontrer ces enfants, parce qu’effectivement, s’il n’y a pas un face à face, s’il n’y a pas un dispositif ritualisé, s’il n’y a pas une boîte à sens, on ne les rencontre pas. Ils sont quelque part, par terre, ils fuient, c’est tres difficile de les emmener. On a maintenant des internes en médecine qui viennent faire leur stage, par le bruit de bouche à oreille, les orthophonistes, les psychomotriciennes et les éducateurs spécialisés.

Les ateliers-classe bénéficient aujourd’hui d’une liberté de l’acquis, on sait ce que l’on attend des enfants. Je suis restée longtemps sur des interrogations. Pourquoi s’investissent-ils tant dans le dispositif qui prend appui sur les médiations scolaires ? Pourquoi tirent-ils les bases d’une communication, à travers un outil, un enseignement que jusque-là, personne n’avait pensé leur donner. C’est quelque chose qui est quand même étonnant eu égard aux façons habituelles de penser.

 Finalement, je disais à Jean-Luc, pourquoi tant d’interrogations sur l’autisme ? Un jour, en taillant mes rosiers, comme on le fait des fois, j’ai une illumination, je ne sais pas ce qu’elle vaut, vous savez qu’il faut toujours se méfier des illuminations, ça a toujours un côté dangereux … Aujourd’hui, pourquoi aucun mouvement de pensée n’a pu intégrer toutes les formes de l’autisme, de quoi est donc fait cette résistance à entrer dans la catégorie ?  Bon, vous avez rappelé BLEULER, mais il y a aussi, KANNER et ASPERGER qui sont deux catégories différentes. ASPERGER, qui les a trouvés intelligents, et qui les a sauvés de l’eugénisme nazi, ce que l’on oublie aussi de dire un petit peu. Sortis du groupe des déficients, les autistes se sont intégrés au mouvement psychanalytique, pendant longtemps intégrés dans le groupe des enfants psychotiques, pourtant ils ne paraissaient pas à leur place. Après, ils ont l’air de candidats parfaits pour les méthodes cognitivo-comportementalistes, pour les neurosciences etc., ils passent dans le champ du handicap, ils quittent la psychopathologie et ça tombe bien, parce qu’ils sont justement handicapés. On leur met de la médiation, on leur met des remédiations, pour certains ça marche, pour d’autres pas.

Et puis, on s’aperçoit aussi que leurs problèmes de communication et de langage auraient une origine neurologique, c’est admis à peu prêt par tout le monde, et qu’ils auraient besoin d’adaptation. BERGES avait eu une intuition, il disait que les enfants autistes reconnaissaient les gens par les lèvres, par la bouche, tandis que les enfants ordinaires reconnaissent les gens par les yeux, mais l’enfant ordinaire doit fait une adaptation pour mémoriser le visage entier, l’enfant autiste aussi, doit faire ce même travail pour les yeux. Il avait des intuitions comme ça, qui sont aujourd’hui vérifiées

               MOTTRON, dans son premier livre, mais dans sont dernier livre, qui vient de sortir, il est encore plus net là-dessus, les enfants auraient une « autre intelligence », il dit, d’ailleurs, dans ce livre que se serait un modèle pédagogique qui viendrait sortir ces enfants considérés à son époque à 70 pour 100 comme déficients. Il faut savoir que je m’occupe de ces enfants là, qui représentent vraiment un groupe minoritaire aujourd’hui.

                Si la résistance à entrer dans une catégorie précise explique la controverse, chaque mouvement de pensée ayant son autiste, défini d’une certaine façon. Il peut peut-être s’agir d’autre chose, car ces enfants autistes dont je vous parle n’apprennent de personne. Ils sont autodidactes, ils n’apprennent que d’eux. C’est étrange quand même, ces autistes sans langage, qui ont bien voulu dans la recherche qu’ils ne pouvaient apprendre de personne, qu’il fallait les aider à élaborer leur propre démarche, avec un dispositif et un matériel adéquat pour lire, écrire, chanter, et parler. Finalement, ne sont-ils pas  l’anti- reflet de la normalisation de notre société d’aujourd’hui. Alors, en sont-ils les victimes ? Je ne crois pas. Je pense qu’ils constituent plutôt cette marginalité toujours renouvelée et toujours créatrice dont parlait CANGUILHEM, dans « Le normal et le pathologique », cette marginalité qui accompagne les principaux changements sociologiques.

Jean-Luc de Saint-Just :

Bien. Il y a surement plein de questions, de remarques…. Allez-y…

LA SALLE :

J’ai plein de questions et de remarques mais avant tout une question, quand est-ce qu’elle sort, cette recherche ?

AH-B :

Alors, pour l’instant, elle est bloquée par la Croix-Rouge Française… qui veut vérifier…. Le président de la Croix-Rouge actuel. La Croix-Rouge dit qu’elle ne veut pas que sa recherche soit… comment dire, contaminée par le virus psychanalytique. Et oui, déjà que je me suis pas mal adaptée… Voilà. Enfin, donc elle sortira, très probablement, le premier article ne va pas rester bloqué, il va sortir probablement dans deux mois. Il sortira dans For impact factor, directement en anglais.

La salle :

La remarque c’est que ça donne envie d’offrir quelques rosiers supplémentaires… < Le reste de la remarque n’est pas audible >

AH-B :

Oui, je me suis dis que quand j’ai changé de référence idéologique, je me suis dis que… ce n’était pas si important que ça au fond. L’important c’était de pouvoir dire les mêmes choses dans le langage admis. Parce qu’il faut savoir que dit comme ça, dans le sud de la France, Une institution, l »ADAPEI a eu 70000 euros de l’ARS. Aujourd’hui, c’est tres rare. Les ARS enlèvent plutôt des budgets. Donc voilà, ça vaux le coup de le dire comme ça. Alors, mes amis à qui je dis, c’était dure, ils me disent, oui, ben pour une fois, tu as été très clair. E ne sais pas comment il faut penser ça, mais… Je m’en fiche aujourd’hui de ça. Parce qu’au fond… Vous savez c’est dans « Le grand bleu », qu’on veut savoir si il y a bien le dauphin au fond. Les enfants, ils ont ramenés la clinique de leur subjectivité. Et là où on ne s’y attendait pas. C’était le plus beau cadeau qu’on puisse espérer, en psychanalyse justement. Et puis, je suis en contrat avec la Croix-Rouge jusqu’en décembre 2017, et puis après, je fais ce que je veux.

La salle :

Qu’est-ce que vous avez préservé de la psychanalyse dans le dispositif ?

AH-B :

Oui, la référence en tant que sujet. C’est-à-dire qu’on fasse le pari que ces enfants donnent une réponse, et que cette réponse est une bonne réponse parce que c’est la leur. Vous savez, lorsque j’ai observé cette classe ABA de Catherine < ?... ?>, vous savez, c’est elle qui a traduit « Work in progress », le ABA français, c’est elle qui l’a étudié aux Etats-Unis, c’est elle qui l’a amené en France, donc j’ai observé la classe qu’elle avait installée à Paris. Et bien, je voyais un enfant à qui on montrait quelque chose, une photo, la sienne. Et il fallait qu’il dise, c’est machin. Et si on lui disait donne-moi la photo de machin, il disait, voilà, il ne disait pas voilà ma photo, il disait voilà, c’est normal d’ailleurs, parce que l’enfant s’appréhende de l’extérieur quand il commence à parler… Et il avait un quart de gâteau. Or, c’était un garçon obèse, un enfant obèse à qui on filait un quart de gâteau.

Il n’y a pas de… Comment dit-on ça… Il n’y a pas de renforçateur dans l’atelier classe. Rien que ça… C’est ça qui a fait que le docteur David COHEN a dit que c’était vraiment quelque chose d’exceptionnelle. Parce qu’il n’y a aucun renforçateur. Et parfois l’enfant dit ses premiers mots et personne ne dit rien. C’est comme si on avait toujours attendu qu’il parle.

Il y a quelques renforçateurs sociaux pour certains enfants, quand ils commencent à parler, très tard, faire marcher le larynx, c’est très émouvant, on met la main devant, ils parlent très doucement etc… Il n’y a pas de renforçateur.

Cet enfant, d’un point de vue de la clinique, c’était aberrant de le faire reconnaitre sa photo. Pourquoi, parce qu’un enfant autiste n’a jamais eu accès au miroir. Comment il se reconnait ? Par l’addition de toutes les autres photos. C’est-à-dire, il reconnait d’abord tous les adultes, il les reconnait sur la photo, avant de les reconnaitre en vrai. Par exemple à Bourg en Bresse, ceux qui étaient là depuis 4 ans, qui n’avaient jamais dit bonjour à personne, une fois reconnu sur la photo, ils y allaient le matin, ils arrivaient, ils disaient bonjour. Après, il y a toutes les photos de tous les copains, et par différence, ils trouvent la leur. De façon très métonymique en fait. Donc, leur faire entrer dans une photo qui ne signifie rien, parce qu’il faut être entré dans le stade du miroir, or ils n’y sont pas entré. On le voit bien, les écrits d’autistes, ils s’appuient sur des images qui leur plaises, des images de films, des images de livres, des images, pour de vrai, dans lesquelles ils vont être, par exemple, le gentil éducateur ce jour là. Et puis après, ils vont être le méchant machin… Ils s’appuient sur des images qu’ils intériorisent comme ça.

Ils n’ont pas accès à eux-mêmes. Même ceux-qui arrivent à l’école, ceux qui arrivent à développer quelque chose d’orthopédique, qui fait qu’ils se reconnaissent dans le miroir. Mais en réalité au départ, ils n’y sont pas. Donc, ces méthodes adaptatives qui nient la clinique et bien forcément… Parce que vous savez, moi j’ai vérifié toutes mes idées, j’ai fait toutes les supervisions possibles et imaginables du coin, en particuliers les adolescents titch, dans une association privée, qui a bien voulue de moi, une supervision enfants et adolescents, et en faite ça tombe à l’adolescence, pourquoi ? Parce que c’est pas leur propre pensée. Ce qu’ils montrent ces enfants, c’est qu’un modèle comme ça d’enseignement de subjectivation, c’est leur propre pensée. Bon, alors j’ai ouvert une porte, c’est le chantier derrière. J’ai besoin de tout le monde, au cas ou vous seriez intéressés, parce que c’est énorme, ce qu’il y a derrière.

La salle :

<…. Question inaudible…. >

AH-B :

Alors voilà, j’ai beaucoup utilisé les travaux des psycholinguistes. Pour les enfants autistes, la face, c’est la still face, c'est-à-dire quelque chose qui ne bouge pas. Donc j’avais vu que les psycholinguistes, avec ce genre d’enfants, exagéraient la prosodie, exagéraient les mimiques etc. Mais je me suis rendu compte que pour certains enfants, c’était trop compliqué et puis, bêtement aussi, dans un dispositif, l’enfant qui est entré au départ, il crachait, alors les adultes, au bout d’un moment… Le niveau de tolérance !... On peut comprendre. Tout ça a fait que, ils se sont mis à côté. En faite, la seule rigidité qu’il y a dans ce dispositif, c’est la ritualisation. C’est-a-dire, les activités durent dix minutes, les enfants changent d’activités et de personnes toutes les dix minutes. C’est ce que j’ai appelé la sur-stimulation, d’autres ont appelé ça aussi sur-stimulation. Ce que conseillait l’Education Nationale durant les années cinquante, donc ça n’a rien d’exceptionnel. 

Même si ils n’ont pas finis, ils changent d’adultes, ils changent d’enfants. Alors pourquoi ? Parce que j’avais remarqué que les équipes étaient vite dépressives avec un atelier avec des enfants autistes. Parce qu’ils sont plus fort que nous, c’est très clair. Quand on rentre à la maison et qu’on a envie de rigoler, on parle autiste, voilà. C’est-à-dire que c’est pas eux qui…  pareil que nous, mais… La force de l’autiste elle est là, elle est énorme. Moi je sais bien faire l’autiste, maintenant c’est bon. Mais je veux dire, je voyais que les équipes étaient en dépression, donc, on peut supporter un enfant difficile dix minutes, on sait que ça passe. Parce que l’enfant il n’est pas forcé de faire l’activité, si il ne veut pas, il reste, il attend. Si elle se fait tout de suite, et bien il a son jouet, en attendant que ça passe. Il peut discuter, il chante. Alors, ils aiment qu’on chante les consignes, ça au départ, les équipes avaient un peu de mal, maintenant on est habitués, on chante les consignes.

La seule chose, vous voyez, c’est le principe du premier regroupement, trois activités après la collation, où l’enfant demande. Pourquoi il y a cette collation ? Parce que l’enfant demande, et là, pour certains enfants qui ont du mal, on utilise la band <… ?... >, la phrase écrite et la phrase en images. D’abord l’image. Pourquoi on utilise d’abord l’image, parce que l’enfant autiste il va se saisir de ça. Donc l’image vient couper la boucle du besoin. A partir de là, on peut mettre beaucoup plus de choses, on peut mettre un mot. Et quand les enfants parlent, < ?.... ?> .

Les gens qui ont expertisés les ateliers classe, ils ont expertisés quatre ateliers classe, des experts. Ils étaient surpris, il n’y avait plus d’images. Mais ce n’ai pas la peine, parce que les enfants, ils lisent, ou ils parlent. Ils n’ont même pas besoin d’étiquettes et ils font des phrases.

Ca les a surpris. Alors, c’est pas miraculeux, c'est-à-dire qu’ils ont toujours des difficultés dans le groupe. Il y a quelques enfants où les ateliers classe sont externalisés dans des écoles. On a essayé de leur mettre des instits qui étaient bien au point, dans des ateliers de CP pour 1 heure ou deux, ils ont toujours du mal avec le groupe. Ca reste la principale difficulté.  Par contre, ils n’ont plus de crise. Parce qu’ils demandent, parce qu’ils regardent, parce qu’ils disent JE.

A la maison leur vie a changé. Une maman disait, dans un atelier classe où es enfants, quand ils étaient partis, ils étaient même pas testables. C'est-à-dire que l’on savait même pas si ils avaient 18 ou… maintenant il rentre chez lui, e m’en souviendrais toujours, la maman le portait, à huit ans, il était comme un enfant… avec la tétine, l’oreille là… bouché… Tout contre fait, et dans une fusion… Et aujourd’hui, et bien aujourd’hui, il est très droit. Alors lui ça a été compliqué, il voulait pas rester, on l’a occupé dans un fauteuil, enfin, on a mis au point des tas de trucs, jusqu’à ce qu’il accepte d’être là, à sa table, il aime bien d’ailleurs. Et puis maintenant, il  choisit les gens, et les nouvelles personnes qui viennent travailler dans l’atelier classe, il leur en fait voir de toutes les couleurs, il jette son matériel, il rigole, enfin… A la maison quand il rentre, il va dans sa chambre, il écoute ses comptines, il les suit sur le livre, il joue avec ses jouets. La mère, elle dit… ça fait 2 ans, 2 ans ½, la mère dit : Ma vie a changé. On n’a pas eu besoin de la culpabiliser pour ça.

Je ne sais pas si je réponds à…

La salle :

<…. Question en partie inaudible…> Vous faites des séances de dix minutes, après lesquelles il y a un changement obligatoire d’atelier. Est-ce que, dans le dispositif, il n’y a une possibilité de dépasser parfois ces dix minutes de séance ?

AH-B :

Non, on ne le fait pas. C’est dix minutes point.

La salle :

Et du coup, c’est la répétition dans la semaine qui fait que…

AH-B :

Oui, et avec des personnes différentes, c'est-à-dire que jamais personne ne fait la même chose. La seule chose qui est, c’est, par exemple, apprendre à faire le A, le B, mais chacun fait comme il le sent. La maitresse dit la progression, c'est-à-dire, on fait d’abord les verticales, après les horizontales. Elle dit les choses comme ça. Mais chacun fait… Parce qu’on sait qu’une méthode répétée rend les gens fous. On l’a vu dans certaines institution. Ca rend les gens fous. Alors là surtout pas . On voit que les enfants vont comprendre avec une personne… Aujourd’hui, c’est très marrant, dans certains dispositifs il y a la secrétaire qui vient, parce qu’il manque des gens, des gens qui sont pas du tout spécialisés, moi je trouve ça génial, et qui viennent travailler là. Les enfants sont bien avec. Tout ça, on le savait, au niveau psychanalytique, l’enfant, il choisit la personne, il choisit pas l’étiquette qui est écrit sur la blouse, il choisit la personne.

Il ne faut surtout pas que les enfants fassent la même chose. Et donc, dans certains ateliers…. C’était vraiment bien fait dans la recherche, c’est pas mené comme ça à Bourg en Bresse : Chaque personne ne fait pas la même chose, de la semaine, avec le même enfant. Si aujourd’hui elle fait lecture, demain elle fera logique, après demain elle va faire… etc. Et à un moment donné… C’est cette différence là, parce qu’ils ont besoin de cette différence. Je veux dire, la clinique psychanalytique, c’est cette petite différence. C’est ça, qui leur fait, à un moment donné intégrer quelque chose. Quelque chose qui n’est pas expliquée pareil, ç a j’y tiens beaucoup.

Alors les enfants, ils ont pigé. Dans un premier temps ils ont pigé que… Alors, ils y en a qui sont malins. Alors ceux que l’on commence à voir malins. Ils y en a qui comment à faire «  CCRRRCCRRR », quand on a le dos tourné. La, on est vachement content. On dit : Ben alors, qu’est ce que tu fais ! Ils ont pigé qu’à la collation, ils seraient peut-être servis les premiers si ils finissaient leur travail, entre guillemets travail. Donc du coup, ils ont compris que c’était la collation, et hop, terminé, ils rangent tout, ils viennent s’assoir.

Moi je les ai vu redevenir enfant. Le visage aussi. J’avais cette idée, qu’ils soient indépendants. C’est un peu ma problématique personnelle, c’est que je voulais qu’ils soient indépendants. Et pour être indépendant, il faut savoir lire et écrire. Parler pas forcément, et encore, c’est à vérifier. Et je voulais qu’ils aient aussi une vie d’enfant, et effectivement, à l’atelier classe, ils deviennent des enfants. Alors, à Animasse, c’est assez fantastique parce que, en 6 mois, ils ont multiplié leur PEP3 par 2. Ils sont passés de 18 moi d’âge mental, à 36. Ce qui est impressionnant. Ils sont moins partis de loin que ceux de la recherche.

La salle :

On pourrait penser que la question du sujet, elle tourne autour de ces enfants là, et pas du côté des soignants du coup.

AH-B :

Voilà, exactement

La salle :

De sujet à suet et donc, le groupe n’est pas possible.

AH-B :

Voilà, c’est ça. C'est-à-dire que le soignant est en position de double, vous avez raison. Il est en position de double, sur lequel on peut s’appuyer. C’est lui qui se met en place d’objet d’une certaine façon. Alors, il est aussi sujet parce qu’il accompagne l’enfant, il regarde, il apprend de l’enfant, mais effectivement, le sujet est plutôt du côté de l’enfant, c’est ça qui change quoi.

La salle :

Du coup la question du transfert ?...

AH-B :

Elle est présente oui.

La salle :

Comment elle peut se mettre en place dans ce dispositif ?

AH-B :

Elle est présente oui, elle est centrale. Si il y a pas transfert, l’enfant ne va pas quitter sa position de replie autistique. C’est totalement fondamental. C'est-à-dire qu’il faut qu’il ait eu une expérience de plaisir, d’intérêt avec l’adulte en face, voilà. Avec plein d’adultes.

La salle :

Même avec une rotation comme ça ?

AH-B :

Oui, et bien ça les dérange pas, contrairement à ce que l’on pense….

<… Echanges dans la salle inaudible…>

AH-B :

Alors pourquoi j’ai choisi un atelier classe,  c’est parce que le concept de réparation ne me plaisait pas. Vous savez, refaire partir l’autiste de la relation, de la mère symboligène qui a échoué parce que ça tient pas la route. Un enfant de 9 ans, on va pas lui faire… Par contre, je crois que c’est là où j’ai eu l’intuition, finalement j’ai découvert que leur système cognitif était pas si endommagé que ça, parce que je ne voulais pas de ce concept de réparation. Effectivement, ils se réparent, ils se réparent eux. Alors évidemment, avec du matériel, en utilisant les adultes… Et puis, ils sont très investis du coup. Vous imaginez, ils font des progrès dans une institution… Dans le sud de la France, où je vais demain, à Bagnole sur Cèze, un enfant était dans un atelier classe où il ne parlait pas. Il était dans un groupe où personne ne parlait. 4, 6 mois après, il s’est mis à parler, et aujourd’hui il parle. Donc ils ont du changer de groupe mais avec beaucoup de difficultés, parce que les éducateurs étaient tellement content qu’il y en ait un qui parle sur les huit qu’ils ont eu du mal à le lâcher. Donc on n’imagine pas la transformation que cela peut faire pour un enfant. La aussi c’était une grosse surprise parce que je crois que la recherche, comme la thèse, qui est une recherche aussi… J’ai pas pu m’occuper de la guidance parentale. Je pense que le bas blesse là. Parce que là, cet enfant qui parle de façon miraculeuse avec un autre, à Avignon, il y a eu une réunion, projet personnel individualisé, et alors on leur dit : Et à la maison alors qu’est qu’il vous dit ?. Et les parents nous disent : Il ne parle pas . Ca fait deux ans ½, qu’il parle dans l’institution à casser les oreilles à tout le monde, et il ne parle pas à la maison. Je pense que le problème il est du côté de la guidance parentale. Ca de plus en plus je le pense, parce que c’est très difficile pour certaines familles, que l’enfant quitte la place d’handicapé, c’est très très difficile.

La salle :

Le rituel vient un petit peu, du côté du désir du soignant…<… En partie inaudible…> Les parents, comment trouver une place là, en tant que sujet parent ?

AH-B : 

Oui, c’est ça. Le sadisme entre guillemet des soignants etc. L’atelier classe se déroule lui, il a sa propre logique de déroulement. Les soignants n’y peuvent rien, les enfants non plus. Donc tout le monde se sent protégé par ça. A tel point que souvent, c’est une marionnette le dispositif, c’est un pingouin, un perroquet etc. Et je vois par exemple que les enfants petits, qui n’ont pas besoin de coercition, parce que au niveau du comportement, certains qui sont grands… c’est compliqué… Bien là, la structuration, la logique du dispositif les force tout simplement. Et les soignants sont garantis que ça se déroule et que ils sont protégés aussi, c’était voulu.

La salle :

Moi je trouve que d’être sujet, autour de ces enfants, c’est aussi un moteur. La difficulté, vous avez parlé de passion avec ces enfants là. Et du coup la passion elle vient presque écraser, mais je trouve que c’est thérapeutique aussi de travailler en tant que suet.

AH-B :

Oui, je suis d’accord oui. C’est compliqué. Moi je suis surpris, par exemple, des enfants considérés, je pense à Amiens, parce qu’ils ont des troubles associés, carencé aussi… Une fois je suis arrivée l’année dernière, les deux garçons, ceux qui sont le moins en difficulté que les autres, ils sont allés chercher leur classeur de graphisme, et ils me l’ont montré. C'est-à-dire qu’ils ont eu une attitude tout à fait… Anna c’est une petite fille, celle qui parle sur les cris, chaque fois que j’arrive elle vient s’assoir bien à côté de moi. A Bourg en Bresse, lorsqu’on écrivait le projet de l’atelier, un de ceux qui restera 3, 4 ans je crois, il venait toujours s’assoir à notre table. Donc c’est quand même interrogeant ça. Il y a toujours eu, tout les cliniciens l’ont toujours dit, il y a toujours un écart entre les tests qu’on leur fait faire et l’impression que l’on a. Il y a parfois des impressions où justement, ils ne sont pas si déficient que ça. On s’interroge la dessus, c’est intéressant.

J-L DSJ :

Je suis désolé mais les contraintes de salle doit faire que l’on doit s’arrêter. Encore un grand merci à Annick Hubert-Bathélhémy. On est très content de vous avoir entendu, et d’entendre pour une fois, une psychanalyste qui n’est pas autiste, et qui a eu la malice de sortir du jargon analytique, sans céder à l’essentiel, pour permettre que ce travail puisse se faire. Merci et bravo.