Jean-Marie FORGET : Y'a*t*il encore une différence séxuée?"14/01/ 2015, Lyon
Y a-t-il encore une différence sexuée ?
Jean-Luc De Saint-Just :
Bonsoir, puisque c'est encore la période je vous souhaite à tous et à toutes une très bonne année. Je remercie Jean-Marie Forget de nous rejoindre ce soir pour ce débat autour de son ouvrage Y a-t-il encore une différence sexuée ?. Quelques mots pour présenter le contexte de ce débat : il s'inscrit dans le cadre d'un séminaire sur Qu'est-ce que le féminin aujourd'hui ?, que l'on anime depuis deux ans avec Annie Gebelin-Delannoy.
C'est un séminaire qui a une longue histoire à Lyon. Cela me semble important de dire que ce séminaire est ouvert à tous. On essaye à chaque séance de traiter une question différente. Pour ceux qui seraient intéressés, c'est tout à fait possible de venir s'y inscrire en cours d'année, puisque justement à chaque fois, c'est une question différente qu'on reprend. Je rappelle le fait que la prochaine séance de séminaire sera le 28 Janvier dans un lieu nouveau puisqu'on est accueilli très sympathiquement par "Couple et Famille (284 rue Vendôme 69003 Lyon)".
Cette conférence-débat est la troisième d'une série de conférences qui veulent ponctuer ce séminaire. A la première, nous avions invité Jean-Paul Hiltenbrand pour parler du féminin. A la deuxième conférence, c'était Jean-Pierre Lebrun, qui est venu nous parler de son ouvrage Les couleurs de l'inceste. Et je vous annonce deux autres après celle-là : le 10 Avril, nous aurons le plaisir d'accueillir deux collègues belges, le couple Pierre Marchal et Anne Joos qui viendront parler du rapport homme-femme. Ils m'ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord entre eux, donc on verra comment cela se présentera ! Et puis le 29 Mai, nous accueillerons un autre couple : Anne-Marie et Nazir Hamad qui viendront parler de la question de la migration.
Deux mots si nécessaire pour présenter Jean-Marie Forget qui est psychiatre et psychanalyste, membre de l'Association Lacanienne Internationale. Il a publié de très nombreux travaux sur la psychanalyse d'enfants et d'adolescents, mais pas uniquement. Il a de très nombreuses responsabilités au sein de l'EPEP (École de Psychanalyse de l'Enfant et de l'Adolescent) qui a été fondé en 1999 par Jean Bergès. Il dirige, avec Marika Bergès-Bourne, la collection chez Eres éditeur : « Psychanalyse et Clinique ».
Notre intérêt à inviter Jean-Marie Forget, c'est le fait de pouvoir croiser nos travaux. C'est-à-dire d'éviter que dans cette grande association, qu'est l'Association Lacanienne Internationale, on se retrouve à travailler les mêmes questions sans se rencontrer. Ce serait dommage ! Et puisque Jean-Marie Forget avait publié cet ouvrage, cela nous semblait tout à fait intéressant et nécessaire qu'on puisse se rencontrer pour échanger autour des questions qui se posent à nous, autour des difficultés qu'on rencontre dans le cadre de notre séminaire. Par ailleurs on apprécie le travail de recherche, à la fois clinique et théorique de Jean-Marie Forget, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à Paris et à Saint-Brieuc, lors d'une présentation de malades adolescents qui était très enrichissante. Je vais essayer de faire un résumé de cet ouvrage que vous avez tous lu attentivement, bien entendu.
Y a-t-il encore une différence sexuée ? On se posait la question tout à l'heure de la façon dont on pouvait écrire « encore », on peut éventuellement l'écrire en deux mots. On reviendra peut-être sur ce titre ultérieurement. Ce qui nous est apparu comme l’intérêt majeur de ce travail de Jean-Marie Forget, c'est qu'il situe, dans la filiation de Lacan, la différence sexuée dans le rapport du parlêtre à la parole et au langage. Autrement dit, à ce qui nous constitue comme sujet, mais aussi à ce qui constitue le fait de pouvoir se parler. Ce qui, à l'époque actuelle et au regard des récents événements, n'est pas sans importance. Peut-être que ce qui fait le « plus » de cette recherche, c'est l'originalité singulière de cette reprise des avancées de Lacan. Jean-Marie Forget amène un certain nombre de signifiants nouveaux, qui amènent à la fois un pas de côté par rapport aux avancées de Lacan dont on discutera. Ce qui rend parfois la lecture un peu difficile, parce que justement comme c'est nouveau, il faut qu'on puisse s’approprier un certain nombre de ses avancées. Il est manifeste également que ce travail vient s'appuyer sur un fondement clinique très important, autant dans une clinique auprès d'adultes qu'auprès d'enfants et d'adolescents. Clinique dont Jean-Marie Forget a fait état dans d'autres ouvrages qu'il a publié.
Jean-Marie Forget pose un postulat, qui me semble intéressant et que je trouve osé : c'est qu'à l'instar du fait qu'il n'y a pas de métalangage comme le rappelle Lacan, il pose le fait qu'il n'y ait pas de métasexuel. Je l’entends ainsi : puisqu’il n'y aurait pas de sujet qui ne se fonderait pas sur une érotisation du corps par le dire de l'autre maternel, pour le dire autrement : il n'y a pas moyen d'y échapper.
Proposons une lecture du tableau de la sexuation de Lacan. Jean-Marie Forget caractérise le côté homme, cette place dans la structure du langage comme étant celle de la parole et plus précisément celle de l'affirmation. Cette place adressant dans une dialectique à une femme qui se fait adresse de cette affirmation. C'est-à-dire qu'il vient ainsi la reconnaître comme femme, qui elle-même en se faisant adresse de cette affirmation donne crédit à la parole d'un homme. C'est une place dissymétrique d'emblée. L'affirmation étant alors aussi une demande de confirmation de cette place. Les deux impasses de cette place, précise Jean-Marie Forget, étant l'autoritarisme qui fait sortir cette place de la dialectique et d'un autre côté la non-consistance qui n'affirme plus, qui ne fait plus de place à l'autre. Ce qui spécifie le côté féminin, qui finalement se présente comme un « pas l'Un sans l'Autre », c'est alors de se faire adresse de cette parole. Puis de se localiser en tant qu'Autre du côté des lois du langage, comme le précise Lacan dans le Sinthôme. Elle est alors une femme dans l'attention de ce qui lui est adressé.
Ces deux signifiants que sont l'affirmation et l'attention, moi je vous disais tout à l'heure que j'ai eu besoin de deux lectures de l'ouvrage pour pouvoir me les approprier et personnellement je les trouve cliniquement juste. Vous entendez bien qu'il s'agit là d'une dialectique qui prend en compte l'altérité, qui je le rappelle est quelque chose de particulier puisque ce n'est pas simplement l'autre du côté de l'étranger. L'altérité se définit comme étant le même, qui est en même temps différent. Cela n'a rien à voir avec la réduction à un rapport de domination telle que c'est présenté dans les théories du genre. Cette question de l'altérité, je me permets de vous signaler qu'elle sera reprise dans un ouvrage qui va être publié, je crois, en mars prochain de Jean-Pierre Lebrun et Nicole Malinconi qui s'appellera L'altérité dans le langage.
De ces places, nous dit Jean-Marie Forget dans cet ouvrage, un homme et une femme n'ont pas à faire au même manque. Un homme a à faire au manque d'un signifiant, je pense qu'on pourrait dire à la castration et au fantasme. Alors qu'une femme a à faire au manque dans le langage, c'est d'ailleurs comme cela que c'est inscrit dans le tableau de la sexuation. Au manque du langage et à un autre rapport du fantasme, qu'on reprendra peut-être tout à l'heure dans nos questions. Les difficultés contemporaines, que Jean-Marie Forget évoque dans cet ouvrage, difficultés essentiellement féminine en tant qu'elles seraient l'effet de cette carence dialectique entre homme et femme, de cette affirmation d'un homme pour une femme. Cela conduirait certaines femmes à rechercher leur féminité dans une maternité sans en passer par la parole d'un homme. Il reprend le syllogisme : être une mère est-ce que c'est être une femme ? En particulier autour de ce recours assez massif à l'IVG pour un certain nombre de jeunes femmes.
L'autre difficulté serait de répondre à des impératifs d'idéaux, parentaux, sociaux qui laisseraient, pour une femme, complètement de côté l'élaboration de sa féminité en tant qu'altérité. Cela se manifeste par des échecs scolaires et/ou professionnels qui font totalement rupture. Et des ruptures incompréhensibles dans des parcours tout à fait brillants.
Les questions que cela nous a posé, questions auxquelles nous buttons également dans notre séminaire et que ce livre et l'échange que nous allons avoir nous permettent de reprendre tournent sur ce qu'il en est du côté des femmes, ou du côté de ceux qui se localisent côté Autre. Autre des lois du langage, du côté de l'équivoque, de la lalangue pour reprendre les propos de Lacan.
Une question nous a beaucoup mis au travail dans ce séminaire, c'est la question de la migration féminine. Comme vous le savez, dans le chapitre 7
« L'identification » du livre Psychologie des foules et analyse du moi, Freud nous dit que petit garçon et petite fille sont au départ à la même place. La petite fille devra migrer de cette place là, pour changer sa place d'identification et également changer son objet d'amour.
Dans son article de 1937, sur la sexualité féminine, Freud reprend cette question de la migration. Il essaye désespérément de trouver des déterminants structuraux qui lui permettraient de venir rendre compte de cette nécessité pour une fille d'opérer cette migration. Il est assez clair qu'il n'en trouve pas. De l'autre côté quand on a repris cette question, on en était arrivé à cette conclusion qu'il n'en trouvait pas parce qu'il n'y en avait pas ! Je crois savoir que Jean-Marie Forget a une façon différente d'aborder cette question. J'aimerais lui demander d'expliquer cette façon différente de l'aborder et qu'à partir de là, Qu’on puisse poser des questions.
Jean-Marie Forget :
Merci de cette invitation et des échanges contradictoires qu'on pourra avoir. Quand tu parlais du postulat que je posais, qu’il n'y a pas de métasexuel, celui-ci tient simplement au fait de constater que nos paroles sont sexuées. Quand nous parlons, nous prenons une position d’affirmation de la parole ou d’adresse de cette affirmation. Ce qui fait que nos propos sont habillés du sexuel. Car le recours à la parole, le fait de parler, c'est la prise en compte d'une perte. La manière dont on en prend acte de cette perte se fait sous un habillage sexuel, qui érotise nos propos à notre insu, quel que soit les précautions que l'on puisse prendre.
Il y a un fil dans ce travail où j'essaie de rapporter toutes les questions des positions sexuées aux manières différentes de prendre acte de la perte initiale du recours à la parole. On court après quelque chose qu'on a perdu à partir du moment où on s'est engagé dans la parole. C'est important de rapporter les questions suscitées par la sexualité à la structure langagière, en considérant qu’il y a deux temps logiques différents : celui de l’inscription du sujet dans la parole et le langage et la dimension sexuée des positions homme ou femme, qui rapportent différemment la perte initiale à un manque.
Il y avait deux points qui m'avaient embarrassé dans les propos de Lacan, et dans la manière dont on reprend trop vite ses propos. C'est d'abord que l'enfant se met à parler quand il renonce à être objet de jouissance pour la mère. Ce qui est juste, bien entendu, mais ce qui me semble éluder un temps préalable qui consiste en ce que sur le plan langagier, l'enfant consent à ne pas venir compléter le manque de la structure langagière de la mère. Je rappelle que tu parlais de l’érotisation du corps de l'enfant, c'est absolument juste. Mais il s'agit de souligner qu'à la naissance d’un enfant, il y a pour la mère le post-partum blues, qui est un travail de deuil tout à fait particulier. Travail où la mère est dans une sorte d'isolement et de solitude pour traiter l’écart qu'on connaît bien, entre l'enfant imaginaire et l'enfant réel ; travail de deuil pour la mère, de prise en compte de sa structure langagière.
Bien entendu, même si elle se trouve articulée à un homme ou à la parole d'un homme, une femme comme mère se trouve dans un temps de solitude radicale et elle traite cette épreuve en référence à sa structure langagière. Car dans ce temps initial pour l’enfant, il est important qu'il y ait cette ouverture, cette référence à la perte langagière de la mère, pour que l'enfant puisse être initié à la parole. Cela me semble être un temps logique important à noter et j’ai retrouvé cela dans l'intervention d'une collègue, Jeanine Pirard, à Vannes1, récemment où elle évoquait des phobies. Il lui semblait qu'il y avait une caractéristique des phobies actuelles où il ne s'agissait pas pour l'enfant de rester un objet de jouissance pour la mère. Il s'agissait pour l'enfant de ne pas objecter –littéralement parlant - de ne pas venir boucher comme objet le vide de la mère du côté langagier. Il viendrait boucher la dé-complétude langagière du discours de la mère. Ce sont deux temps logiques à distinguer, qu’il est important d’avoir à l'esprit. Il y a beaucoup d’éléments de la clinique actuelle qui s'éclairent quand on rapporte les manifestations à des temps logiques différents. C'est donc une première difficulté que j'ai rencontrée et que je voulais éclaircir.
L'autre problème qui me semblait important à élucider à partir de la clinique, se posait notamment à partir des échecs rencontres chez les jeunes femmes et l'insistance de l'IVG en dépit de la contraception. Car il touche l’équilibre entre le côté de l’affirmation et le côté langagier et l’équilibre entre les deux positions sexuées. C'est-à-dire qu'un côté renvoie à l'autre. On est trop rapidement pris, peut-être par le souci d'un discours structuré et universel, à suivre Freud qui disait qu'il n'y a qu’une libido.
Lacan a repris cela en disant qu'il n'y a qu'une parole. Ce sont des propos qu'il s'agit d'équilibrer. Il n'y a qu'une parole, mais il n'y a pas de parole sans structure langagière. Car un des effets de notre imaginaire est de nous faire supposer qu’il n’y aurait « qu’une » origine. Or, une fois qu'on est piégé dans le langage, qu'on est inscrit dans la structure symbolique, on voudrait rendre compte de l'antériorité des choses. C'est-à-dire qu'on voudrait qu'il y ait une cause, de l'Un, initialement, alors que c'est un effet de l'imaginaire. C'est l'articulation des deux, de la structure langagière et de la parole, qui peut rendre compte de l’inscription dans le symbolique. C'est ce que Lacan a amené avec toute la topologie. Il y a l'objet "a" et le phallique, la lettre et le signifiant. Vous voyez, il y a toujours ce balancement et les consistances réel-imaginaire-symbolique. C'est une manière de rendre compte par un certain nombre de concepts, de se dégager de ce que l'imaginaire voudrait nous imposer un élément premier.
1 – L’identité de l’enfant du côté Autre.
Quand Freud évoque la question de l'identité de la position du petit garçon et de la petite fille dans l'enfance, il rapporte cela à leur position par rapport à la structure langagière de l'autre. C'est-à-dire à la fois à la mère, comme structure langagière et à l'articulation pour une mère de son manque à la parole d'un homme. Lacan met en évidence comment l'enfant structure sa demande, puis est dans un renversement pulsionnel, à faire l'expérience de l'impératif de la demande des parents au niveau des apprentissages et se retourne à nouveau vers l'autre en essayant de formuler ce qui serait son désir.
L'enfant met à l'épreuve tout ce qui fait la structure langagière de l'autre, à la fois de la mère et du rapport du couple des parents. Le garçon et la fille font ce travail au même titre. Ils débouchent sur la découverte de la dé-complétude du discours de l'Autre. Au même titre, ils sont amenés tous les deux à en rendre compte dans une inscription logique qui est celle du fantasme. Cela semble important à noter, car si la femme ne prend pas directement appui sur son fantasme dans le rapport à un homme, il s’agit de mettre en évidence que la structuration de son fantasme propre, c'est-à-dire l’inscription grammaticale qui témoigne pour elle de la dé-complétude de la structure langagière de l’Autre est fondamentale. Quand il y a un défaut de structuration d’une telle prise en compte, qui correspond au défaut de structuration du vide de l’objet, on se trouve dans des états narcissiques, mélancoliques ou paranoïaques, par exemple. Car la question de l'objet et de l'inscription en soi de ce qui balise la place de l'objet perdu, est alors problématique.
2 – Deux rapports différents au manque.
Ce parcours analogue du garçon et de la fille par rapport à la structure langagière et à ce qui se joue dans le rapport aux parents, me semble les situer tous les deux du côté Autre, du côté de la structure langagière. Ils parlent, ce n'est pas une affirmation. Ils bricolent pour faire l'expérience de ce qu'est la structure langagière et expérimentent jusqu'où cela peut aller. Ayant fait le tour de ce qu'ils peuvent en tirer, ils se rendent compte de cette dé-complétude. Ils introduisent un bouchon qui est l'inscription grammaticale et logique du fantasme pour pouvoir y trouver une assise par rapport à ce qui se joue dans l'antériorité du discours.
C'est là qu'il y a un positionnement différent. Le garçon, pour des questions liées au corps et à la manière dont il est amené à rendre compte des érections qui l’embarrassent, est attaché à prendre la parole pour essayer de s’approprier ce qui lui échappe. De ce fait, il s’approprie aussi cette inscription. Dans le même temps, il refoule un signifiant qui représente une jouissance sexuelle à laquelle il renonce dans l’immédiat. Il se trouve alors dans une position d'affirmation. C'est lui qui bascule du côté de l'affirmation, du côté homme que Lacan évoque comme celui de l'affirmation, et du côté d'une parole qui prend appui sur ce qu'il appelle les signifiant-maîtres. Les signifiant-maîtres étant chargés de la dimension imaginaire d'un signifiant refoulé, qui a une portée phallique. Ce dernier étant un signifiant parmi d'autre, qui se trouve avoir une portée particulière parce qu'il est refoulé. Étant refoulé, il vient charger de sa couleur des signifiants qu'on appelle des signifiant-maîtres et qui vont venir érotiser la parole. A partir du moment où on parle à partir d'un signifiant-maître, on parle en tant qu'homme. On parle en tant qu'affirmation. Ceci donne une autorité qui demande néanmoins à être nuancée. Car J. Lacan souligne notamment comment toute affirmation est une demande2 . Elle reste malgré tout une parole et la parole prend appui sur une perte.
Une femme n'est pas engagée dans la parole avec le même enjeu. On sait la souplesse que peut avoir un discours féminin notamment dans les apprentissages scolaires. Car la position féminine va prendre appui sur cette inscription logique du fantasme pour se mettre en position de lecture, dans la prise en compte de la dé-complétude de la structure langagière de l'autre ou de l’inscription grammaticale du fantasme d’un homme. Cette position de lecture fait résonance avec ce que Lacan évoque comme étant la diplopie féminine dans le tableau de la sexuation : LA « La barré ». C'est une manière plus générale de souligner dans quelle position une femme va se trouver. Position de lecture, à la fois par rapport à sa propre chaîne, à ses propres signifiants et par rapport au fantasme d'un homme, à ce qui peut lui venir comme adresse d'une affirmation côté homme.
Cette question de la migration, si on prend les choses du côté langagier suivant le fil que je vous propose, montre bien que ce qui se joue pour le garçon comme pour la fille, c'est un bricolage au niveau de la parole. La fille reste dans une forme de parole du côté Autre et de la structure langagière. Le garçon effectue un franchissement du côté d'une affirmation, qui gagne à être tempérée.
Il en résulte pour chacun un équilibre que je proposais de situer entre les deux côtés, entre le côté homme et le côté femme, entre l’affirmation et la structure langagière. Sachant, bien entendu, que ce que j'évoque ainsi se rapporte à des positions : c'est-à-dire qu'à partir du moment où un homme ne prend pas appui sur sa propre affirmation, il glisse du côté féminin. Ce qui peut l’amener à se confronter à la question du manque à partir d’une position féminine. Car si j’évoque souvent la brutalité incompréhensible d’échecs inattendus chez des jeunes filles ou des jeunes femmes comme l’émergence des questions de leur sexualité, il y a des garçons qui présentent des manifestations du même ordre, dès lors qu’ils traitent les questions de leur sexualité en position féminine. La manière dont le psychanalyste aborde alors ces questions est différente et sans doute moins compliqué que pour une fille, mais je préciserais cela.
3 – Pas d’affirmation sans attention….
Sur le plan de l'équilibre, la notion qui me semble intéressante à reprendre est que si sur le plan du langage, il n'y a pas de parole sans structure langagière, sur le plan des positions sexuées, s’il y a une affirmation du côté homme, il y a une « a-tension » du côté femme. Ce terme d'« attention » me semble bienvenu ici, pour souligner ce qui peut en être de l’incitation à la parole qui surgit du côté femme. C’est un terme que j'ai repris à partir d’un exposé d’une collègue brésilienne3 , qui ne soulignait pas alors une telle occurrence, mais que j’ai entendu dans ce sens. Il s’agit là d’une activité du côté femme à inciter un homme à parler vrai. Ce qui reprend ce que disait Lacan à propos de l'enfant : la femme ou la mère, est celle qui fait parler l'être parlant. C'est une incitation à la parole, et à partir de sa propre dé-complétude à elle, à l’égard d’un enfant auquel elle apprend à parler et à l’égard d’un homme dont elle attend la parole. L’attention s'écrivant comme l’ « a- tension », ici avec le « ab » de l’ablatif latin, c'est-à-dire avec le « a » qui fait que c'est issu de quelque chose, c'est ce qui vient de l'autre. C’est la tension qui vient d’une femme, dont elle est l’actrice.
Sur le plan clinique, on peut constater à quel point il est fréquent dans les relations amoureuses, qu’une femme a une intuition de ce qui peut, ou pas, fonctionner avec un homme, dans un temps logique différent d'un homme. Elle va préparer le terrain, inciter les choses d'une manière incontestable. Cette attention me semble être un élément qu’il s’agit d’identifier, c'est une activité spécifique du côté femme. Je retrouve ces termes chez Lacan, comme Colette Soler les a notés dans son livre Ce que Lacan disait des femmes : Il dit comment les femmes sont des « aspirantes » à la parole tout comme il y a des « aspirantes » au sexe. C'est une manière de souligner cette activité qui est particulière et importante. On peut nuancer tout cela, mais c'est important de repérer l'équilibre nécessaire entre les deux positions, sachant qu'elles se rapportent à la perte liée à la structure de la parole. Autrement elles restent essentiellement relatives, et on tombe sur la théorie des genres en éludant la référence à la perte.
4 – L’intrication des enjeux langagiers et sexués.
Il est intéressant d’articuler le rapport de l'enfant à la structure langagière, à la mère et au couple des parents. Le graphe de Lacan est un schéma qui illustre ce parcours. Il représente une intrication - du rapport de l'enfant à la structure langagière de l'autre et des parents - et de la manière dont l'enfant se trouve nommé et placé par la parole dans une position sexuée.
Lacan propose un parcours où il souligne comment l'enfant se confronte dans tous les sens à la structure langagière qui le concerne. En un premier temps, il s'inscrit dans le discours de l'Autre et passant par les exigences de ce discours dans les apprentissages, il débouche sur la dé-complétude de la parole qui le concerne : c'est-à-dire que l'Autre est marqué d’un manque. C'est ce qui marque le « S de grand A barré ». C'est un signifiant qui est logiquement exclu de la chaîne.
Ce qui est intéressant à faire figurer dans ce graphe, c'est de représenter ce parcours, qui est initialement celui de l'enfant, comme un tore. L'enfant tâtonne au niveau de sa demande, il fait le tour d’une spire au tour d’un vide central, comme Lacan le met en évidence dans les tores avec la demande qui tourne. Et il débouche sur le vide central, sur la dé-complétude du discours. L'enfant, une fois qu'il se trouve confronté à l’absence d’un signifiant pour dire son désir, inscrit en lui cette prise en compte de la dé-complétude du discours. C'est ce que Lacan marquera comme « $ <> a » qui est l'inscription logique d'un fantasme. L'impossibilité d'avoir un signifiant pour dire son désir, amène l'enfant à avoir recours à une inscription grammaticale et logique. Dans un cas, en position homme, il s'en saisit pour se mettre en position d'affirmation, dans l'autre cas, en position femme, il se met en position de lecture.
Tout ce parcours, suivant le tore qui recouvre le parcours du sujet à la structure langagière, on peut la compléter sur le graphe par l'axe de la nomination (qui serait figurée par une ligne axiale centrale au vide du milieu du tore). Pendant tout ce temps de la découverte par l’enfant de la structure langagière, les parents le nomment comme un garçon ou comme une fille. Ils s'adressent à lui dans une affirmation que l'enfant s’approprie. Pour le garçon, il s'agit de se trouver le fil de sa propre affirmation, soutenue par l’inscription de son fantasme ; pour la fille elle reste dans une position d'adresse de l’affirmation qui la concerne et dans une position de lecture de l’inscription logique de son fantasme. L’inscription du fantasme et le temps logique où elle s’effectue correspondent à l’intrication pour l’enfant de sa manière de rendre compte de la structure langagière et de sa position sexuée. Les deux s'articulent.
A propos de la structure du fantasme, S. Freud a révélé l'absence du temps intermédiaire de sa constitution. J. Lacan a rapporté cette élision à l’inscription d'une perte radicale. La prise en compte de la perte du fait de l’accès à la parole se révèle dans l’indéfini de la formulation du fantasme. L'enfant peut s’y articuler dans une position sexuée.
Jean-Luc De Saint-Just :
Merci. Tu renverses une position freudienne à partir de la clinique des enfants et ce n'est pas rien. Cela vient résoudre l'impasse face à laquelle Freud se situait, puisqu'il partait tout le temps d'une position phallique. Là avec ce que tu amènes, cela permet de prendre les choses autrement et à la fois avec l'enseignement de Freud comme de Lacan.
Annie Gebelin-Delannoy :
Je souscris tout à fait à cela. On sent dans votre ouvrage, l'articulation de la clinique infantile à la clinique adulte. C'est une façon enrichissante, par rapport à ces questions théoriques, d'aborder les choses. J'avais une question sur cette position de lecture, j'avais envie de préciser ce choix de signifiants d'une position de lecture pour parler d'une position féminine, qui me paraît intéressante et qui reste pour moi énigmatique. Je voulais vous demander de préciser cela à propos du signifiant même de lecture. D'autant que vous soulignez, dans votre ouvrage, que finalement un sujet qui serait du côté Autre pourrait avoir le choix entre effectivement lire et du coup articuler cette lecture au désir d'un homme. Ou bien, au contraire, ne pas endosser cette position de lecture, s'agripper à la trame du scénario du fantasme et qui, du coup, le laisserait dans une position plutôt masculine. Pourquoi la lectrice ?
Jean-Marie Forget :
L'insistance à souligner la nécessité du recours à l'inscription grammaticale ou logique pour une fille me semble importante à relever. Sa manière d'en tirer profit est de se décaler en position de lecture. La clinique l’illustre par la facilité avec laquelle les filles apprennent à lire. Il n'y a quasiment pas d'échec scolaire chez les petites filles, c'est réservé aux garçons. Il y a une injustice à cet égard !
Dans le livre Lire Délire paru chez Eres, Anne-Marie Picard souligne comment la position de lecture est une position éminemment féminine. Les garçons ont du mal à apprendre à lire. Pour qu'ils se mettent dans une position féminine de lecture et de disponibilité à l'égard d'un texte, il faut qu'ils aient assuré leur position de garçon ; qu'ils soient confiants dans leur position de garçon. S’ils ne le sont pas, ils n'acceptent pas la migration du côté Autre. Dans son travail, Anne-Marie Picard reprend aussi les textes de Sartre, sur son apprentissage de la lecture, qui sont des textes très éclairants.
C'est cette opération de migration qui oriente dans ce sens de la lecture. De plus, elle fait résonance avec la diplopie de Lacan et tout ce qu'il évoque sur la position féminine, ce rapport particulier pour une femme entre sa propre chaîne et sa position féminine. Elle n'a pas à s'approprier sa chaîne, c'est cela qui est particulier. Cet écart me semble recouvrir cette différence d'option du côté homme et du côté femme. Alors que du côté homme, l'appui sur le fantasme et le refoulement d'un signifiant donne l'impression qu’une position homme permettrait de faire un lien là où est l’écart radical entre la chaîne signifiante et l'objet perdu ; écart lié au fait que quand le sujet s'inscrit dans le signifiant (quand l'enfant se met à parler), du fait de la combinaison des phonèmes qu'il utilise, il y a des éléments qui ne vont pas apparaître et qui sont radicalement exclus.
L’enseignement de La lettre volée de Lacan est qu'il y a des éléments qui tombent et qui sont radicalement exclus. Cet écart est vrai pour les garçons comme pour les filles. Quand le garçon s'approprie l’inscription du fantasme, il peut supposer faire le pont entre les deux. Dans un processus de sublimation ou bien au terme de la jouissance sexuée par exemple, il retrouve cet écart radical, qui reste problématique. Du côté femme, cet écart est posé d'emblée puisqu'il n'y a pas ce recours direct au fantasme. Dans son rapport à sa propre chaîne, il y a directement une référence à l'impossible, dont témoigne la position de lecture.
Du côté homme, du côté de l’affirmation, ce rapport à l'impossible me semble plus masqué et n’apparaît que dans des moments de petite mort, après la jouissance sexuelle, où le sujet se retrouve confronté à sa position subjective d'être de parole et justement privé de l’érotisation d'une affirmation. L'affirmation, l'habillage sexué de la parole, tombe à ce moment-là ; un homme est alors confronté à ce qui fait la structure de la parole et de l'énonciation. Cliniquement, cette hypothèse de lecture rend compte de la disponibilité d’une femme peut, à ce qui fait la logique du désir d'un homme, elle est dans une position de savoir inconscient, dans une position de lecture du savoir inconscient d’un homme.
Annie Gebelin-Delannoy :
Ce que je trouve intéressant par rapport à cela, c'est que Jean-Luc a beaucoup travaillé autour de la question des couleurs, de cette question féminine. Finalement, une femme peut prendre, comme cela, la couleur de son compagnon. Elle est un peu caméléon. Elle est tout le temps amenée à faire de l’exégèse de la parole qui lui est adressée. Elle est toujours dans cette position-là.
Jean-Marie Forget :
Tout à fait d'accord sur l’exégèse. La nuance que je propose par rapport au caméléon, en défendant les femmes est que si c'est vrai qu'elles peuvent avoir une souplesse, le côté caméléon n'est possible que parce qu'elles vont tenir compte de certains de leurs propres signifiants, qui vont résonner avec l’affirmation d’un homme. Mais elles jouent de leur propre couleur en résonnance.
Annie Gebelin-Delannoy :
En vous écoutant quand vous reprenez la question du graphe et de redéployer cette migration qui concernerait plutôt le garçon que la fille, je me disais qu'une des questions qu'on a dans notre groupe, c'est la question du stade du miroir. Est-ce qu'on pouvait dire que ce n'était pas tout à fait la même chose pour une petite fille que pour un petit garçon ?
En vous écoutant déplier les choses et à partir du moment où il y a cette inscription grammaticale, c'est à ce moment-là qu'il va y avoir une position qui va être différente entre le petit garçon et la petite fille à l'égard de ce fantasme, de cette inscription. Est-ce qu'on peut faire un lien entre ce qui peut se passer dans le miroir pour une petite fille et pour un petit garçon autour de cette question là, d'une position de lecture ou d'une position d'affirmation.
Jean-Marie Forget :
On peut le rapporter cela au graphe. Ce que je développais précédemment correspond à la manière dont l'enfant saisit la structure de parole. Il y a aussi toute la partie imaginaire sexuée qui se déploie, figuré en dessous sur le graphe. Si la demande de l’enfant se constitue et si l'enfant se reconnait dans sa parole, il se place aussi en fonction de la nomination qui lui vient de l'autre, des parents. Il y a un message qui le situe à la naissance, comme garçon ou fille, et qu'un enfant met à l’épreuve dans la nomination de son image. Il affirme des traits d'identité qu’il soit garçon ou fille. Il se rapporte alors à la désignation qui se fait sur un système de perte.
Pour que l'enfant prenne acte de son image, qu'il soit garçon ou fille, il se retourne vers sa mère. Il ne peut pas voir la mère et l'image en même temps. Il est amené à perdre quelque chose. On retrouve la référence à la perte, comme condition pour lui d’investir une image. Cette image va être signe de sa propre couleur, si je puis dire, et elle va être unifiant, pour un garçon comme pour une fille, du côté du Un. Pour chacun des deux elle a à peu près avoir la même fonction d’unifiant, parce qu’anticipatrice de l’unité du corps ; elle n’est pas investie de la même manière, du fait de la place que l’enfant occupe par sa parole, du côté de l’énonciation ou du côté de l’adresse d’une énonciation. C'est à partir du moment où l'enfant va pourvoir compter sur l’imaginaire associé à l’inscription grammaticale et logique du fantasme que va se désamorcer l'attirance qu'il a à l'égard de son image.
Dans Subversion du sujet et dialectique du désir, Lacan déplie le parcours du fantasme. Dans le graphe, il souligne la résonnance entre le lien imaginaire du désir au fantasme - qui vient servir du côté homme à obturer le vide central de la structure langagière qu’il manie – et le premier temps imaginaire qui se joue entre i(a), l’image que l'enfant a de lui-même et le moi. Il y a de ce fait, une possibilité de court-circuit que peut rencontrer l’enfant, quand le rapport à son image n’est pas médiatisée par la structure de la parole de la mère, ni vectorisée par la parole du parent, sur fond de perte.
Annie Gebelin-Delannoy :
L'idée, ce n'était pas de déplier le stade du miroir. Lacan, quand il parle du stade du miroir, il ne parle pas de la position sexuée. La question n'est pas là. En même temps, on se demande si cela se passe tout à fait pareillement pour une petite fille que pour un petit garçon.
En même temps je trouve que ce que vous ameniez sur la question de lecture, laisse entendre que la lecture que fera une petite fille, n'est pas du même ordre que pour un petit garçon.
Jean-Marie Forget :
Si la fille peut rester dans l’adresse d’une parole, le garçon ne peut pas s'en contenter. Le fait qu'il ait un pénis ne lui permet pas de rendre compte de ce qui se passe dans son corps. S'il s'en contente, il reste dans une position féminine et dans un rapport à une image qui ne serait pas marquée d'une perte. Effectivement, quand il est piégé dans une identification homo-sexuée, il cherche une image qui sera chargée d'un trait supplémentaire.
Tout cela dépend bien sûr du discours qui concerne l'enfant. Même s'il s'identifie à une image i(a), qui est marquée d'une perte, c’est ce qui est dit de l'image qui est important, et pas l'image même. C'est la manière dont l'image est chargée de sens, dont elle est investie par le discours, qui assure à l’enfant une forme de plénitude. Et l’usage que l’enfant fait de cette plénitude est distinct pour le garçon et pour la fille, du fait de leur place en regard du discours.
Jean-Luc De Saint-Just :
Comme il s'agit d'un débat et que vous êtes invités à participer, je suppose que ce qu'à amener Jean-Marie Forget et susceptible de poser question. Qui veut prendre la parole ?
Cyrille Noirjean :
Merci, c'était clair, brillant et convaincant. Ce que j'avais à l'esprit en vous écoutant, c'est qu'est-ce qui se passe quand cela fonctionne mal ? Notamment pour une femme qui refuse cette position de lectrice.
Jean-Marie Forget :
C'est quelque chose que l'on rencontre cliniquement souvent ; une femme se rabat sur les outils que lui fournit l’inscription grammaticale ou logique, qui n’a pas abouti à un indéfini. Elle se rabat sur l’inscription de son propre fantasme. C’est l'exemple des jalousies. Une femme peut se trouver en difficulté si elle n'est pas familière de cette position de lecture, elle peut avoir du mal à consentir à l'affirmation d'un homme. Par exemple : une femme avait d'emblée été un peu provocante avec son nouveau compagnon, elle lui avait montré tous les cadeaux que ses « ex » avaient pu lui faire. Il résistait à ces provocations, et soutenait une affirmation amoureuse. Elle avait toutefois du mal à croire en lui et se rabattait à ce qui était son fantasme, qui était une inscription de son propre parcours infantile, où sa place de fille était celle qu’on ne regardait pas. Elle n'avait pas été l'objet d'admiration, mais plutôt celle qu'on ne regardait pas, parce que c’était son frère qu'on lui préférait. Sa place de fille était : « on ne me regarde pas ». Ce n'est pas une inscription qui serait un indéfini, puisqu'il reste le « me » dans l'inscription. C'est fréquent de rencontrer chez des femmes cette définition d’une place négative « on ne me regarde pas », « on ne me voit pas », etc. Comment pouvait-elle se dégager de ce qui semblait définir une place de fille, du fait de son histoire, alors qu'un homme lui proposait de la regarder, comme femme ? Il s'agissait qu'elle fasse crédit à la parole de cet homme, et elle peinait à se dégager de ce qui lui semblait une place féminine, du fait de son histoire.
Cela est important dans la clinique : le travail analytique qu'on fait dans ces difficultés consiste alors à aborder la position féminine du fait de l'histoire de la fille. Comment a-t-elle pu prendre position du côté fille dans l'enfance, du côté féminin à l'adolescence avec la puberté et ensuite du côté femme par rapport à un homme. C'est très intéressant d'utiliser les schémas et le tableau de la sexuation de Lacan en les rapportant à ces temps différents. Ce n'est pas la même chose de repérer comment une fille a pu se trouver l'adresse de la parole d'un père et parents, puis de la part d'un homme. Ce ne sont pas les mêmes temps, pas les mêmes signifiants, pas la même nomination. C'est quelque chose que l'on rencontre de manière courante. Dans un travail analytique, il s'agit souvent d'aider une femme à faire le pari d’une parole fiable et de l'adresse de cette parole.
Les échecs.
C'est à ce titre-là que les manifestations d’échecs me semblent importantes. Je suis frappé de voir la fréquence avec laquelle on voit des jeunes femmes brillantes réussir leurs projets et puis d'un seul coup être prises dans un échec. L'échec est la manière dont elles ont laissé de côté la féminité, à leur insu. Elles ont organisé leur vie du côté de la formation, de l'idéal, qui exclut la dimension du féminin et de la sexualité. Elles réussissent leurs affaires et un beau jour les questions sexuelles reviennent au premier plan, sous cette forme d'échec. Il est important à ce moment-là de pouvoir leur faire repérer que l'échec n'est pas un échec, dans le sens de la dépréciation, mais que c'est le symptôme d'autre chose. De quoi ? De toute une dimension d'elle-même à laquelle une femme n'estime pas légitime d'avoir recours. Elle n'investit pas ce champ de l'identité sexuée de femme, c'est un champ qui n'a pas de légitimité. Cela apporte un soulagement immédiat à ces femmes, encore qu'elles résistent. Elles objectent pourtant qu’elles ont 16 ans, 18 ans, 25 ans, que cela fait quelques années qu'elles sont femmes, elles savent ce que c'est ! On ne va pas leur raconter des histoires ! Mais la révélation de la dimension symptomatique de leur échec leur apporte un soulagement.
Cette dimension d'échec est le symptôme par lequel se manifeste leur féminité, il s'agit de réitérer cette affirmation. Les interroger sur leurs questions de femme, réintroduire cette dimension comme on le fait, par exemple, avec les anorexiques. Si on les aide seulement à travailler les choses du côté du signifiant et de leur chaîne signifiante, on va leur permettre de réussir. Et si elles réussissent, elles perdent leur symptôme. A partir du moment où on leur affirme leur position de femme, on les met dans une position d'adresse. Et on leur fait faire l'expérience, dans ce temps, d'être l'adresse d'une affirmation.
Pour l'analyste, cela implique de ne pas être simplement dans l'écoute flottante des signifiants qui peuvent venir, et d'avoir cet autre axe, qui est l'axe de l'affirmation. Travailler sur ces deux versants et d'être divisé entre ces deux versants ; c'est une spécificité de la pratique et cela correspond à une difficulté d'introduire cette dimension-là.
Les I.V.G.
Un autre biais par lequel insistent les questions de la féminité est celui des IVG chez les jeunes femmes. C'est un symptôme social que vous trouvez abordé en permanence dans les congrès de gynécologie et d'obstétrique, dont les gynécologues ne savent pas quoi faire. Ils font référence à des défauts d’information sur la sexualité, à des conduites à risque, à la confidentialité lié au problème pour la sécurité sociale des jeunes filles qui ne peuvent pas avoir l'accès etc. Ce sont des arguments pertinents, mais qui n’expliquent pas pourquoi les difficultés à tenir une position féminine amènent des filles et des femmes à se précipiter sur des grossesses, à être enceinte, pour trouver une garantie, une garantie de ce qu'est être femme : Par syllogisme - avoir la potentialité d'être mère, c'est avoir eu une relation sexuelle - Avoir eu une relation sexuelle, cela veut dire qu'on est une femme -. C’est un syllogisme, une écriture logique, ce n'est pas une parole. C'est important de pouvoir expliciter les difficultés que présente une position féminine, de manière à pouvoir la travailler. Sans cela une femme réitère les grossesses. Vous rencontrez ces I.V.G. à l'adolescence et en péri-ménopause ; pour ces femmes, quand les questions de la féminité se posent de manière insistante, survient une grossesse inattendue. C'est leur manière de rechercher une garantie là où il s'agit de la quête d’une assurance, du côté de la parole. Ce sont des symptômes contemporains tout à fait fréquents.
Il y a aussi tout ce qui touche le champ de l'alimentation, que je l'ai laissé de côté ici, car c'est du côté pulsionnel que j'ai déjà traité cela. C'est avec une fréquence insistante que se manifestent les questions du féminin qui n'arrivent pas à se poser. Elles viennent d'une manière voilée et il est important de les décoder, et de leur donner leurs lettres de noblesse pour pourvoir les travailler soigneusement avec les femmes.
On m'avait objecté en Bretagne, qu’il s'agit de ne pas d'être mono-idéique. Je ne dis pas qu'il n'y a que cet enjeu où la féminité serait récusée, qui fait qu'une femme peut se retrouver enceinte. Il peut y avoir des tas de raisons, des configurations tout à fait particulières et singulières à chacune. Il ne s'agit pas de réduire cette approche à une seule cause. Il s'agit de repérer ici un symptôme social, une difficulté dans le monde actuel à poser les positions sexuées d'homme et de femme du fait d'un discours inconséquent. C'est un élément qui me semble important à identifier.
La structure des discours.
Je vous rappelais cette logique que Lacan introduit par la Lettre Volée : dans un discours conséquent, quand les éléments sont structurés par une logique, il y a une perte. Il y a un élément qui n’apparaît pas. S'il n'y a pas de contradiction dans un discours, pas de structure logique, il n'y a pas de référence à une perte. Dans la clinique, c'est fréquent par exemple quand des parents se disent séparés, alors qu'ils ne sont pas séparés ; c'est toujours difficile de faire valoir la contradiction, cela génère une violence, il faut donc le faire avec nuance. A l'envers, ce qui alimente le discours inconséquent, ce sont les slogans. On a un exemple récent : « Je suis Charlie », ou « la parentalité », « la parité », ce sont des termes qui sont introduits et dont on ne peut pas discuter la pertinence ; ce sont des « termes » électoraux : on ne peut plus y toucher. Il y a une multitude d'éléments qui deviennent des slogans. Ce sont des éléments qui sont des mots fétichisés.
C'est frappant parce qu'à l'envers, un discours avec des contradictions est un discours où il y a des manques, des pertes, où on peut discuter des choses. Cette inconséquence du discours ambiant rend difficile aux hommes d'exercer une affirmation, et qu’elle puisse être un peu tempérée. Pour les femmes, c'est une difficulté double : si on suppose que leur position est d'être l'adresse d'une affirmation fiable, il ne s'agit pas seulement qu'elle soit assurée d'une parole, mais qu'elle puisse consentir à faire confiance à une parole ; il lui faut vérifier que la parole est fiable. Les femmes incitent à une parole fiable. C'est une des chances de la clinique actuelle de prêter attention à la clinique féminine. Il y a une exigence de rigueur et de fiabilité qu'on peut entendre plus facilement.
Annie Gebelin-Delannoy :
S'il y a quelque chose qui arrive, c'est qu'on entend comment les femmes peuvent dénoncer cette inconsistance du discours qu'elle rencontre chez les hommes. Je pense que c'est tout à fait pris dans ce discours sans contradiction. C'est quelque chose de récurrent. C'est pour cela que je n'aime pas dire du côté de la plainte, parce que c'est plutôt un constat.
Michel Busca :
Encore merci pour cette invitation. Je m'interrogeais, plutôt logiquement que cliniquement, sur cette différenciation que vous opérez entre la lecture et l'affirmation. Est-ce qu'il faudrait tirer la lecture du côté de la lecture du manque ? Est-ce que, en contre point, il ne faudrait pas ne pas entendre l'affirmation comme étant plutôt une négation du manque ? La conséquence étant une bonne lecture du manque avec quelque chose qui serait de l'ordre d'une négation, qui donnerait toute la couleur à l'affirmation. Ou alors cela se présente tout autrement. Je ne sais pas.
Jean-Marie Forget :
Peut être, cela dépend de la consistance de l'affirmation. Elle peut être une négation du manque, mais elle peut être une prise en compte du manque. Une déclaration d'amour a quelque chose de grave et d'un peu maladroit. Cela peut témoigner de ce que l'autre pourrait venir combler et soulager d'un manque. Une maladresse même témoigne, dans l'affirmation, de ce qui est vectorisé par un manque.
Jean-Luc De Saint-Just :
« Mal adresse » tu l'écris en deux mots...
Jean-Marie Forget :
C'est quelque chose qui se manifeste dans le corps ou dans la voix. Il y a des affirmations qui opèrent d’autorité et puis d'autres qui sont nuancées. Il y a des tas de nuances. A défaut de nuances, on peut alternativement accepter une affirmation catégorique et ne pas accepter de l'entendre. C'est souvent le ton qui fait la nuance, qui permet la lecture du manque. Peut-être que c'est cela « l'attention » d'une femme : elle repère chez un homme un manque auquel elle pourrait consentir, dans une sorte de maladresse implicite.
Du côté homme, j'ai trouvé intéressant dans le livre Romance Nerveuse de Camille Laurens, la manière dont elle illustre comment un homme peut avoir des affirmations péremptoires et violentes à l'égard d'une femme. Ce roman est insupportable. On n'arrive pas à s'identifier aux personnages. Un homme peut avoir des mots d'amour à l'égard d'une femme et en même temps des propos dépréciatifs et orduriers. On retrouve cela en clinique. L’auteur montre bien comment la femme souffre des inconséquences de ce discours et mais qu'elle le supporte. La seule chose qui l’amène à en tenir compte, c'est la référence à l'anniversaire de la mort d'un enfant. Cette référence au deuil introduit une gravité ; elle ne peut plus supporter ce qui se passe jusqu’alors. Elle dit de cet homme, qu'il a un discours sans contradiction. C'est à la fois vrai et pas vrai. Elle le dit, parce qu'elle en tient compte dans la position où elle est d'être l'adresse d'un discours ; elle repère qu'il y a des contradictions dans les propos entre un moment et un autre. Mais lui s'en moque. Il juxtapose des décharges successives. Ses mots, ne sont pas un discours. Ce sont des propos de décharge. Il se décharge, il ne fait pas le lien entre ce qu'il a dit précédemment et maintenant. Ce qui fait que pour que les propos s'inscrivent et que surgisse éventuellement une contradiction, il faut qu'il y ait une surface d'inscription. Il faut qu’il y ait quelqu'un qui permette à celui qui juxtapose des éléments sans aucun lien les uns avec les autres, de repérer qu'il y a des contradictions, des répétitions. Comme on le voit avec les toxicomanes qui vont avoir des « agir » inconsidérés. On peut dire de l’extérieur que c'est une répétition, parce qu'on est dans une position de névrosés. Il faut d'abord que cela s'inscrive, pour qu'il y ait répétition et qu'on puisse identifier cette répétition.
D'un point de vue clinique, il s’agit d’un temps logique qui est différent de celui du symptôme, on va rapporter cette manifestation à un temps logique antérieur. Il faut qu’elle s'inscrive, ensuite qu'on la rapporte à une contradiction éventuelle et qu'on fasse quelque chose de cette contradiction. Je trouve intéressant de soigneusement tenir compte de la difficulté spécifique de l'énonciation du côté homme, et du côté femme aussi. Dans les banlieues, des animateurs me disaient que, quand les filles se battent, c'est pire que quand c'est des garçons. Et s'il n'y a plus de filles qu'est-ce qu'on devient ? On rencontre des manifestations difficiles à aborder, qui nous incitent à des positions de travail originales correspondant à des temps logiques différents.
Jean-Luc De Saint-Just :
Une autre question, une autre remarque ?
Une participante:
Par rapport à votre dernier exemple de ces filles qui se battaient, je me disais : qu'est-ce qui fait que la position féminine est nécessairement associée à l'être de sexe féminin ? Qu'est-ce qui fait que la position masculine est associé à ? Quelles étaient les différences ? Quand cela se passe mal, quand cela se passe différemment, est-ce nécessairement mal ? Comment c'est connoté culturellement ? Je pense à ces espaces de banlieue où peut-être elles n'étaient plus filles pour réagir sur certains modes ?
Jean-Marie Forget :
Vous avez raison, ce sont des positions que chacun peut tenir. A partir du moment où pour un homme l’identité tient à la coquetterie et ne tient pas à la parole, par exemple, il se trouve du côté femme. Ou bien lui-même peut rester axé sur les études : je vois des jeunes, brillants, qui sont restés dans l'axe du travail et qui se trouvent confrontés à des échecs incompréhensibles. Ils sont du côté Autre et l’échec est la manière dont leur identité sexué c'est posée.
Du côté garçon, c'est plus facile. C'est mono-idéique un garçon. Si vous traitez les choses du côté de l'échec, vous l'amenez à prendre position du côté homme : il réussira ses projets et il sera content. Les questions de son identité de garçon, il peut les amener directement dans l'axe de ses signifiants. Ce n'est pas compliqué à aborder. On trouve donc la symptomatologie d’échec pour un homme qui a la possibilité de se situer en position Autre, liée à la difficulté de trouver l’assise d’une affirmation. Comment trouver la justesse d'une affirmation qui témoigne d'un manque ? On rencontre des enfants, des garçons violents qui vivent avec leur mère et qui ont des troubles du comportement. Ils supposent qu'être hommes, c'est se bagarrer. Ils s'appuient sur un trait positivé et ce trait ne va pas pour autant les mettre dans une position d’affirmation.
Le trait de l'affirmation, est dans le fil de la division subjective. On est dans une énonciation, il y a quelque chose qui nous manque. Si on bascule sur un trait machiste, c'est un trait positivé : on n'est plus du tout sur un trait de division. On reste du côté langagier, du côté Autre, du côté féminin. La position de chef dans une institution n'est pas une position d'homme, j’entends au niveau de ce que montre S. Freud dans Psychologie collective et analyse du Moi. Ce n'est pas une position d'homme. D'ailleurs c’est un trait positivé, non un trait de division.
Du côté femme, vous allez trouver une autre bascule possible. Une femme peut être amenée à refouler un trait signifiant. Dans son histoire de fille, elle peut refouler un trait signifiant, mais ce sera un trait du discours dont elle est l’adresse ; elle bascule dans une position hystérique ou bien dans une position d'autorité qui sera tout aussi insupportable ; prenant appui sur un trait positivé ou un trait de savoir, elle sera tout autant insupportable aux autres qu’un homme autoritaire peut l'être. Elle n’est pas pour autant du côté de l'affirmation : cet usage de la parole est tout aussi difficile.
Le féminin et le maternel.
L'autre champ que j'aborde dans ce livre est celui de l'articulation de la position maternelle avec l'identité féminine. Et c'est un point important. Je vous invoquais que l'enfant s'articule initialement à la structure langagière de la mère. Pour une femme, la naissance d'un enfant, dans le post-partum blues, amène un travail de deuil de l'enfant imaginaire. C'est un travail particulier où une femme fait le deuil de la complétude que sa grossesse assurait à sa position féminine. Ce qui balise sa place de semblant par rapport à un homme, c'est-à-dire un certain nombre de signifiants, est l'objet d'une complétude pendant la grossesse. Ces signifiants déterminent pour la mère la place de l'enfant, place « phallicisée », en même temps qu’ils sont concernés par un travail de deuil pour réaliser que l'enfant réel n'est pas l'enfant imaginaire. Au moment de la naissance, il y a un certain nombre de signifiants, qui soutiennent le « phallicisme » maternel, jusqu’alors, déplacé sur le « phallicisme » de l’enfant, qui sont travaillés dans un deuil pour la prise en compte du réel de l'enfant. C'est un travail de deuil particulier, qui porte sur certains signifiants juxtaposés les uns aux autres dans la chaîne signifiante de la mère, et dans un rapport aux lettres de l'objet perdu. Les lettres sont aussi des éléments de pures différences. Ce travail, entre les signifiants de la position de semblant de la mère comme femme et les lettres qui témoignent en elles de l'objet perdu, est une prise en compte de cet écart dans un rapport, un à un.
Cela représente comment une femme peut trouver une assise subjective, qui lui échappe en même temps. La chaîne signifiante du côté femme est une juxtaposition d’éléments, elle n'est pas articulée dans une série. Et dans ce travail de deuil particulier du post-partum blues, le rapport de chaque signifiant de la position de semblant aux lettres de l’objet perdu se fait un à un. Une position subjective pourrait s’exercer ainsi pas à pas, un à un. Cela illustre ce que proposait Jacqueline Légaut dans son livre Les lois de la parole, où elle avançait la possibilité d'une position subjective féminine. C'est quelque chose de tout à fait différent de la position subjective du côté homme, qui correspond au refoulement d'un élément. Il s'agit ici de l'articulation pour une femme entre certains signifiants de sa position de semblant en résonance à un homme, et les lettres qui bornent en elle le trou de l’objet perdu du fait de sa parole. Car le semblant féminin est assuré d’une complétude pendant la période de grossesse, qui se rompt à la naissance de l’enfant et qui génère un travail de deuil pour ces signifiants.
Dans le tableau de la sexuation, du côté femme il n'y a pas de représentation de l'objet perdu, du fait que la femme est un « parlêtre ». Du côté femme il n'y a que l'objet « a » en tant qu'elle serait objet du fantasme d'un homme. La question de l'objet perdu pour elle n'est pas inscrite dans ce tableau. Cela est embarrassant, car sa position féminine rend compte de sa dimension de « parlêtre »; au même titre, du côté homme, il n'y a pas l'inscription du fantasme. L'inscription du fantasme c'est une chose, la mise en jeu du fantasme dans le rapport à une femme est autre chose, puisqu’il s’agit là d’un temps de perversion physiologique, qui est marqué dans le tableau par un trait plein. Ce sont là deux temps différents.
Cette position subjective que j'évoquais comme une assise, m'évoque ce que disait J. Lacan, que les femmes avaient une propension particulière à être analyste. C'est peut-être parce qu'elles auraient la possibilité, en prenant appui sur ces points, à leur insu, de promouvoir un discours sans parole, d'une manière qui leur échappe et qui soit juste. Une parole qui aura plus de souplesse que celle d’un homme, qui va avoir tendance à insister par son affirmation, s’il n’y prend pas garde.
Cela me fait penser aussi à la manière dont Ch. Melman s'interroge sur les Antilles, sur les lieux où il y a un matriarcat. Il y a incontestablement quelque chose qui se transmet du côté du signifiant, de génération en génération du côté des femmes. Ce n'est pas par l’effet du matriarcat à proprement parler que les choses pourraient se transmettre ; non pas du fait du pouvoir maternel, mais du fait d'une transmission subjective qui se transmettrait à leur insu ; et non du fait d’un pouvoir, mais d’une assurance. C'est lié à la manière dont une femme peut être travaillée par ce rapport enfant imaginaire-enfant réel. C'est différent de ce qui se joue pour un père, pour un homme, dans le sens où il prend acte dans des deuils successifs et simples, si je puis dire, de ce que son enfant n'est pas ce qu'il imagine.
Ce sont des choses qui demandent d'être dépliées. Elles font résonance avec un travail que Ch. Melman avait présenté à Reims : il faisait remarquer qu'il avait été frappé par des femmes qui avaient des impulsions de meurtre à l'égard de leur enfant ou de leur conjoint. Des élans impulsifs dont elles avaient du mal à se contenir. Il supposait, que c'était pour ces femmes, une tentative de se mettre dans une position de deuil à l'égard d'un objet d'amour, Et, cherchant une position de deuil, de trouver une sorte de travail qui équivaudrait à la castration côté homme. Il articulait les choses ainsi, en supposant un travail de deuil chez une femme, dans cette articulation où pour certaines, l’objet perdu est le conjoint et pour d'autres c’est l'enfant. L'enfant vient à une place, où il faut tenir compte de l'enfant réel et de l'articuler au rapport à un homme. Ce sont des points à retravailler. Ce sont là des caractéristiques d’une position féminine originale, qui méritent d'être travaillé.
Jean-Luc De Saint-Just :
Merci Jean-Marie pour ces apports. C'était foisonnant. Il faudra nous laisser un peu de temps à l'ALI Lyon, mais on aura l'occasion de t'inviter à nouveau pour travailler les pistes de travail que tu nous as laissé.
Je voudrais dire mon intérêt et ma satisfaction de la façon dont tu nous as fait part de ton travail. On a là un témoignage d'une orientation de travail qu'on essaie de soutenir à l'ALI Lyon, qui est à la fois de situer de façon aussi rigoureuse que tu le fais, dans l'affiliation des travaux de Freud et de Lacan et en même temps de ne pas être enfermé dans un dogmatisme.
Merci de nous en donner un magnifique exemple.
Annie Gebelin-Delannoy :
Je voulais m’associer à ces remerciements et dire que ce moment tombé à propos dans notre actualité. Ce fil que vous tenez dans votre travail de s'appuyer sur la structure du langage, pour articuler cela avec la question des conditions sexuées, c'est faire état du fil de l'altérité. En tant qu'analystes, on a vraiment à soutenir ses questions dans ce qu'elles ont de plus vives. Merci beaucoup.
1-École psychanalytique de Bretagne. 2014. Clinique singulière et lien social : actualité du malaise dans la culture ( Vannes, 29 Novembre 2014).
2-Lacan J., « D’un autre à l’Autre », séminaire des années 1968-69.
3-DaFonseca L., Congrès de Recife.