Jean-Louis CHASSAING : écranté

Etudes Pratiques de Psychopathologie

Dr. Jean-Louis CHASSAING

Ecranté

Jean-Luc de Saint-Just- Nous avons le grand plaisir d’accueillir à nouveau le docteur Jean-Louis Chassaing, qui nous fait le plaisir de venir pratiquement tous les ans, ça va devenir une habitude, presque une addiction, je sais pas, qui est donc psychiatre et psychanalyste à Clermont Ferrand, qui a écrit plusieurs ouvrages, dont « Psychanalyse et Psychiatrie », « Drogue et langage » entre autres. Et donc il va nous parler, comme le titre l’indique, des écrans, des écrans dans la vie collective. Voilà, je vous laisse la parole.

Jean-Louis Chassaing- Merci de votre invitation, bonsoir. Je partais un peu comme toujours, de ma pratique, et en général, de ces plaintes, comme quoi les écrans, ça captive, voir, ça capture, et ça noius fat discuter, qu’est-ce qu’il faut en faire ? Donc Je suis parti de ça et j’en parlerai peut-être dans une deuxième partie, mais j’aimerai que vous ayez cette idée en tête, que je parlerai donc des écrans. Parce que, comme tu l’évoquais, je me suis longtemps par obligation dans un service de CHU, occupé de ces questions de toxicomanies, et qui au fur et à mesure comme ça, m’ont intéressé, m’ont passionné, m’ont «addicté», et puis m’ont un peu lassé. Et je pensais qu’il était intéressant d’élargir un peu les questions, et de ne pas rester dans un discours trop réducteur. Alors le titre «Ecranté», ça m’est venu assez naturellement et notamment je me demandais pourquoi, parce que effectivement ça renvoie à des choses qui sont un peu différentes de ce dont je vais parler aujourd’hui. Mais j’avais écrit un article il y a déjà pas mal de temps, à propos d’une jeune femme, enfin je ne vais pas reprendre ça parce que le cas clinique est assez long, intéressant, mais bon une jeune femme qui était mannequin, qui était héroïnomane et qui se faisait peindre sur le corps, nu, qui se faisait peindre des tableaux, pour faire partie de défilés, et notamment de défilés assez particuliers qui concernaient donc le préalable à des catalogues de tatouages ou de dessins sur le corps, donc un monde un petit peu spécial de tatouages, de scarifications, de brandings, enfin de toutes ces choses-là, ce qui m’a pas mal enseigné. Cette jeune femme-là avait une pathologie assez particulière et donc je disais.... elle passait du temps avec une femme peintre, avant de défiler, comme ça, nue, alors que c’était quelqu’un d’assez pudique. Mais elle ne se sentait bien nue que le corps peinturluré, et il m’était venu le mot, dont j’avais parlé à Melman, et ça lui avait bien plu, parce que elle avait quelques difficultés sexuelles, je disais qu’elle s’était faite «entoilée». On peut entendre assez paradoxalement à la fois une dimension sexuelle mais avec une orientation sublimatoire.

Alors «entoilé», «écranté», voilà, ça m’est venu un peu comme ça. Alors j’ai découvert... donc cet article je l’avais intitulé « Elodie au corps peint». Ce terme «d’écranté» il se trouve que c’est un terme de physique et  d’électrotechnique, qui renvoie, c’est un peu en dehors de notre sujet, quoi que, mais qui renvoie comme ça à la protection des câbles pour une supraconductivité ou, au contraire, une atténuation, hein je veux dire ce mot, au contraire, aussi est pour moi assez important. Donc  supraconductivité ou atténuation d’un champ électrique derrière un écran de charges électriques, et il y a cette notion d’une interaction, d’une interaction d’un électron, d’un ion, avec une autre particule. On dit qu’une particule, un ion est «écranté» par une autre particule. C’est un peu loin, mais il y a tout de même cette idée d’être « accro «, d’un accrochage dans ces champs  électriques. Et dans un dictionnaire que j’aime bien, qui est le dictionnaire qui m’avait été conseillé par Jean Berges, le dictionnaire de Jacqueline Picoche « le Dictionnaire étymologique de la langue française », le mot «écranté» signifiait «pare-feu», puis «lanterne magique», «chambre noire», et puis, «paravent». Voilà quelque chose comme ça qui nous rapproche un peu de ce dont je parlerai.

Alors, je voudrai faire des rappels, tu évoquais la question de la collectivité, je voudrai faire un rappel assez rapide sur le «Malaise dans la civilisation », ça a été traduit comme ça, « Malaise dans la civilisation » ou « Malaise dans la culture », soit l’un, soit l’autre. Moi j’ai cette version-là assez ancienne, « Malaise dans la civilisation ». C’est intéressant parce que civilisation ou culture ? Est-ce que quelqu’un ici peut me dire son avis? C’est « Malaise dans la culture », et il y a un certain nombre de distinctions qui sont assez délicates d’ailleurs, et dans ce livre de Charles Melman « Problèmes posés à la psychanalyse », vous avez tout un chapitre sur «Culture et civilisation, un peu de sémantique», qui est intéressant, enfin quelle est la distinction entre culture et civilisation, alors je ne vais pas vous le faire ici, mais c’est assez délicat parce que, effectivement, il y a des questions de sémantique, des questions d’étymologie, des question de sens et de signification, mais il y a aussi, j’ai découvert ça en relisant son article, il y a aussi une question de… comment dire, d’histoire. C’est à dire par exemple le mot culture a signifié en allemand autre chose que ce qu’il signifiait auparavant, lorsque Kant l’a défini d’une certaine façon. Donc voilà, c’est quelque chose d’assez complexe, mais moi j’aime bien la distinction comme ça des mots parce que la précision du vocabulaire, c’est quand même ce qui nous permet de communiquer de manière un peu plus précise. Bon on va dire donc « Malaise dans la culture » ou « Malaise dans la civilisation », c’est à-dire dans le fait de se civiliser, ce qui pour Melman est un terme un peu péjoratif parce que qui civilise qui? Alors il y a ce terme aussi, de… ce terme de de renoncement, la kulturversagung ; versagung, c’est un terme que l’on connait dans le champ de la psychanalyse, qui est donc ce renoncement, ce refus, ce refus de la civilisation donc, ou de la culture, à laisser l’individu satisfaire ses pulsions. Voilà, kulturversagung, versagung c’est traduit de différentes façons, donc chez Freud dans cette édition-là, c’est « renoncement », je vous le lirai, mais ça a été traduit aussi comme « dénégation », « dénégation » ou « désaveu ». Et puis ça a été traduit, moi j’aime bien cette traduction enfin qui est un peu plus confidentielle, qui est celle d’un italien, donc Armando Verdiglione, qui traduisait ça, c’est Verdiglione, c’est du Verdiglione, la «dédisance». Voilà donc, dénégation, désaveu, ou dédisance, dédisance ç’est-à-dire «se dédire». En tout cas c’est ce qui va instaurer la frustration, donc le renoncement. Alors voilà ce que dit Freud – Je vais être un peu freudien là dans ce début de soirée - :

«En quelle large mesure, l’édifice de la civilisation», c’est le traduction, «repose sur le principe du renoncement aux pulsions instinctives, et à quel point elles postulent précisément la non satisfaction (répression, refoulement ou quelques autres mécanismes) de puissants instincts » on pourrait traduire «de pulsions». «Ce renoncement culturel régit le vaste domaine des rapports sociaux entre humains».

Voilà, donc se civiliser, ou la culture, s’établit sur la base du renoncement. Alors, c’est amusant, Freud, c’est toujours ça, enfin il y a toujours des choses que l’on relit comme ça, enfin qui sont intéressantes, d’autres qui sont passées, d’autres qui sont désuètes, et ce qu’il va opposer à la civilisation donc, c’est la... enfin vous connaissez tous ça, mais je trouve que c’est pas mal de le reprendre, c’est la «barbarie ». Et donc voilà ce qu’il dit, la barbarie opposée à la civilisation :

«Nous nous indignons et parlons de barbarie…» c’est-à-dire l’opposé de la civilisation, « lorsque nous voyons les chemins du Wienerwald … » c’est une forêt aux alentours de Vienne « jonchée de papiers épars…».

Il lui en fallait pas beaucoup, hein, pour parler de barbarie, voilà, 1930! Déjà hein, si aujourd’hui on parlait comme ça ! Et donc  dans ce texte il fait allusion à «Totem et Tabou», donc «Malaise dans la Culture», c’est 1930, «Totem et Tabou», c’est 1912, 1913.

Il fait allusion à cette expérience donc de la «fédération des frères». Moi, le mot… Je ne me souvenais plus que Freud ait parlé de cela comme ça. Enfin, il faudrait vérifier le mot allemand, là toujours comme çà dans la traduction:

« La fédération des frères pour tuer le chef et père, passant de ce stade familial primitif au suivant, par cette fédération plus forte qu’un individu isolé. La civilisation totémique étant basée sur les restrictions qu’ils durent s’imposer pour maintenir le nouvel état des choses, les règles du Tabou constituent le premier code de droit ».

Dans «Totem et Tabou», avec la fédération des frères qui tuent, qui tuent le père le Totem signifie un rappel de cet acte, ce autour de quoi les frères se serrent, et se servent, dans ce festin, dans ce repas totémique. Totem autour duquel va s’ordonner des plaisirs et des interdits. Lacan, qui a parlé de beaucoup de choses, y compris,  à un moment donné je me suis intéressé justement à la question des marques du corps, enfin du tatouage, etc. Et alors des psychanalystes faisaient la moue, enfin en disant : «un psychanalyste qui s’intéresse aux tatouages ce n’est pas sérieux», comme des psychanalystes qui s’intéressent aux toxicomanies, ce n’est pas sérieux! Et… alors à partir du moment où j’ai trouvé que chez Lacan, il parlait du tatouage, alors là tout de suite, ça a intéressé les psychanalystes. Bien sûr ! Et donc Lacan parle du tatouage assez curieusement, comme étant identique au Totem, ce autour de quoi les choses vont s’ordonner. On passe un peu là-dessus… Dans les distinctions comme ça aussi de vocabulaire, parce que finalement, moi je pense qu’aujourd’hui... J’avais lu un très bel article de Gabriel Balbo sur les toxicomanies, enfin sur les toxicomanes plutôt, et je pense qu’aujourd’hui, de faire valoir les distinctions de vocabulaire, de réapprendre la grammaire et la syntaxe, c’est thérapeutique. Balbo suggérait cela pour les toxicomanes, comment savoir parler en quelque sorte. Et donc c’est pour ça que j’ai commencé par «Culture» et «Civilisation». Et Freud dit que la Civilisation ou la Culture donc est un processus à part se déroulant au-dessus de l’humanité. C’est-à-dire qu’il distingue Culture, Civilisation et Humanité. L’humanité a une disposition instinctive primitive et autonome qui est l’agressivité. Elle contient, l’humanité, cette disposition, l’agressivité, la pulsion agressive, donc qui sera identifiée dans ce texte, par Freud, à Thanatos. Et donc et puis je... je ne termine pas tout à fait là-dessus… donc il y a quelques lignes qui sont intéressantes aussi -je parle toujours des écrans- enfin vous avez compris! «Quand une pulsion instinctive succombe au refoulement, ses éléments libidinaux se transforment en symptômes, ses éléments agressifs en sentiments de culpabilité ». Il dira dans un autre endroit aussi, ce ne sont pas les affects qui sont refoulés, alors qu’est-ce qu’ils deviennent? Et bien ils peuvent devenir ici, effectivement sentiments de culpabilité lesquels ces sentiments de culpabilité, dit Lacan, recouvrent l’angoisse. Voilà donc:

«…quand une pulsion succombe au refoulement, ses éléments libidinaux» -avec toute la complexité de ce qu’est la libido- «ses éléments libidinaux se transforment en symptômes, ses éléments agressifs en sentiments de culpabilité».

C’est toujours intéressant de relire Freud, surtout quand on parle des écrans. Alors face à l’angoisse existentielle, par le biais du besoin d’origine infantile aussi fort que celui de protection par le père, Freud rappelle dans son ouvrage « L’avenir d’une illusion », son autre texte, 1927, « L’avenir d’une allusion» d’une illusion…, d’une allusion! «d’une illusion». Et il va parler «d’une plénitude enviable, d’une providence, pleine de sollicitude qui veille sur la vie de l’humanité» donc il va parler de la religion face à l’angoisse existentielle. Je passe, vous connaissez tous ç.

Mais si je reprenais « Malaise dans la culture », c’est que, à mon avis, il y a un tournant dans ce livre, qui est un… au début il y a un tournant, si ce n’est une rupture, dans ce livre, donc de 1930, avec un passage l’un l’autre de deux auteurs, cités par Freud. Passage de Goethe, qu’il admirait, à un dénommé Théodor Fontane. Alors, je dirai pourquoi un tournant : enfin Freud commence par citer Goethe, je cite : « Celui qui procède la science et l’art, possède aussi la religion, celui qui ne les possède pas toutes deux, puisse-t-il avoir la religion ». Alors Freud commente un peu ces quatre lignes en disant voilà donc, il y a effectivement la religion, et puis les deux grandes créations de l’homme, la science et l’art. A remarquer qu’il met la science dans les créations. On passe rapidement là-dessus mais enfin c’est pas neutre non plus. Et alors il dit : «bon voilà, Goethe semble à la fois opposer la science et l’art à la religion, mais aussi il peut y avoir substitution de l’une par l’autre». Et donc, quand je dis que… alors là il y a un passage qui est une rupture parce que Freud passe de la religion à la science et à l’art. Déjà il entremêle un peu les deux, et il va citer donc un écrivain allemand qui s’appelle donc Théodor Fontane, qui est quelqu’un d’assez particulier, c’est un écrivain qui a fait beaucoup de politique, qui a fait des études de pharmacie qu’il a abandonnées, son père étant pharmacien et lui ayant imposé cela. Donc il a été un des principaux fondateurs du réalisme en littérature, et c’est un auteur assez poétique, qui critiquait la bourgeoisie de son époque, qui a été engagé politiquement. Et Freud emprunte à Fontane, je dit ça parce qu’il l’a lu, pour parler « des échafaudages de secours », donc hilfkonstruktionen, je parle mal allemand, excusez moi, donc les « échafaudages de secours », c’est-à-dire les sédatifs à la vie trop dure imposée telle quelle. Alors je dis qu’il y a une rupture ici, dans ce livre de 1930, dans la mesure où Freud passe de la religion, par le biais de Goethe, à ce que Fontane appelle « Les échafaudages de secours », qui là, ne sont plus la religion. Alors, je vous le rappelle comme ça, les trois menaces de la souffrance pour l’homme sont, notre propre corps avec les maladies et la déchéance, le monde extérieur qui nous impose un certain nombre de choses, et nos rapports avec les autres êtres humains. Ce sont trois menaces qui provoquent la souffrance chez l’humain, et donc les sédatifs, « les échafaudages de secours », sont aussi au nombre de trois, les fortes diversions, les satisfactions substitutives, et les stupéfiants. Je parle toujours des écrans. Donc les satisfactions substitutives, c’est l’art et les illusions au regard de la réalité. Les fortes diversions, dit-il, c’est ce qui permet de considérer notre misère comme peu de chose, et les stupéfiants, ce sont les choses qui influent sur notre organisme en modifiant le chimisme, la chimie. Et Freud dit que c’est la plus brutale mais la plus efficace des méthodes pour lutter contre les souffrances de l’existence. Voilà, c’est à dire ce qu’il a appelé « la méthode chimique », l’intoxication, et qu’il a appelée aussi le sorgenbrecher, c’est-à-dire le briseur de soucis.

Alors avec toute une... toute une réflexion, courageuse, je veux dire il fallait quand même le faire, c’est à dire que là, il ne s’agit plus de la religion pour effectivement lutter si on peut dire contre l’angoisse existentielle, mais il s’agit de trois échafaudages de secours dont les drogues, la plus efficace des méthodes pour lutter contre la souffrance, contre les trois causes de souffrance chez l’homme. Et donc il est très...il est très je dirai très clinicien, je dirai très réaliste, je ne veux pas reprendre ça parce que j’ai d’autres choses à dire mais, il est très clinicien, alors on peut bien sûr beaucoup le critiquer. Le professeur Debray-Ritzen à un moment donné a fait de Freud un grand dealer enfin donc qui effectivement promouvait l’usage des drogues, enfin c’est un peu simple. Et quand on lit ça, comme d’autres écrits, enfin je veux dire c’est tout à fait remarquable de réflexions cliniques, notamment disant que à un moment donné, l’extinction de la souffrance bascule du côté de l’excès de jouissance. Ça c’est très clinique parce que, moi, je veux bien qu’on discute de ça, enfin c’est pas l’occasion aujourd’hui, quoi que..., mais ce mouvement de bascule comme ça, d’atténuer la souffrance par ces trois moyens, et de...d’en éprouver une jouissance excessive, du côté de l’abus, je veux dire à quel moment ça bascule ? Notamment chez tout un chacun. De mon point de vue, ça bascule, mais la personne qui bascule s’en rend compte trop tard, et ça a déjà basculé. Mais bon Freud a ce genre de réflexion-là.

Alors ça m’amène à ce qui sera un peu plus consistant, la question du pharmakon, c’est ce que je donne dans mon titre, qui vient déjà un peu comme ça, c’est-à-dire, atténuation de la souffrance, ou excès de jouissance?... avec le même « échafaudage de secours ». Alors je parlerai du pharmakon avec et donc toujours des écrans, avec un appel à Platon, et notamment au «Phédre» de Platon, et un appel aussi donc à Jacques Derrida, Jacques Derrida qui a excellemment décliné ce que c’est qu’un pharmakon, il est pas tout seul, mais enfin son texte « La pharmacie de Platon » est un texte extraordinaire, remarquable, il est déjà dans la déconstruction et d’une manière fort habile. Je lirai un certain nombre de choses, je vais passer mon temps un peu là-dessus. C’est un texte qui date de 1968, qui a été publié dans la revue « Tel Quel » en 68 et qui a été ensuite repris dans «La dissémination » en 72, ouvrage de Derrida paru au Seuil.  J’ai reçu il y a déjà pas mal de temps ce livre, de Marika Berges-Bounes et de Jean-Marie Forget - j’avais déjà commencé à écrire – donc : « Les écrans de nos enfants », avec des textes que je trouve assez remarquables. Je leur ai écrit pour leur dire que c’était des textes remarquables, mais pour « contester » le sous-titre, parce que c'est pas rien, comme quoi un mot peut changer les choses. Le sous-titre c’est « Le meilleur ou le pire ». Alors bien sûr, c’est ce qu’on peut dire des écrans, des drogues, de tous ces «échafaudages de secours». Mais bon je leur ai dit non vous n’auriez pas du mettre « le meilleur le pire » mais « Le meilleur et le pire ». Alors, Marika me dit, comme d’habitude c’est l’éditeur qui a voulu mettre ça. C’est sans doute vrai je veux dire, donc méfions-nous des éditeurs, enfin les éditeurs ils sont pharmakon hein? C’est à dire que c’est bien parce qu’ils éditent, mais enfin ils nous font mettre des conneries aussi. Alors cet appel à Jacques Derrida, il y a un autre... donc il y a effectivement «La Pharmacie de Platon », et puis il y a, j’ai découvert ça enfin lorsqu’on travaillait avec Jean-Jacques Tysler les questions du don, Derrida dans un texte qui s’appelle « Donner le temps », tome 1 « La fausse monnaie », paru en 1991 chez «Galilée», Derrida parle du don. Il parle du don comme... alors je ne sais pas si vous connaissez ce superbe livre de Marcel Mauss « Essai sur le don », mais le don, c’est un trépied, il y a «donner», «recevoir» et, troisième terme qui est un peu équivoque, «rendre». C’est à dire que... alors c’était une discussion qu’on avait avec les « maussiens », les « lacaniens » contre les « maussiens », une discussion  qu’on avait avec les « maussiens » : Qu’est-ce qui est premier ? Est-ce que c’est la dette ou est-ce que c’est le don?  Alors pour les «maussiens», c’est le don. C’est à dire effectivement le don met en dette. Il y a comme çà toute une série d’exemples. Donc «donner», «recevoir», alors il y a des gens qui savent donner, il y a des gens qui ne savent pas donner. Il y a des gens qui savent recevoir, ô combien, et des gens qui ne savent pas recevoir. Et puis il y a des gens qui savent rendre, et puis il y a des gens, ô combien, qui ne savent pas rendre. Mais enfin, il y a ce trépied, bon! Il y a un autre anthropologue, le Professeur Maurice Godelier, qui a ajouté une quatrième chose, intéressante pour les psychanalystes, qui est le «sacré», c’est-à-dire les objets qui ne se donnent pas mais qui se transmettent. Là aussi, question de vocabulaire, transmission et donation, ce n’est pas tout à fait la même chose, les notaires savent très bien çà. Alors la question de Derrida, c’est : est-ce qu’il existe un don altruiste ? Alors ne discutez pas de çà avec des chrétiens, parce que si vous dites que non, y’ a pas...le don altruiste, ça n’existe pas… vous aurez des retours offusqués !

D’abord Mauss, il dit qu’il faut rendre, donc voilà ... que le don met en dette, alors que pour les lacaniens, la dette est première mais, il ne s’agit sûrement pas de la même dette que celle du don, de la dette seconde du don. Et la question de Derrida, c’est ça, je veux dire: est-ce qu’il y a une condition d’être un don, sans donné, é accent aigu et sans donner, e r. Bon, ça c’est du Derrida. Mais sa question est tout à fait importante. Il dit que le don, un don sans ambivalence, un don qui ne serait pas pharmakon ou cadeau empoisonné, mais qui serait un bien, et un bien qui ne serait pas un objet, un bien donné comme une chose, mais qui serait le bien du don. Déjà, avec le langage, il donne un peu une réponse à «est-ce qu’il y a un don altruiste?» Ça serait le don, qui ne donne pas un objet, mais qui donne le bien du don. Je ne sais pas comment cela se pratique, entre nous. Mais en tout cas cette question me semble importante, et en dehors de cette question-là, et ça c’est...je savais pas ça, enfin donc dans ce texte-là, Derrida fait appel à son texte antérieur « La pharmacie de Platon » où il déconstruit le pharmakon, et il en reparle ici comme étant le don, pharmakon comme un don, ou le don comme pharmakon, c’est-à-dire le don, c’est bien, mais il faut rendre, ça met en dette. Je veux dire le don altruiste, pour des analystes, on peut dire que cela n’existe pas. Il y a quand même toujours une satisfaction, ne serait-ce que du côté de celui qui reçoit, mais aussi du côté de celui qui donne. Et donc ces bondieuseries, «moi je donne pour rien», bravo! formidable!… merci! Donc le don, pour Derrida, a une étymologie qui renvoie… qui renvoie…  au poison! Il passe par l’anglais gift, traduction du latin dosis, lui-même transcription du grec dosis, dose, dose de poison. Donc le don comme cadeau empoisonné y compris étymologiquement! Alors il dit bien, enfin c’est un peu... bon je suis allé chercher, hein quand même un peu. Mais en tout cas, il prend ce pari que effectivement le don peut être assimilé au pharmakon. Voilà, l’incertitude du sens de gift dérivé du latin venenum, philtrum, pharmakon . Et aussi donc je termine sur ça, enfin il critique Mauss. Il critique Marcel Mauss, et c’est c’est... je veux dire il faut le faire, parce que le livre de Marcel Mauss, je vous le conseille, l’« Essai sur le don », ne serait-ce que l’introduction de Levi-Strauss enfin qui est absolument fabuleuse... quand on lit l’introduction de Levi-Strauss à l’«Essai sur le don» de Marcel Mauss, on a l’impression de lire Lacan. C’est plutôt l’inverse n’est-ce pas, enfin je veux dire c’est plutôt Lacan qui a « pompé » sur Levi-Strauss. Mais ça vaut vraiment la peine de lire ça. Et de lire Mauss aussi bien sûr ! Derrida parle donc d’une incompatibilité entre le don et l’échange. Alors que les gens du Mauss parlent du don comme étant à la source de l’échange. Lacan aussi, enfin Lacan connaissait très bien Marcel Mauss, il l’avait lu, et il parle du don de cette façon-là aussi, le don comme étant à la base de l’échange. Derrida n’a pas cette... n’a pas cette signification-là, et même, c’est l’inverse: l’échange et le don, c’est différent dans la mesure où le don effectivement met en dette. Et donc l’échange est déjà un échange vicié dès le départ. Un don échangé n’est qu’un prêté pour un rendu, c’est-a-dire une annulation du don. Pour vous faire sentir aussi ce qu’est le pharmakon, pour être un peu trivial c’est bien et c’est mal, et c’est les deux en même temps, le meilleur et le pire. Et Derrida dit que Marcel Mauss n’a pas su ce qu’il disait lorsqu’il parle de la folie, d’une certaine folie, alors que Lacan, lui, l’a encensée, et on comprend pourquoi. C’est l’excès dans le don, dans certains civilisations, c’est le potlach. C’est-à-dire que quelqu’un donne à un chef de tribu qui reçoit, mais, s’il ne rend pas, et ceci d’une manière plus importante, il est offensé. Donc, il faut qu’il rende d’une manière importante, et puis l’autre en face, il fait pareil. Alors Lacan aime bien ça, le potlatch, il dit: moi j’adore le potlatch parce que tous ces gens qui se démunissent complètement, et qui finissent par ne plus rien avoir, pour le prestige, c’est fabuleux… Bon c’est pas l’avis de Derrida. Mais effectivement, c’est un échange qui est assez particulier, et assez curieux, qui, in fine, ne peut aboutir qu’au fait d’être démuni, s’il faut donner toujours plus. Le potlatch ça existe dans différentes tribus indigènes.

Alors j’en arrive maintenant à « Phèdre », au pharmakon. Donc quand on lit ce texte de Platon, Phèdre, donc a, sous le manteau, le pharmakon. De quoi s’agit-il ? C’est une des origines   du mot : pharmakon, pharmacie. Mais là dans le «Phèdre» de Platon, il s’agit de  de la cité. La lettre, donc les biblia, des écrits, l’écriture, la lettre. Et Phèdre réussit l’exploit de faire sortir Socrate, lui qui ne sortait jamais, de le faire sortir de chez lui, de son home, de sa maison. Voilà il fait sortir Socrate hors de la cité, en dehors de son lieu. Et Derrida dans ce texte, ne cesse de dénoncer l’incompatibilité de l’écrit et du vrai. Voilà ce qu’il dit du pharmakon. Donc le pharmakon, c’est l’écriture! Quand j’ai commencé en vous disant qu’il fallait un petit peu quand même élargir et s’élever, et puis pas dire « ... comment vous allez empêcher les dealers d’aller à la sortie des écoles.. ? », il faut  un petit peu élever le débat, et savoir ce qu’il en est justement du pharmakon. Le pharmakon ambivalent, donc pharmakon, Derrida dit «c’est intraduisible». La seule traduction qu’on peut donner, c’est «remède» et «poison». Le bien et le mal. Ce qui fait que… c’est pas rare. Le pharmakon ambivalent :

« C’est pour constituer le milieu dans lequel s’opposent les opposés, le mouvement et le jeu qui les rapportent l’un à l’autre, les renversent, et les fait passer de l’un dans l’autre. Le pharmakon est le mouvement, le lieu et le jeu, la production de la différence. Le pharmakon, sans rien être par lui-même » c’est-à-dire que c’est quelque chose d’un peu évanescent «se tient toujours en réserve, bien qu’il n’ait pas de profondeur fondamentale ni d’ultime localité ».

J’avais eu une discussion avec Bernard This sur ça, sur... puisque Bernard This était quelqu’un qui connaissait bien l’étymologie, il m’avait envoyé un mot très important, et pharmakon c’est le… c’est le... c’est ce qui va naître dans le creuset, dans le creuset du magicien, dans le creuset du sorcier, dans le creuset c’est le feu, hein c’est le feu de ce qui va sortir des transformations des métaux, c’est-à-dire quelque chose qui est relativement neutre et qui peut être bien comme il peut être mal. Alors sur cette question du pharmakon, qui dans le «Phèdre» de Platon, encore une fois, est l’écriture, mais l’écriture très liée aussi à la question de la pharmacie. Voilà, Phèdre a les « Biblia », les feuillets sous le manteau, la drogue, pharmakon, dira Socrate, qui fait sortir ce dernier hors des murs d’Athènes, ce qui est exceptionnel. Les écrits sont aussi pharmakon pour Phèdre puisque celui-ci s’appuiera sur le texte de Lysias, «le plus habile des écrivains». Donc appui sur la lettre afin de ne rien oublier. Voilà, il n’a pas appris par cœur. Et donc dans le texte on distingue le logographe, qui écrit un texte qu’il ne lira pas, et le plaideur qui lira un texte qu’il n’a pas écrit. Ce rapport entre l’oral et l’écriture est, pour Derrida, comme dans le texte de Platon, la non vérité de l’écriture, vous allez voir pourquoi tout à l’heure, c’est un peu plus explicite. Mais l’écriture intervient, alors c’est quand même quelque chose aussi qui a beaucoup intéressé Lacan, cette question de l’écriture et de la parole, qu’est-ce qui est premier, ou qu’est-ce qui seconde l’autre ? Chez Platon c’est effectivement l’écriture qui est un supplément au Logos, l’écriture qui est dangereuse, parce qu’elle fait sortir des voies et des lois habituelles, Socrate sort hors de chez lui. Et donc Socrate lui, dit à Phèdre: « Toi tu m’as l’air d’avoir découvert la drogue », (pharmakon, c’est-à-dire l’écriture) «pour me faire sortir» (exodou, pour me faire sortir). «N’est-ce pas en agitant devant elles, quand elles ont faim, un rameau ou un fruit, qu’on mène les bêtes». Toute cette question de l’attrait, de l’attirance, de la tentation. Alors peut-être le plus explicite, c’est ce mythe qui est dans le texte de Platon, le mythe de Theuth et de Tamous. Theuth qui est un savant, qui a inventé le nombre, le calcul, la géométrie, l’astronomie, le trictrac, les dés, et qui a inventé donc les caractères de l’écriture. Et Tamous est un roi qui règne sur l’Egypte, et qui doit juger de la valeur, de la valeur utilitaire de chaque art qui est présenté par le savant Theuth. Donc Derrida dit déjà, effectivement c’est le roi qui juge de ce qui est bien pour son peuple ou pas. Et donc Tamous, je vais aller vite là-dessus, Tamous présente l’écriture en disant: « Oh roi, voilà, j’ai inventé les caractères de l’écriture et c’est une bonne chose pour la mémoire de ton peuple ». L’appui sur la lettre, hein!  Et le roi accueille cela, et Derrida précise que, enfin d’après Platon, d’après Phèdre, que sa parole seule fait autorité. C’est-à-dire… moi qui aie travaillé aussi un autre mot, enfin qui est celui d’addiction, dans le droit romain, je suis surpris de voir comment la parole à cette époque pouvait compter. C’est-à-dire que addiction, c’est « ad-dictus », « dit à », c’est le préteur, un homme de loi qui dit à untel: « tu n’as pas payé ta dette, donc je te remets comme esclave à celui à qui tu devais une dette » Point! Le préteur a dit! Terminé!. Et là c’est pareil, le roi, sa parole seule fait autorité, il parle, il dit, il dicte, et sa parole suffit! Donc Derrida dit qu’il apparait comme un père, alors que le pharmakon sera un produit, un ergon. Et c’est ça que je voudrais dire justement par rapport aux écrans ou à d’autres choses, mais que je voudrais vous faire entendre. C’est-à-dire que c’est un produit, c’est un ergon, c’est un outil. Ça a une utilité, quelle est sa valeur? Et qui dit la valeur qu’il a ? Donc le roi Tamous est à la fois le père du pharmakon à qui il donne la valeur d’usage, et il est père de sa propre parole, auteur de son propre discours. Et le pharmakon écriture est un rejeton, un ergon, un remplaçant, un artifice, un supplément, et qui vient de l’extérieur. Pensez écrans! Alors, le roi Tamus répond: « non, l’écriture est un leurre ». Et donc avec cette phrase qui est connue : « Ce n’est pas pour la mémoire, la mneme, c’est pour la remémoration, hypomnésis, que tu as découvert un pharmakon . C’est-à-dire que bon c’est présenté comme : moi je lis un écrit ou des écrits, c’est à dire que je m’appuie. Bon, j‘aurai pu effectivement, j’aurai pu peut-être, enfin j’aurai pu parler comme ça. Ça aurait pour moi, pour vous aussi, eu beaucoup plus de valeur dans l’immédiat. Enfin je trouve que c’est déjà pas mal de lire ces textes-là. Mais en tout cas, cette question est posée ainsi: voilà l’écriture pour la mémoire de ton peuple, tu n’oublieras pas, ton peuple n’oubliera pas. Et Tamous lui dit: non, c’est pour la remémoration, mais c’est pas pour la mémoire, au contraire, ça dessert la mémoire. Et donc on est à l’époque où il y a des… des des… c’est comment il s’appelle, Jean-Pierre Vernant, qui étudiait beaucoup la Grèce antique, et donc qui mettait en avant les exercices de mémoire, ou les exercices de textes dits sans écriture, enfin : les joutes oratoires. Et donc vous voyez pourquoi l’écriture est pharmakon, parce que elle sert la remémoration mais elle dessert la mémoire. Là encore, précision du vocabulaire, «mémoire», «remémoration». Il y a a un texte de Freud comme ça où il utilise «perlaboration» aussi, etc. Donc précision du vocabulaire. Et donc voilà ce que répond le roi, qui donne la valeur, qui donne la valeur à cet ergon, à ce produit, à ce produit manufacturé si on peut dire... il dira cet «artifice», qui a une certaine valeur mais il y en a une autre qu’il n’a pas... , hein pharmakon, pour le bien et pas pour le bien… double objet. Un psychanalyste qui a beaucoup étudié ça, c’est François Perrier, qui savait de quoi il parlait avec  l’alcool, et qui parlait comme ça de la drogue comme étant double objet. Je parle de la drogue parce que j’ai commencé à dire que dans la clinique, ce dont les parents se plaignent, parfois les adolescents, c’est d’être «addict» aux écrans, de ne pas pouvoir s’en passer, j’essayerai là de dire quelque chose après. Mais bon voilà pour terminer, je donnerai ce texte de Derrida:

«Ce n’est donc pas…» voilà ce que dit le roi «...ce n’est donc pas pour la mémoire, c’est pour la remémoration que tu as découvert un remède» (pharmakon, l’écriture) «quant à l’instruction c’en est la semblance» (le semblant) « que tu prouves à tes élèves et non point la réalité, lorsqu’en effet avec ton aide ils regorgeront de connaissances, sans avoir reçu d’enseignement ».

Là aussi enfin: «Ils regorgeront de connaissances, sans avoir reçu d’enseignement». Michel Serres a beau vouloir être joyeux en écrivant « La petite poucette », je ne suis pas sûr qu’il soit aussi joyeux que ça. C’est-à-dire, qu’est-ce que ça va donner tous ces copier-coller, et toutes ces choses-là, enfin hein…

« Ils regorgeront de connaissances sans avoir reçu d’enseignement, ils sembleront être bons à juger de mille choses, au lieu que la plupart du temps ils seront dénués de tout jugement, et ils seront en outre insupportables, parce qu’ils seront des semblants d’hommes instruits au lieu d’être des hommes instruits ».

Voilà, enfin voilà je trouve les choses qui sont intéressantes et qui peuvent un peu nous aider. Alors Derrida va plus loin enfin avec, je passe la-dessus, mais il va plus loin avec la question de la démocratie, et des choses qui sont pas mal quand même aussi : « Dans la société démocratique », on parlait tout à l’heure de démocratie, enfin vous savez que c’était pour Socrate, qui parlait du cycle des quatre euh..., des quatre formes de pouvoir, de gouvernements,  tyrannie, oligarchie, démocratie… et puis le quatrième, je ne sais plus ce que c’est... (la timocratie ; il y a aussi l’aristocratie), mais voilà ce que dit Socrate, c’était pas la démocratie pour lui la meilleure forme de société, hein et Derrida dit la chose suivante qu’il reprend dans « La République » de Platon :

« Dans la société démocratique, nul soucis des compétences. Les responsabilités sont confiées à n’importe qui, les magistratures sont tirées au sort, l’égal est également dispensé à l’égal et à l’inégal, démesure, anarchie. L’homme démocratique, sans aucun souci de hiérarchie établit entre les plaisirs une sorte d’égalité, et il livre le gouvernement de son âme au premier venu, comme si le sort en décidait, jusqu’à ce qu’il en soit rassasié, puis il s’abandonne à un autre, et sans en rebuter aucun, il les traite sur le pied de l’égalité». L’égalité! «quant à la raison» Logos! «et à la vérité» continue Derrida «il les repousse et ne les laisse point entrer dans la garnison. Qu’on lui dise que de tels plaisirs viennent des désirs nobles et bons, et les autres de désirs pervers, qu’il faut cultiver et honorer les premiers, réprimer et dompter les seconds, à tout cela il répond par un signe de dédain, il soutient qu’ils sont tous de même nature ». C’est quand même actuel, non ? « Et qu’il faut les honorer également. Ce démocrate, errant comme un désir, ou comme un signifiant affranchi du logos, cet individu qui n’est même pas régulièrement pervers » Même pas régulièrement pervers! vous vous rendez-compte ? « qui est prêt à tout, qui se prête à tous, qui s’adonne également à tous les plaisirs, à toutes les activités, éventuellement même à la politique et à la philosophie. Cet aventurier, comme celui du «Phèdre», simule tout au hasard.»

Il est dur hein, avec la question de la démocratie! L’autre mot, c’est la timocratie ou la timarchie, c’est-à-dire ceux qui recherchent ce qui a le plus de prix, le plus de valeur, c’est eux qui gouvernent. Contrairement à l’oligarchie où c’est la classe dominante, et à la tyrannie, inutile de vous faire un dessin. Alors bon, voilà ce que je voulais évoquer par rapport à cette ergon, à ce produit qui vient du dehors.

Alors bien sûr, il y a une critique chez Derrida de l’écriture. Mais de quelle écriture s’agit-il ? Enfin on voit bien que c’est dans un contexte assez particulier parce que on ne peut pas dire bien évidemment que l’écriture scientifique nuise, si ce n’est à la subjectivité, là-aussi on retrouve un côté pharmakon, hein! Mais effectivement jamais ni Platon ni Derrida, à des siècles de distance, ne vont avoir un jugement aussi réducteur. Je veux dire qu’ils restent sur la question du pharmakon: c’est bien, et c’est mal! Et les écrans pour les enfants et pour les adultes, c’est pareil, c’est bien, et c’est mal. Donc le tour est vite fait, à mon avis.

Alors les écrans, dans la pratique? C’est par le biais de... bon moi je recevais des parents qui se plaignaient, ça pouvait se comprendre, enfin d’enfants qui n’allaient plus à l’école, qui restaient vers les écrans, donc une transgression. Là pour le coup c’est l’inverse, ce n’est pas Socrate qui sort de la ville, c’est les enfants qui vont plus à l’école. Et donc, ce sont des amis pédopsychiatres, deux amis pédopsychiatres, qui  m’avaient adressé deux femmes dont ils suivaient, eux, l’enfant. Et ces femmes que je voyais en consultation se plaignaient, c’était d’ailleurs devenu le principal et le propos exclusif, se plaignaient de ce que leur fils - c’était deux garçons- de ce que leur fils effectivement n’aille plus à l’école et reste sur les écrans, ce qu’on peut comprendre. Ce qui était un petit peu délicat, c’est qu’elles n’enclenchaient jamais des propos sur elles-mêmes. C’était… voilà, c’était leur fils, leur fils, leur fils et les écrans. Jusqu’à ce que je les ai trouvées effectivement un peu réductrices dans leurs propos. J’en parlais aux collègues, tous les deux m’ont dit : « Heureusement que les enfants ont des écrans, ça leur permet véritablement d’avoir autre chose que leur mère! ». Bon il se trouve que c’était la mère, ça peut être quelqu’un d’autre mais… En tout cas, ça m’avait un peu surpris, et changé mon regard, c’est le cas de le dire, changé mon regard. Heureusement que le fils a son ordinateur et qu’il reste collé à son ordinateur, ça le décolle d’une parole maternelle, qui était, effectivement, qui était extrêmement rigide, si on peut dire.

Autre propos, parmi les premières personnes que j’ai vues comme ça, il y avait un ingénieur qui allait sur des sites pornographiques à son travail et qui ne pouvait pas s’en empêcher, qui n’était pas lui-même d’ailleurs particulièrement pervers, et qui à son travail,  a coupé à trois reprises le cordon de l’ordinateur, pour…parce qu’il ne pouvait pas s’empêcher. Ce qui a donné lieu, alors non pas à une rupture conventionnelle mais comment dire.... à un grand dégagement (rires). Un homme malheureux. Pas de renoncement possible donc l’intervention d’un réel.

Et puis aussi de la même façon, un garçon, également non pervers, qui, lui, a vécu ça très douloureusement. Il allait sur des sites pornographiques d’enfants, et il ne comprenait pas pourquoi. Et je pense qu’il était authentiquement sincère. Il ne comprenait pas pourquoi. Je dis qu’il a vécu ça douloureusement parce qu’il s’est rendu compte qu’il pouvait y avoir « au fond de l’humanité quelque chose de sale ». Il se disait donc «fasciné», fascinum , il se disait fasciné, le «fascinum» c’est le sort jeté à quelqu’un, fasciné par les écrans. Il a été un des premiers qui m’a parlé bien évidemment de ce qui est important ici, c’est-à-dire du regard qui le conduisait comme ça, à travers cette projection, à travers les écrans. Ça a été aussi, ça a été douloureux pour lui parce que bien évidemment comme chaque fois qu’on va sur un écran, il y a le grand Autre derrière, et qui peut des fois être... ou même assez souvent incarné par des « spécialistes » qui surveillent les écrans, et il s’est fait attrapé, il s’est «fait prendre», c’est le cas de le dire, enfin il s’est fait prendre par la brigade d’intervention, de surveillance des sites pornographiques. Et il s’est fait prendre comme quelqu’un de pervers, comme quelqu’un de manipulateur, et alors que je le suivais depuis pas mal de temps, enfin il n’était pas quelqu’un comme ça. Il s’est laissé prendre, alors il s’est laissé prendre par l’ordinateur, par l’écran, par le regard, et il s’est laissé prendre avec une certaine satisfaction par la police. Je veux dire là, la police n’a pas coupé le cordon, mais enfin là il a été coupé autrement quoi, enfin je veux dire derrière les grillages. Ce qui a été un peu injuste pour lui c’est que il a été assimilé à un groupe de personnes qui allaient sur des sites  comme ça pornographiques pédophiliques, et il était isolé, il ne faisait pas parti du tout de la bande, si vous me permettez, mais donc cela a été un peu dommageable pour lui.

Et puis ce qui m’a aussi... alors ça c’est plus récent, ce qui m’a un peu branché, pas «écranté» mais branché, c’était aux infos, la présentation de.... comment dire... de résolutions de problèmes pour des jeunes élèves, par des étudiants, qui étaient donc payés mais d’une manière assez minable, mais bon ils étaient payés, pour résoudre les problèmes, à la fois par téléphone et par écran, d’élèves qui faisaient appel à eux, gratuitement. Et donc j’écoutais les propos de ces élèves, qui étaient absolument enthousiastes, et qui disaient «c’est extraordinaire, il suffit de les appeler, de regarder sur l’ordinateur, ils nous résolvent les problèmes et donc on a presque plus rien à faire!». Et donc le journaliste demandait «Ah oui mais bon, qu’est-ce que vous trouvez de bien ?» Alors c’était intéressant, alors qu’est-ce qui était bien ? C’était gratuit, comme pourrait le devenir la médecine! Rien à payer, on vient, on vient pas, bon, on s’en fout… C’était gratuit, c’était immédiat. Il suffisait de téléphoner, de regarder l’écran, et puis c’était résolu. Mais il y a une autre chose qui moi m’a… c’est pour cela que j’en parle, parce que ça à la limite on le sait, mais il y a une autre chose qui... c’est que beaucoup de ces jeunes ont dit la chose suivante : «et puis, le professeur ne nous voit pas». Eh alors? Il ne nous voit pas, il ne nous connait pas, il ne pourra pas nous reconnaitre, il y en a plusieurs qui ont dit ça. Et j’ai trouvé ça un peu ahurissant, un peu triste aussi, pour la question de la responsabilité. C’est-à-dire que ça reste anonyme: c’est gratuit, c’est immédiat, c’est anonyme. Voilà, on y est! Donc l’écran et la question du regard, ça défile sur l’écran. Mais, aussi, ça «écrante», c’est-à-dire que ça s’interpose, justement. C’est ce que disaient ces jeunes-là. Non seulement ça projette, ça défile, mais ça fait écran, ça s’interpose. C’est-à-dire que voilà, «coucou-caché», il y a un côté pervers hein?

Et j’étais en train de penser à ça quand... c’était hier, enfin une femme qui n’est pas en analyse, qui vient régulièrement mais qui n’est pas en analyse, et qui, je ne sais pas quelle est sa structure, mais qui me décrit un rêve. Alors elle parle de sa famille, je peux en parler ici, elle parle de sa famille: une mère très violente, non aimante, et elle rêve, elle se rappelle juste la fin du rêve, elle voit sa mère dans un train derrière une vitre… écran… et elle se voit aussi sur la vitre… Elle est avec sa soeur qui est aussi une mal-aimée de la famille, et… elle est frappée par le regard de sa mère, qui est un regard -alors là commence à mon avis une interprétation de sa part- qui est un regard de dédain, de mépris, accusateur, et puis le train part. On peut dire que elle et sa soeur restent sur le quai, elle n’est pas dans le train avec sa mère, sa mère est intouchable, elle est «écrantée» et il n’y a pas de parole. Et je veux dire, même si il y avait des paroles, il y a une vitre entre elles, il n’y a « que » le regard. Et c’est ce regard qui la... qui la touche et qu’elle retient…. qu’elle retient. Donc l’écran, c’est aussi ce qui s’interpose. Et donc comme pour la drogue, enfin comme pour le pharmakon, les trois questions qui sont amenées, c’est la question de responsabilité, la question du choix, et la question de l’autorité au sens d’être auteur. C’est-à-dire effectivement la question de la responsabilité, qui est responsable, est-ce qu'on est responsable de quoi ? Est-ce que c’est le regard? Est-ce que c’est l’ordinateur ? Je suis en train de penser à un collègue qui est un expert auprès de la cour d’appel de Colmar, il m’avait envoyé une information, un joueur... un joueur invétéré - il fait des expertises de joueurs- un joueur invétéré avait, avec son avocat, accusé un laboratoire pharmaceutique, il était sous antiparkinsonien, et il avait accusé l’antiparkinsonien et donc le laboratoire, et pourquoi pas le médecin, d’avoir... de l’avoir fait jouer... et d’être... le(s) responsable(s)… Qui est responsable? Est-ce qu’il faut s’interposer? «Interposition», est-ce qu’il faut intervenir ? Et la question de «l’inter» justement est importante. Et «l’intervention»,  «intervenir» vient s’opposer à immédiateté, et immédiateté, c’est non médiatisé. Donc il y a quelque chose qui, à mon avis, enfin par rapport à la question des écrans, doit être médiatisé. Mais il n’y a pas que les écrans. On vit aujourd’hui dans une société où tout doit être immédiat, ce qui est grave. Enfin je veux dire, «immédiat» c’est qu’effectivement il n’y a pas de... Alors on voit apparaitre comme ça, de temps en temps…  moi j’ai eu effectivement cet après-midi un monsieur qui était plus ou moins dans la justice, qui allait être à la retraite et qui me dit «oh ben j’aimerai bien être médiateur». Donc on voit apparaitre comme ça, enfin de plus en plus des médiateurs, dans les divorces, dans les.... Donc voilà, il faut des fonctions professionnelles, apprises, pour être dans la médiation. Je pense aussi à... je cite souvent cet exemple, à cette femme qui venait parler parce qu’elle était boulimique et qui me disait, je cite souvent ça : «bon la parole je m’en fous, enfin écoutez je ne viendrai plus, ça sert à rien, ce qu’il me faudrait c’est quelqu’un entre le frigo et moi»(rires).  Ça interroge quand même.... enfin je veux dire ... j’ai refusé… (rires). Mais ça veut dire quoi? Ça veut dire qu’il faut le réel du bâton, plutôt que… plutôt que la parole enfin…? Alors, «intervenir», «interdire» oui, mais aussi «s’intéresser», et c’est ce que dit Martine Lerude et je trouve, c’est très bien dans son texte, il ne s’agit pas simplement d’interdire, intervenir, intermédier, mais je crois qu’il faut aussi savoir qu’est ce qui intéresse les jeunes, ou les moins jeunes, qu’est-ce qui les intéresse dans  ces jeux-là? Et je crois qu’il faut faire part, comme il faut faire l’hypothèse avec des enfants qu’ils entendent quelque chose, je pense qu’il faut faire l’hypothèse aussi pour nous, que nous pouvons nous intéresser à ce qui les intéresse, de manière effectivement à peut-être accrocher autrement enfin ces enfants qui sont un peu perdus dans les écrans.

Il y a un texte, bon je termine là, comme ça. Il y a un texte de Freud qui me semble intéressant, qui est assez peu connu, c’est… Bon Freud a été le premier à évoquer le jeu comme étant une addiction, le jeu j. e .u., dans une lettre à Fliess, mais il y a un autre texte qui est un peu plus tardif, qui date de 1908, et qui s’intitule « Le créateur littéraire et la fantaisie ». C’est un texte dans lequel Freud parle du passage du jeu j.e.u. de l’enfant avec des objets, avec des ergon, hein, avec des objets, à on pourrait dire une espèce d’intériorisation, c’est-à-dire à ce que Freud appelle là les fantaisies. Ce n’est pas des fantasmes, des fantaisies, il parle de rêves diurnes, c’est-à-dire dans ce texte comment l’enfant passe… Il dit, l’enfant est un créateur littéraire né, c’est-à-dire qu’il joue avec des jouets, et puis au moment de l’adolescence, ou un peu avant, il va abandonner en partie ses objets pour élaborer des rêves diurnes. C’est-à-dire, passage de la réalité des objets, des ergon, à une élaboration intellectuelle, mais pas seulement, affective aussi. Et c’est un texte qui est joli, parce qu’il parle de la naissance de la poésie et, en lisant ce texte on pouvait penser qu’aujourd’hui c’était l’inverse, c’est-à-dire que on passait d’une élaboration psychique à la réalité de l’ergon et à la nécessité de l’objet, voire de la lettre ou de l’écriture, mais malheureusement sur ce dernier point, ce n’est pas de cela dont il s’agit, c’est les écrans, c’est les drogues, c’est toutes ces choses-là dont Freud parle dans « Malaise dans la culture ». Et je pense qu’on peut peut-être aujourd’hui penser qu’on va à rebours de ça. Ce n’est pas forcément  une vision pessimiste, mais effectivement toute cette production d’ergon, d’objets, sur lesquels on prend appui, ce n’est pas forcément quelque chose d’intéressant pour l’avenir. J’avais discuté avec une femme qui se disait linguiste et qui voulait un peu comme Michel Serres être optimiste, elle disait : « Moi, j’ai bien commencé par lire des livres, et bien maintenant je vais sur les écrans et puis je m’intéresse aux écrans. Et bien eux, ils feront pareil, ils passeront des écrans à la lettre, à la littérature ». Non, c’est pas pareil, je veux dire commencer par les livres et par la lecture pour aller sur les écrans, c’est quelque chose qui n’a rien à voir avec le fait d’être collé sur des écrans, et qui n’aboutit absolument pas, qu’on le sache, systématiquement, à lire des bouquins. L’image et la lettre là sont effectivement un peu en opposition. C’est une vision peut-être un peu pessimiste mais voilà! Donc les écrans,  pour le meilleur et le pire, voilà ce que je voulais vous dire. 

 J.-L.de S.-J.- Merci beaucoup. Alors, on a encore un tout petit peu de temps, est-ce qu’il y a des questions? Des remarques? Des objections?

J.-L. C.- Quels sont vos avis là-dessus, si vous avez une pratique?

1er intervenant- Comme vous le disiez, vous vous êtes intéressé aux tatouages, aux questions de l’écran qui sont euh... c’est une démarche très lacanienne et melmanienne puisqu’ils disent : «Mais intéressez-vous à la clinique nouvelle». Et effectivement le tatouage tel qu’il est pratiqué aujourd’hui ou tel qu’il était pratiqué de façon ancestrale, ça n’a rien à voir, et la clinique des écrans aujourd’hui est vraiment extrêmement riche et passionnante, au point même qu’en cinq ou dix ans elle a déjà évolué, puisque il y a cinq dix ans c’était des jeux, et aujourd’hui ils sont très très peu devant les jeux finalement, les adolescents ou les jeunes adultes. Ils sont devant des vidéos qu’on trouve sur You tube, ou sur les réseaux sociaux, ou les réseaux sociaux qui diffusent les vidéos de youtube, etc. Et sur ces vidéos de You tube, il y a quelque chose de vraiment intéressant sur la façon dont c’est filmé, c’est-à-dire souvent c’est filmé en gros plan avec un objectif déformant, voyez, c’est comme filmé au grand angle. Donc déjà il y a une image déformée qui est assez étonnante de soi-même, un peu comme du selfi. C’est déjà ça qui est étonnant, et la façon dont sont traitées les choses, souvent avec une sorte d’humour, où on se parle à soi-même, où celui qui fait son truc à un petit deal(?) 01 13’ 55’’ comme ça. Voyez, ça c’est vraiment, c’est, c’est pas anodin quoi, comme une sorte de dédoublement du personnage comme ça, avec un petit surmoi qui apparaitrait de côté, ou un petit diable pulsionnel qui apparaitrait de côté, pour dire faire ci ou faire çà...Donc il y a déjà tout ce montage vidéographique qui est intéressant. Sur le contenu il y a aussi quelque chose de très intéressant, parce que soit c’est des vidéos humoristiques, soit c’est des vidéos, un petit peu des tutoriels qui apprennent à faire des choses, où finalement sur les tutoriels, sur à peu près une minute où vous apprenez quelque chose, il y a dix minutes où ils discutent comme ça enfin, vraiment quelque chose qui passe. Au niveau du temps, le rapport au temps est complètement perturbé avec ces machins.

J.-L. C.- Ah oui, vous avez raison d’évoquer ça , absolument! Oui tout à fait!

1er intervenant- Et là où c’est étonnant, c’est que...

J.-L. C.- le rapport au corps qui se déplace pas, et le rapport au temps. Oui oui, tout à fait.

1er intervenant- Et ce que je me disais c’est que, par rapport au temps, il y a quelque chose qui vient plus faire coupure. C’est-à-dire que, par exemple, si vous êtes à votre boulot là euh..on a des patients, on en a plein la tête, vous prenez votre bouquin, vous en lisez trois pages, ça fait coupure. Vous prenez votre machin pour regarder une video ou trois mails, ça fait pas coupure. C’est à dire que les écrans, ils viennent là, soit-disant à faire coupure, mais ils font pas coupure. Vous voyez ce que je veux dire? C’est  à dire que  c’est une sorte de pharmakon qui serait là pour nous dire ben...on va te reposer, on va te distraire, mais par exemple voyez la distraction qui se fait par un sport ou par une lecture, c’est aussi un pharmakon le sport, la lecture, mais c’est un pharmakon qui vient vous prendre dans le corps d’une façon différente. Parce qu’au bout d’une heure de lecture, vous êtes fatigué, au bout d’une heure de youtube, vous êtes pas fatigué, et vous pouvez passer trois heures à rebondir d’une video à l’autre. Et c’est là aussi où c’est interessant, c’est que les videos comme ça entrainent toujours sur une autre video, et encore sur une autre video  et encore sur une autre video. Et sur les video, vous avez à chaque fois ce qu’ils appellent un petit... une petite phrase d’accroche comme ça, et ils ont un terme, je me rappelle plus, enfin ils parlent de prostitution, de truc de pute comme ça, ou une phrase de pute où ça accroche comme ça, on y va, et finalement, il y a rien. C’est...

2ième intervenant- inaudible 01 16’ 18’’

1er intervenant- Voilà! Donc...

J.-L. C.-Il y a des spécialistes.. !

1er intervenant- Et alors du coup voyez, alors là c’est pareil, il y a tout un tas aussi de nouveaux signifiants qui rentrent, y a les ....(?) 01 16’ 30’’,etc. Donc il y a toute cette clinique des nouveaux signifiants. Mais surtout moi ce qui m’a surtout beaucoup intéressé, c’est que voilà, la question du rapport au temps et du rapport au corps où il y a quelque chose qui vient pas faire coupure, quoi voilà! Et ça c’est vraiment un produit qui est tout à fait nouveau, et qui justement pourrait être assez proche des produits chimiques dans le sens où on va dire que les écrans comme ça ne respectent pas la physiologie. Ils viennent nier le réel de la physiologie. Alors que, un bouquin, ça vient respecter la physiologie. Quand vous êtes fatigué, vous le posez. Avec l’écran, vous arrivez pas à vous rendre compte que vous êtes fatigué.

J.-L. C.- Oui, dans cet... oui oui je vous remercie, c’est très juste.  Dans cette conférence à la Salpétrière, Lacan évoquait déjà «ces regards et ces voix qui balisent nos espaces de curieuses façons». Il disait : «ce sont de curieux prolongements du corps, qu’il faut mettre à l’opposé de la jouissance». Parce que c’est la question de la jouissance que vous évoquez là, hein? Question de la jouissance qui vient euh...qui vient... comment dire ? Qui vient recouvrir la question du désir, qui, lui, est du côté de la coupure. Mais vous me faites penser en évoquant ça à… à un patient, qui est un professeur de lycée agricole, très traditionnel, qui a voulu être professeur de l’agriculture pour ne pas être avec les autres enseignants, enfin, quelqu’un d’un peu marginal, et qui se désolait, je l’ai vu il y a quelques jours, qui se désolait parce qu’il disait : «mais maintenant, toutes les machines agricoles, elles sont bourrées d’écrans!». Et les gamins, ils font ça toute la journée, ils rentrent chez eux, ils font des écrans. Alors il se désolait de ça, mais c’est foutu enfin, oui bien sûr, ça ne peut aller qu’en s’amplifiant, enfin! Mais par exemple, ce que vous évoquez, c’est vrai qu’il faut s’y intéresser, et puis peut-être aussi à ces nouveaux signifiants, mais que dire, comment entendez-vous cette question de la déformation ?

1er intervenant- Déformation... ?

J.-L. C.- … Vous parliez de déformation des images…

1er intervenant- Oui.

J.-L. C.- Voilà, voilà un point d’appui pour une discussion. C’est-à-dire un gamin qui vient parler de ça… Alors si vous, vous pensez  « que s’il ne fait que des écrans, il nous « emmerde », il faut qu’il arrête » enfin c’est foutu, je veux dire... Si vous vous intéressez  un peu, comme vous venez de le dire, à ce qui se passe, pourquoi, pourquoi cet intérêt, pourquoi des déformations ? Quel est l’intérêt ? Déformation? Est-ce qu’il y a un intérêt particulier ? Est-ce qu’il y a une lassitude des formations, en deux mots, pour qu’il y est «déformation» en un mot ? Je crois que ce sont des points d’appui. Parce que c’est ça notre travail, je veux dire, c’est c’est ... Sans pour autant aller du côté d’un ordre phallique, mais c’est quand même notre travail de restituer les choses dans le langage! Dans le langage et la parole. Et je veux dire,  si on ne s’y intéresse pas, si on ne fait que «inter-dire», on dit rien. Et je pense qu’il faut, effectivement vous avez raison, je pense qu’il faut s’y intéresser, oui. Mais alors il y a quelque chose... je lisais il n’y a pas longtemps une enquête aux USA là très récente, sur l’i.gen, sur l’i.génération, ou la i.generation, la génération iPhone. Donc il y a eu un groupe de chercheurs qui donnaient récemment les idées suivantes. Très brièvement, ils disaient que ça renforçait, ces excès, ces abus d’usage, je ne sais pas on parle des usagers, va-t- on va parler des ab-usagers... mais en tout cas ces abus comme ça d’usage, donc renforçaient le désir de contrôle des parents. J’évoquais cette question de la rigidité des mères, bon ce n’était pas de leur faute, mais on conçoit que si déjà, elles ont une structure un petit peu comme ça éducative rigide, on conçoit qu’elles puissent elles aussi être du côté de l’excès, indépendamment de leur structure de personnalité? Donc je disais ça renforçait le désir de contrôle des parents, «ce à quoi les enfants se prêtaient aussi bien, comme victimes consentantes». Je trouvais que c’était  bien observé. Et elles disaient ces enquêtes: «sexe, alcool, permis, petits boulots, voire la fête, tout est à la baisse». C’était des sociologues: «dans cette société il y a une baisse drastique des interactions sociales  en personne». Parce qu’on dit «ça favorise», et c’est vrai, moi ce que je disais, les enfants, c’est bien ils vont sur les écrans, et puis peut-être que par écran ils discutent avec les petits copains, et pourquoi pas ? Mais je trouvais la formule pas mal, donc: «il y a a une baisse drastique des interactions sociales en personne». C’est-à-dire que les gens ne se rencontrent plus en corps, mais ils se rencontrent en écran. Ce que disaient ces enquêtes aussi, c’était qu’il y avait des gros problèmes de construction de leur identité, ne serait-ce que par rapport à la question du miroir, et une explosion des symptômes dépressifs. Donc c’était aux Etats-Unis entre 2012 et 2015, 50 % pour les filles, 21 % pour les garçons, dans un des derniers numéros du «Monde». Et les auteurs disaient: peut-être que c’est les adolescents ou les enfants eux-mêmes qui mettront un terme aux abus… sans pour autant ne pas les utiliser, enfin les utiliser... avec raison ?

J.-L. de S.-J.- Ce que je trouve très précieux dans la façon dont tu as amené les choses, c’est qui tu... c’est une... c’est une magnifique façon de nous montrer comment on peut aborder ces questions sur un mode qui ne serait pas trivial.

J.-L. C.- Ah oui!

J.-L. de S.-J.- Parce que généralement c’est abordé sous un mode trivial. Avec cette référence que tu donnais aux étay… j’allais dire aux étayages…

J.-L. C.- Oui!

J.-L. de S.-J.- Aux étayages de secours et où on a vraiment, dans tout ce que tu décris, l’impression que les jeunes cherchent des étayages.

J.-L. C.- Oui, tout à fait...

J.-L. de S.-J- ...des étayages de secours là où les supports pour faire avec la parole… Parce que dans les menaces que tu as citées de Freud, il y a pas la menace de son inconscient. C’est étonnant d’ailleurs, hein... de son propre inconscient qui est quand même la menace la plus présente. Et donc de faire avec la parole puisque que, effectivement, tous ces pharmakon viennent soulager...

J.-L. C.- ...Soulager et faire écran...

J.-L. de S.-J.- Soulager et faire écran de la parole, avec cet effet que tu pointes très bien, c’est-à-dire un drôle de mariage, pour le meilleur et pour le pire, et qui… qui se caractérisent quand même par le fait qu’on ne voit plus très très bien d’ailleurs la frontière entre le meilleur et le pire. C’est-à-dire il y a une dimension de continu, que t’évoquais là, dans le temps, enfin dans toutes les dimensions, et que...puisque tu évoquais les Etats-Unis et tu nous as très très bien fait entendre comment les drogues et les écrans relevaient exactement du même processus. Il y a quand même au Etats-Unis ce phénomène massif qui fait que la première mortalité par accident aux Etats-Unis, c’est l’overdose par médicaments.

J.-L. C.- Oui, c’est un gros problème tout de suite chez...

J.-L. de S.-J.- C’est par millions, c’est par millions! C’est-à-dire que la consommation d’antidépresseurs et d’antidouleurs  génère une telle dépendance que, il y a des millions de personnes qui meurent par excès de médicaments, de pharmakons. Et sans qu’on voit bien, là aussi, parce qu’au départ c’est bien entendu pour le meilleur, c’est pour soulager un certain nombre de choses, on voit plus où pourrait être posée la frontière.

J.-L. C.- Humhum

J.-L. de S.-J.-Oui, Annie?

A.D.- Peu audible 1 25’ 18’’ ...Etats-Unis, y a quand même une grande différence par rapport... enfin il me semble encore, la gestion de ces produits-là, c’est que on les trouve au supermarché et ces produits qui viennent soulager, faire dormir... tout ce qui pourrait... c’est pas du tout... c’est vraiment en vente libre... donc l’overdose elle est à portée de main.

J.-L de S.J.- Mais on voit pas ce qui viendrait constituer la moindre limite...

A.D.- inaudible...01 26’00’’...avec la culture...c’est intéressant...moindre...niveau de souffrance le plus bas possible… c’est ça le bonheur...

J.-L. C.- Mais déjà...

J.-L. de S.-J.- C’est la définition de la santé par l’OMS, qui est une magnifique définition de la mort!

J.-L. C- Déjà c’est un réel plaisir d’être soulagé... Donc de quel côté va-t-on?

J.-L. de S.-J.- Oui?

2ième intervenant- On peut se demander si le phénomène de la connaissance... c’est-à-dire en fait la possibilité d’abstraire et d’apprendre physiquement, de comprendre, avec le phénomène de l’abstraction du monde, l’abstraction du réel pour le comprendre. Si ça, est-ce que ça, c’est pas déjà le commencement du pharmakon? Je sais pas si je me fais bien comprendre.

J.-L. C.- Pourquoi ce serait déjà le pharmakon?

2ième intervenant- Parce que, par rapport au monde des contacts, par rapport à l’appréhension, par l’essence du réel, on est déjà complètement dans une interprétation, et déjà forcément dans quelque chose qui le signifie, qui le met en forme, qui le rend agréable d’une certaine façon à notre rationalité. Il est évident que si je prends le mot «nature» par exemple, véritablement  ... (?) 01 27’ 56’’ la nature, probablement..

J.-L. C.- Sauf que j’ai bien insisté sur le... sur le mot que j’ai retrouvé chez Derrida, d’ergon, c’est-à-dire de produit, hein? Alors les débats qu’on avait pu avoir, qui sont pas finis d’ailleurs, mais j’ai mon idée là-dessus relativement arrêtée, sur la... les collègues analystes, donc quand j’ai sorti mon livre sur l’écriture, le, pas l’écriture, sur «Drogue et langage», bon les collègues analystes faisaient un peu trop rapidement, parlaient un peu trop rapidement de la drogue comme l’objet réel... Non!, enfin je veux dire, la drogue c’est pas un objet plus réel que... au sens lacanien du terme... ou alors bien sûr à ce moment-là, on en parle en tant que citoyen et on peut dire «oui c’est réel», mais si on reste analyste et notamment lacanien, le réel c’est autre chose, hein! La drogue, c’est pas réel, c’est à la fois réel imaginaire et symbolique, il y a les trois, je veux dire, et c’est pas l’objet a non plus, c’est ce qui vient se substituer ou bouger... ou boucher l’objet a ?

J.-L. de S.-J.- Enfin elle bouge aussi...

J.-L. C.- Voilà oui bouger! Donc voilà il y a des précautions à prendre. Alors si je vous réponds ça comme ça, c’est que, dans ce que vous dites, je suis d’accord, mais vous avez bien commencé par parler de, du langage, de l’élaboration, hein? C’est pas la même chose, je veux dire, de situer les choses du côté du langage, oui c’est interprétation ou... bien sûr, donc c’est déjà... mais ça c’est la question de la castration, c’est à dire que le mot tue la chose, c’est à dire que le mot ne fait que représenter la chose, j’entends ça comme ça

2ième intervenant- Vous avez bien fait la différence entre la parole et l’écriture justement.

J.-L. C.- Ah oui, oui oui, bien sûr

2ième intervenant- Et justement la parole, elle est bien physique

J.-l. C.- Oui

2ième intervenant- Et elle s’adresse aussi à quelqu’un de physique...

J.-l. C.- Oui

2ième intervenant- Donc on est bien dans quelque chose de l’expérience, alors que dans l’écriture, on est déjà... d’ailleurs vous avez souligné que dans les propos du roi, on en avait un qui dictait, l’autre qui écrivait, le troisième qui plaidait, si j’ai bien entendu...

J.-L. C.- Pas tout à fait comme ça. Mais non, ce que je veux... enfin il faut bien, quand vous parlez du pharmakon par rapport à l’élaboration langagière, moi j’entends ça, j’entends ce que vous dites comme «c’est déjà falsifié, hein, c’est déjà falsifié, c’est déjà interprété, l’élaboration, ça n’est jamais que l’élaboration des hommes par le langage, etc.». Mais c’est pas la même chose, c’est pas la même chose que le pharmakon en tant que produit, en tant que produit, en tant qu’artifice. Moi, si vous voulez, je distinguerais, enfin parce que ça je... c’est une réflexion que... enfin «Drogue et langage», c’est pas «Drogue ou langage», «Drogue et langage» c’est à dire que je distinguerais avec l’élaboration de Lacan la question du semblant, hein je veux dire la question du semblant en un mot, vous savez, où il dit hein il y a une moment où il dit: « si c’est pas du semblant…», enfin il me semble que j’entends ça dans ce que vous dites, « si c’est pas du semblant, c’est du sang rouge». Hein, c’est à dire que là, c’est physique, c’est du réel hein? Moi je distinguerais bien le semblant qui est de l’ordre du langage, de l’artifice qui est de l’ordre de l’ergon, du produit, du manufacturé, et pas de l’objet a, du côté du langage, le produit c’est le signifiant matérialisé, hein, Lacan dit : «le signifiant c’est la cause formelle... c’est la cause matérielle d’Aristote, hein, c’est matériel» et Freud le dit à un moment donné aussi, «les mots, c’est matériel». Et Lacan parle de «motérialisme» d’ailleurs dans la conférence de Genève. Mais c’est pas la même chose, c’est quelque chose qui fait partie d’une élaboration, élaboration langagière, de la parole et du langage, ce n’est pas la même chose que le pharmakon qui lui aussi est un... est un... est du faux, par rapport à la chose, mais qui est du côté de l’artifice et non pas du côté du semblant, au sens où on l’entend, enfin je veux dire. Je ne sais pas si ça...

2ième intervenant- Malheureusement, je sais pas, j’ai pas les...j’allais dire les..(?) 01 32’ 38’’

J.-L. C.- Non mais ce que vous évoquez me semble...

2ième intervenant- inaudible 01 32’ 46’’

J.-L. C.- Ce que vous évoquez me semble être la question... la question du vrai et du faux, hein, vous disiez, l’élaboration comme ça intellectuelle ou langagière, langagière... mais l’élaboration avec des mots, hein l’élaboration de l’ordre de la nature, hein, quoi que là il y aurait aussi des choses à dire, c’est déjà pharmakon. Moi je dirais non, je dirais non, c’est une élaboration, c’est une élaboration langagière, le pharmakon il est du côté de l’objet matérialisé, du côté de l’artifice, du côté du factice, si vous voulez.

2ième intervenant- Est-ce qu’il serait du côté du livre?

J.-L. de S.-J.- Ben il peut l’être, peut-être que pour... et puis je suis désolé mais il va falloir qu’on libère la salle, donc on va devoir arrêter nos échanges, mais même si il y aurait beaucoup d’autres choses à dire. Il me semble entendre dans ce que vous évoquez exactement ce qui se passe dans les institutions aujourd’hui, que ce soit l’hôpital, les institutions médico-sociales ou autres, ou celle-ci par exemple, là où on est aujourd’hui, c’est le fait que on voit bien que dans ces échafaudages de secours, on passe de plus en plus par les artifices des procédures pour pouvoir orienter une pratique, et soulager justement la responsabilité du professionnel d’avoir à exercer son art. En médecine, c’est assez… c’est assez massif aujourd’hui. Et bien il y a là quelque chose qui effectivement est, me semble-t-il, est de l’ordre de ce déplacement, c’est-à-dire d’une multiplication de connaissances, qui sont transformées en procédures, où le sujet n’a plus à se poser la question de ce qui semblerait juste à faire, de ce qui semblerait correct. C’est-à-dire on fait plus appel à son savoir, qui est un savoir tout aussi angoissant d’ailleurs, qui peut amener des souffrances, parce que «je sais pas comment  faire», «je me pose des questions", «je sais pas ce qui est correct ou pas», et donc «j’ai à prendre aussi la responsabilité de mon acte». Et il me semble que là il y a quelque chose qui est de cet ordre-là, c’est à dire une transformation... Y a aujourd’hui manifestement... mais je crois que tout ce que tu décrivais en témoignait, cette modification du rapport au savoir, dans notre culture là pour le coup.

2ième intervenant- Est-ce qu’il ne faudrait pas, -enfin juste une phrase- est-ce qu’il faudrait pas valoriser .... 01 35’ 25’’expérience, au sens large, c’est à dire que j’entends par expérience le fait que on apprend à faire quelque chose sans savoir ce qu’on apprend. Un enfant qui apprend à marcher, il a pas toute la physiologie de la marche, il a pas l’ergonomie de la marche, il a pas tout un tas de milliers de connaissances qu’on peut avoir sur la physiologie de la marche et tout ce qui est autour, voilà! Donc est-ce qu’on aurait pas... est-ce qu’y aurait pas un moyen pour reconnaitre quelque part l’intérêt ou, je sais pas... il semble que l’aspect matériel des choses quelque part soit pulvérisé...

J.-l. de S.-J.- Mais il me semble que ce que Jean-Louis Chassaing vous disait, c’est que cette expérience c’est la matérialité du langage, c’est-à-dire d’en passer par la parole, si ce n’est que aujourd’hui dans notre culture, on ne sait plus ce que c’est contrairement aux Grecs, hein que t’as cités, on ne sait plus ce que parler veut dire. C’est mélangé avec la communication… Mais parler, ce que ça veut dire, ce que ça implique… Et tu en as donné quelques illustrations qui me semblaient très très fortes. Quand on parlait c’était pas rien, ça engageait celui qui parlait. Aujourd’hui on peut dire tout et n’importe quoi. Alors en plus sur les réseaux sociaux là c’est… hein?! Bien un grand...

J.-L. C.- Mais parler, c’est risquer, aussi!

J.-L. de S.-J.- Tout à fait!

J.-L. C.- Parler, c’est risquer, et c’est peut-être aussi...

J.-L. de S.-J.- Même dans une conférence.

Même dans une conférence, et c’est peut-être aussi là une indication que... Qui s’y risque aujourd’hui?

J.-L. de S.-J.- Un grand merci.