PARIAT Brigitte et ABDERRAHMANE Nordine : Soins pénalement ordonnés : un dispositif original ou se cache souvent une autre demande

Soins pénalement ordonnés  : un dispositif original ou se cache souvent une autre demande .

 

 Présentation

 

Nous sommes infirmiers de secteur psychiatriques avec chacun des expériences différentes : expérience auprès des détenus et expérience en CMP classique, nous nous sommes retrouvés il y a maintenant 5 ans dans ce lieu de soin  qui est  le centre de consultations de psychiatrie légale, service qui dépend du pole SMD/PL (santé mentale des détenus et psychiatrie légale) rattaché à l’hôpital du vinatier.

Nous accueillons essentiellement des personnes sous-main de justice avec obligation de soin ou injonctions de soins, orientées, soit par leur CMP de secteur, soit par le médecin coordonnateur, soit par le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation).

 Le soin pénalement imposé reste une question qui fait débat : «  soignants et soignés condamnés à accepter une relation intime obligée » comme le souligne J.CHAMI.

Les soignants se trouvent déroutés par des patients qui n’expriment pas de demande de soins spontané et qui se sentent eux aussi prix dans l’obligation posée par la justice,  ils doutent  de l’authenticité lorsqu’il y a demande  parce que le système judiciaire prévoit aussi des remises de peine lorsque le soin est suivi (centre de semi-liberté)...

 Une certaine confusion règne entre la justice et le soin, le soignant se sent assez directement pris en otage entre le patient et le système judiciaire. Et la position semble difficile à tenir.

Tentons de  rester  dans une position de soignant en considérant tout ça aussi comme symptômes, transmis justement par la clinique  de ces personnes en question , un peu en miroir , problèmes de cadre , de repère, de passage à l’acte ( on ne vous donne pas de RV ) , de rejet ( patient  inaccessible au traitement ) , sentiment d’impuissance avec la perte d’identité professionnelle .

 Ces soins pénalement imposés questionnent  le sens du soin et la représentation de celui-ci  chez  les thérapeutes.

 

Les soins pénalement ordonnés existent depuis la création du sursis avec mis à l’épreuve dans les années 1950, il en existe 3 sortes

  • Obligation de soins
  • Injonction thérapeutique
  • Injonction de soins

L’obligation de soins est la mesure la plus fréquemment appliquée ; elle date exactement du 15 avril 1954 relative au traitement des alcooliques dangereux.

  L’obligation de soins est une mesure qui peut s’appliquer avant ou après condamnation .Elle est prononcée par le juge à partir des éléments du dossier pénal, sans expertise médicale  au préalable. La loi n’a pas prévu d’organisation des relations entre la justice et la santé. Cette mesure est non spécifique, elle est susceptible d’être ordonnée pour tout type d’infraction.

Durée est variable, suivant la nature des peines...

L’injonction thérapeutique n’est pas très utilisée, elle date du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de luttes contre la toxicomanie. Cette loi introduit une nouveauté en considérant l’usager de drogue à la fois comme délinquant et malade.

Durée 6 mois renouvelable.

L’injonction de soins est destinée à des infractions considérées comme plus grave que les infractions pour lesquelles les autres mesures sont ordonnées.

L’injonction de soins est une mesure spécifique de la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles.

Depuis cette date, de nombreux textes législatifs ont été votés pour étendre le cadre de l’IS. (Atteintes graves aux personnes : séquestration, assassinat, acte de barbarie, incendie volontaire, violence conjugales et depuis 2010 violence familiales. Mesure uniquement post sentencielle : expertise psychiatrique obligatoire + médecin coordonnateur (fait l’interface justice/soin).

Durée maximale du SSJ : délit jusqu’ à  10 ans, 20 ans en matière criminelle et 30 ans pour réclusion criminelle …

 Cette idée d’obligation  constamment rediscutée fait avancer la réflexion sur le sens de cette mesure : pour la personne sous-main de justice  , sur la position thérapeutique à adopter , sur les symptômes  des patients à travers le passage à l’acte  , sur la représentation que l’on a de la personne souvent  confondue avec son acte,  sur le lien entre le soin et la justice , sur le secret médical , sur la non demande personnelle  du patient ou l’impossible demande …

 Il y a une conception étroite de la demande qui se résume à ce paradigme : pas de traitement possible sans demande du sujet lui-même.

 Si la demande doit être  un prérequis indispensable au travail psychothérapeutique, d’emblée on se positionne dans l’impossibilité d’être soignant dans ce cadre-là.

Question de la demande : existe-t-il une vraie demande, réelle, profonde ?

Faut-il attendre passivement qu’une demande survienne ou va-t-on plutôt l’anticiper sous prétexte que la personne serait trop vulnérable pour la faire elle-même ?

C’est bien dans cette situation complexe que l’on va devoir construire un espace de soin en tenant compte des demandeurs implicites et de ce que va en faire le sujet.

L’impossibilité de verbaliser une demande ne signifie pas qu’elle n’existe pas, pour J-Y CHAGNON, c’est le comportement de ses sujets limites qui a valeur de demande.

  • Demander implique la reconnaissance d’une souffrance psychique or l’accès à cette reconnaissance est entravé par les mécanismes de déni et de clivage, présent chez ces sujets au capital narcissique insuffisant.
  • Demander implique de faire appel à un tiers, dont l’investissement transférentiel met à l’épreuve la capacité d’accepter une certaine forme de dépendance à son égard.
  • Demander de l’aide implique enfin de faire confiance dans le pouvoir curatif ou soignant de la parole, or chez ces personnes présentant un état limite, c’est justement les processus verbaux qui sont insuffisant à contenir

L’excitation pulsionnelle, laissant place à une régulation de cette excitation par le comportement.

  • L’attente de la demande de soin est donc illusoire.

L’attitude adoptée par le soignant ne sera donc pas l’attitude classique de neutralité bienveillante et d’attente de la demande du patient mais, au contraire, être là pour éveiller cette demande  et accompagner le patient dans un travail de mise en mot de la souffrance.

Plus qu’à un soin, la justice contraint avant tout à une rencontre avec un soignant et la rencontre contrainte offre finalement l’occasion de faire l’expérience inédite de parler de soi, de découvrir   un lieu d’échange.

Les premiers temps du travail thérapeutique se fondent alors, plutôt sur une logique de rencontre que sur l’émergence d’une demande, qui devient tout au plus une éventualité dans cette rencontre, il apparait aussi assez essentiel d’intégrer les éléments issus des procédures judiciaires comme élément d’un « métacadre », d’une référence tierce, comme éléments jouant le rôle d’objet de relation dans le sens où ils deviennent l’objet d’un partage entre deux interlocuteurs.

Le méta cadre vient comme enveloppe contenante, le cadre judiciaire est un étayage au cadre de soin, la sphère sociale vient s’ajouter comme 3e sphère, et c’est précisément au confluent de ces 3 univers que va pouvoir potentiellement  se loger le début du soin : environnement favorable dira Ciavaldini.

Par leur fonctionnement clivé, ces sujets n’ont pas intériorisé la loi symbolique, le soin pénalement ordonné vient donc jouer ce rôle de cadre externe.

Le sujet, par ses symptômes, a des difficultés à exprimer d’emblée une demande de soin qui lui est propre car ce serait une insuffisance pour régler son malaise  mais aussi la nécessité de s’en remettre à un autre pour l’aider.

Il parait plus facile pour le patient d’avoir recours à un tiers pour formuler une demande, comme s’il ne pouvait  prendre contact avec ses affects que par le biais d’autre.

L’essentiel du travail réside dans la spécificité de l’accueil : permanence, disponibilité, contenance afin que le patient en en panne d’élaboration puisse s’étayer sur notre appareil à penser pour amorcer un travail de réorganisation psychique et formuler une demande, à son rythme.

La solidité et la souplesse de notre cadre de travail permet de résister aux différentes attaques réelles ou fantasmatiques et d’en restituer aux patients « quelque chose » du côté du lien.

Notre institution réalise un authentique travail de transformation.

Expérience professionnelle.

Le soin pénalement imposé (obligation de soins ou injonctions de soins ) reste bien souvent une question difficile à aborder au sein des CMP , cette mesure s'adresse dans la plupart des cas à des patients psychopathes , ce qui demande une réflexion particulière sur la prise en charge de cette clinique complexe et sur le positionnement soignant quant à ce cadre de soin atypique où la demande se fait par un tiers qui est la justice .

Dans notre pratique infirmière, au centre de consultations spécialisées post pénal où on accueille essentiellement des personnes sous obligations ou injonctions de soins, on a pu constater que cette mesure devenait un accès aux soins pour beaucoup d'entre elles car elle jouait ce rôle de passeur entre la constatation extérieure amenée par la justice et la réaction intérieure de la personne face à cette décision.

Ces prises en charge demandent une position active, la rencontre doit se faire dans un climat où le patient se confronte le moins possible à des angoisses de vide qui le ferait d'emblée renoncer à ce risque du lien.

Notre travail devra se construire autour de la continuité et de la permanence du lien, nous sommes les intervenants de première intention où la demande de soin n'existe pas mais est déterminée par le cadre judiciaire suite à un passage à l’acte.

Ce dispositif de soins doit pouvoir s'articuler avec les différents partenaires afin de créer une enveloppe  pluridisciplinaire, ce qu’A.Ciavaldini appelle l'inter contenance qui favorisera "le mentélement environnemental » permettant un processus de liaison, ce qui fait défaut dans le fonctionnement psychique de ces patients.

Dans ces soins pénalement imposés,  Il y a la notion de double cadre dont parle C.BALIER :cadre externe qui serait celui de la justice avec tout ce qu'il comporte du respect des lois (SPIP) ce qui donnerait plutôt une tonalité paternelle et le cadre interne qui serait celui du soin , plus à voir avec le coté maternel , et là ,on serait dans les pré-représentations masculins/féminins auxquelles le patient n'a pas eu accès.

Pour illustrer notre propos, nous avons retenu la situation d'un jeune homme de 24 ans, incarcéré depuis 7 ans pour viol commis alors qu'il était mineur.

Nous l'avons rencontré mon collègue et moi au SMPR juste avant sa libération pour faire connaissance, établir un premier lien  et lui présenter le suivi ambulatoire assuré par nous deux , dont il pourra bénéficier à sa sortie de prison ,il a prévu de s'installer chez sa mère , on ressent une angoisse importante à l'idée de quitter la détention , il exprime clairement son désir de rester incarcéré .

Ce jeune homme est né en Guadeloupe, est le 3e d'une fratrie de 5 enfants, il vivait avec sa mère et son beau père, et n'a jamais connu son père.

Nous n'avons pas beaucoup d'informations sur sa vie, on sait qu'il a été hospitalisé en psychiatrie à plusieurs reprises, hospitalisations sous contrainte mais on ne connait pas vraiment les conditions  de ces séjours.

Il a été détenu quelques années à la Guadeloupe, les faits se sont passés là bas, il avait 17 ans, puis sa mère est venue s'installer en métropole ; il a alors été transféré dans plusieurs prisons où nous apprenons que ce jeune homme a une forte propension au passage à l'acte , ce qui lui a valu de nombreux placements au quartier disciplinaire au cours de son incarcération .

Il est connu pour son intolérance à la frustration, a des capacités d'élaboration pauvres avec une importante dépendance aux autres et notamment aux soignants.

Nous constatons d'emblée qu'il verbalise peu, est beaucoup dans la défiance, souvent dans la méfiance, il fait le "pitre" et use abondamment de la provocation.

Nous percevons d'emblée que cette aventure soignante s'annonce difficile et qu'il conviendra plus que tout avec ce type de patient, d’accentuer notre travail sur le plan de la permanence, de la cohérence du lien et de notre fonction de contenance.

Il arrive donc au centre de consultations dans le cadre d'une injonction de soins , la prise en charge s'organise autour de consultations médicales , entretiens infirmiers, suivi social et articulation avec les partenaires , médecin coordonnateur, SPIP, afin de créer une interdisciplinarité et permettre une restauration de la notion de lien , maillage santé /justice, instauration d'un espace inter contenant indispensable dans cette situation thérapeutique, on retrouve cette notion de mentèlement environnementale décrite par A.CIAVALDINI.

Nous savons d'ores et déjà que la vie psychique des patients dépendants, comme l'a expliqué F.MARTY, est constituée d'une violence interne difficile à contenir et encore plus à transformer .Cette violence  cherche à se décharger via une solution courte notamment en s’écoulant par projection  sur des objets externes. L’acte est toujours selon lui d'abord action de projection, recours face à l'afflux d'excitation qui ne trouvent pas de voie de transformation conduisant à lier l'affect (éprouvé reconnu comme tel par le sujet) à une représentation.

Contrairement au travail de représentation et de symbolisation, l'acte utilise une voie directe pour trouver l'apaisement recherché.

Cependant pour certains sujets, l'acte peut constituer l'amorce d'un processus de symbolisation (Roussillon 1999).

Cette mise en acte traduit un état de détresse latent face à la difficulté d’élaborer symboliquement la perte de l'objet, la difficulté à intérioriser sa représentation .Faute de pouvoir l’intérioriser, faute de pouvoir faire le deuil de l'objet perdu ou absent, ou encore l'amour émanant de cet objet, le patient dépendant cherche une issue qui lui évite la dépression face au sentiment de perte. Comme le souligne MARTY « Le passage à l'acte violent est l'une de ces solutions qui dénie la souffrance du sujet en "choisissant "la voie (le recours) de la défense maniaque ».

Notre institution thérapeutique a pour fonction de protéger le patient, de lui garantir une stabilité, une sécurité face à sa propre violence, comme un renfort narcissique face à la menace de la destructivité de sa maladie.

L’institution constitue ainsi une deuxième chance pour notre patient, sas d’attente et de traitement de sa violence interne, espace temps qui offre les qualités de contenance et d’apaisement qui précisément lui manquent. En lui imposant une contrainte spatio-temporelle, l’institution instaure avec le patient un nouveau rapport à la temporalité psychique. Elle s’offre comme une pause où va pouvoir se jouer un retour sur soi dans un après coup jusque là impossible.

MARTY ajoute :

« En s’offrant comme espace externalisé pouvant accueillir leur monde interne, l’institution devient une seconde peau psychique sur laquelle viennent s’inscrire les éprouvés quotidiennement vécus. Le travail institutionnel consiste de donner de la profondeur à ces éprouvés, à les contenir et les relier entre eux jusqu’à ce qu’ils constituent la trame d’une histoire vivante faite d’affects ou la discontinuité apparente de ces diverses expériences finit par se fondre dans une continuité de vie qui fasse sens ».

L’institution s’offre ainsi à la fois comme un espace de projection et de secondarisassions, comme une seconde latence nous dit MARTY, un lien où s’exprime la violence interne, mais aussi un lien où cette violence peut se vivre et être reprise dans l’après-coup.

De plus lorsque l’institution accepte d’être un conteneur et consent à accueillir les mouvements de déliaisons, l’équipe instituée témoigne d’une réceptivité et d’une sensibilité remarquable. L’élaboration groupale à distance des effets d’emprise et de confusion initie un processus de contenance et de métabolisation.

Tout se passe comme si notre équipe avait à se constituer comme un objet médium-malléable (ROUSSILLON) à la fois indéfiniment déformable et résistant, tolérant les mouvements d’attaque et de destruction de ses systèmes de lien.

Cette plasticité présuppose certaines qualités groupales de sensibilité et de réceptivité adossées à une consistance de fond. Autrement dit, l’accueil et la contenance de nos patients dépend d’une structuration groupale et institutionnelle qui s’organise à partir d’un rapport à la différence des sexes, des générations et des fonctions suffisamment bien intégrées, associés à une consistance d’arrière plan, à une structuration assez ferme de métacadre et organisationnel. Consistance qui va autoriser l’ensemble à tolérer les déformations sans s’effondrer mais aussi à réinstaurer la limite, l’écart et les différences fondamentales sans culpabilité. La capacité d’accueil et d’hébergement des matériaux psychiques déliés et destructeur procède d’un travail groupal : l’équipe se constitue comme un réceptacle suffisamment flexible pour être déformé par les projections violentes provenant du patient. C’est en s’ouvrant à l’incomplétude et à la fêlure, en tolérant d’être atteint par l’autre, d’être blessé par le surgissement d’affects immobilisés dans la conflictualité interne et les discordes, que l’équipe résiste à la destructivité primaire.

Soulignons que, pour la situation clinique qui a retenu notre intérêt le couple professionnel : un infirmier, une infirmière a revêtu un caractère très important quant à sa complémentarité, sa cohérence et la contenance qu’il peut constituer dans une démarche thérapeutique. A notre sens l’accueil des patients (il s’agit principalement d’un accueil physique) décrit par de nombreux auteurs comme relevant d’une contenance maternelle, ne vaut qu’à s’articuler à une fonction tierce, permettant aux interventions soignantes d’acquérir un sens (symbolique). Cette perspective fait dire à DONNET que le cadre pouvait « selon une oscillation invisible, valoir comme enveloppe, giron maternel toujours encore symbiotique et comme barrière, régulation paternelle, toujours déjà symbolique.

Aussi dans notre façon de concevoir le soin en psychiatrie, la contrainte soignante n’a pas en elle-même valeur thérapeutique, elle ne l’acquiert qu’en s’associant parallèlement à une position considérée comme maternante de contenance psychique : cette contenance, il nous faut l’entendre selon les termes proposés par RACAMIER comme « triple fonctions d’accueil, d’amortissement, et de mise en forme » de sorte que « le contenant proposé au patient par l’équipe soignante n’est donc pas une simple boîte à idées, un réceptacle neutre et inerte. C’est un transformateur venant, à l’intérieur duquel le matériel des patients s’accroit d’une valeur ajoutée par l’intérêt et l’attention des soignants et par le travail mental qu’ils font sur ce matériel ».

Pour qu’une élaboration, c'est-à-dire une réappropriation subjective sans une nouvelle forme dorénavant plus acceptable se fasse, encore faut-il que le patient puisse rencontrer la différence. C’est à ce titre qu’il nous faut trouver un juste équilibre entre fonction « maternelle » à l’excès symbiotique et fonction « paternelle » qui elle, au contraire pourrait se révéler arbitraire. Il faut de part et d’autre, un solide sentiment de sécurité pour qu’une co-élaboration patients/thérapeutes puisse se faire jour, nous dépasserons maintenant cette première assertion possible pour désormais considérer dans un mouvement synchronique, cette référence paternelle comme le partenaire indissociable d’une posture « maternante » qui rappelons-le, ne peut se montrer co-élaborative qu’à se déprendre d’une fusion imaginaire.

Il lui faut pour cela s’ouvrir sur des différences, d’autres horizons, que cet ailleurs « paternel » peut tenter d’introduire.

C’est seulement en conciliant la dimension « paternelle » et « maternelle » qu’on peut permettre à la souffrance de s’estomper.

Conclusion :

La prise en charge de ces patients violents implique de s’autoriser une rencontre plutôt que de se situer d’emblée en tant que soignant dans une méfiance pouvant même parfois conduire à la défiance.

Pour conserver une position « civilisatrice » pour penser le soin en situation pénale, il est nécessaire de ne pas travailler seul, mais d’être inclus dans un espace pluridisciplinaire, permettant une meilleure contenance et une diffraction du transfert.

Il est primordial d’adapter nos exigences aux possibilités véritables du patient du côté de la demande. Autrement dit, formuler une demande pour le patient requière un travail de réorganisation et de mobilisation psychique qui nous incombe.

A propos de la demande stricto-sensu Lacan  nous dit que l’homme dépend pour ses besoins des autres hommes avec lesquels il est en lien par le langage, et c’est à ces autres hommes qu’il devra demander et trouver les mots pour être entendu, dans le meilleur des cas.

En revanche, pour les patients qui nous concernent la notion de l’autre a bien du mal à exister, étant donné que l’altérité n’est pas clairement repérée.

Alors notre travail sera, comme on a pu le décrire précédemment, un travail de contenance et d’accueil pour que comme l’écrit CIAVALDINI, on puisse penser leurs pensées, fabriquer un lien social.

Nordine ABDERRAHMANE et Brigitte PARIAT

Infirmiers

Pôle Santé Mentale des Détenus / Psychiatrie Légale

Centre de Consultations Spécialisées Lyon 2eme.

CRIAVS Rhône Alpes.

Centre hospitalier VINATIER

 

Bibliographie :

ANZIEU D. : « La fonction contenante de la peau du moi et de la pensée : conteneur, contenant, contenir » in Les contenants de pensée, Paris, Denod (1993)

BALIER Claude : « Psychanalyse des comportements sexuels violents » Paris PUF (1996).

CIAVALDINI André : « Sanctionner et soigner : du soin pénalement obligé au processus civilisateur » La lettre de l’enfance et de l’adolescent 3/2004 N° 57

DONNET J.L. : Le divan bien tempéré. Paris : PUF, (1995)

HOCHMANN J. : La consolation. Paris : Odile Jacob, (1994)

MARTY F. : « A propos du parricide et du matricide à l’adolescence » in « l’illégitime violence. La violence et son dépassement à l’adolescence ». Toulouse, Eres - pp. 95-110 (1997)

MARTY F. : « L’adolescent face aux institutions » in Adolescence, 21, N°1 – pp. 465-669 (2002).

MARTY F. : « L’institution de soin : un espace psychique interne », Psychotropes, 2007/1 Vol 13, pp. 99-99.

RACAMIER P.C. : L’esprit des soins. Le cadre. Paris : Editions du collège, (2001)

ROUSSILLON René : « Agonie, clivage et symbolisation » – Paris, PUF (1999)

ROUSSILLON René : « Le médium malléable la représentation de la représentation et la pulsion d’emprise », Rev.Bel.Psychanal, (1985), N°13, (1989.)

ROUSSILLON René : « L’objet » ; « Médium malléable » et la conscience de soi », L’Autre 2/2001 (Volume 2) pp. 241-254

SAVIN Bernard : « L’obligation de soins : un objet intermédiaire »